A l’origine de ce spectacle, le chorégraphe et danseur congolais Delavallet Bidiefono, qui n’a de cesse de se confronter à l’altérité et en l’occurrence dans Sorcières/Kimpa Vita, à celle du sexe féminin dont la détermination et le courage forcent l’admiration.

Entrée en matière

Nous sommes entre 1684 et 1706, le royaume Kongo est aux mains des Portugais qui pratiquent la traite des Noirs. Le conflit entre les deux royaumes est incessant et 1684 voit naître une femme d’un genre nouveau, Kimpa Vitae baptisée Dona Beatriz Marguerite par le père Luis Mendonça, alors de la trempe des missionnaires. Il faut dire qu’à cette époque la quasi-totalité du royaume du Kongo était catholique. Nul spectateur n’a d’ailleurs pu échapper au son des clochers au tout début du spectacle comme une mise en couleur sonore du contexte. Musique néanmoins teintée de notes lancinantes comme si une couche de croyance « superstitieuse » se superposait à la religion officielle.

DeLaVallet Bidiefono « Sorcières » – Kimpa Vita ©Pierre Gondard

C’est dans cet atmosphère que va nous être conté et chanté par la Malgache Dîna Mialinelina, l’histoire de Kimpa Vitae interprétée par la danseuse Florence Gnarigo, autrement surnommée la Jeanne d’Arc congolaise. Très jeune, la jeune fille est initiée à la spiritualité et très vite sera considérée comme prêtresse et prophétesse annonçant que Dieu punira les habitants de Kongo en proie à la traite négrière, s’ils ne parviennent à se défendre. Or, c’est elle, qui réussira à reprendre la capitale jusqu’ici aux mains des Portugais, instaurant la paix et le roi Pedro IV sur son trône. Sa récompense ? Elle est brûlée vive sur un bûcher, condamnée pour hérésie.

Syncrétisme et symbolique portés par la force d’un trio

Avec à la musique un grand Blanc, Benoit Lugué, comme adhérent pleinement à une cause à la fois noire, humaniste et féministe : Au nom du père /de la mère, du Saint Esprit « et de toutes les femmes et les hommes » pourrait-on rajouter. En effet, Pour Kimpa Vitae, Dieu est catholique pour les Catholiques, juif pour les Juifs, arabe pour les Arabes… Kimpa meurt chaque vendredi pour s’entretenir avec Dieu « qui est une femme avec des cornes » s’exclame Dîna Mialinelina.

DeLaVallet Bidiefono « Sorcières » – Kimpa Vita ©Pierre Gondard

Si la mise en scène au creuset d’une forme de syncrétisme est particulièrement codée, elle n’en est pas moins efficace. Des copeaux de bois noirs sur le sol sont les stigmates d’un pays à feu et à sang, trace d’un bûcher à venir ; et nous sommes étonnamment surpris par la voix de la danseuse qui fièrement s’avance vers le bûcher. Un choix judicieux que cette jeune danseuse tous sourires pour incarner Kimpa, danseuse survoltée aux longs cheveux de lianes dont on entend parfois la respiration saccadée comme pour signifier qu’elle est bien humaine ; l’innocence éclaire son visage et on est d’autant plus surpris par sa voix : claire, presque enfantine sans nulle crainte de ce qui l’attend. 

Toutes les informations pratiques sur « Sorcières » Kimpa Vita ici.


« Pina, my Love » au Festival de Marseille.