Transmitzvah nous emmène sur des chemins de traverses, au carrefoir des questionnements sur l’identité de genre.

On ne quitte jamais tout à fait l’enfance, il arrive même qu’on y retourne. C’est ce qui se produit pour Mumy Singer, chanteuse et danseuse internationalement connue pour avoir redonné vie au yiddish avec des accents pop, comme s’il fallait, estime-t-elle en interview « retourner en arrière pour mieux aller de l’avant ». C’est la première fois que la jeune femme va chanter dans sa ville natale, Buenos-Aires, la capitale argentine où elle se rend avec son compagnon psychanalyste, Sergio.

Transmitzvah © Daniel Burman / The Mediapro Studio

Mumy est née Ruben Singman, deuxième fils d’Aaron et Miriam, les propriétaires du magasin « Singman mode » : le magasin des femmes « élégantes et sportives ». Selon la tradition juive, à treize ans, le jeune garçon se devait d’accomplir sa bar-mitsva, mais, ce jour-là, il se présenta devant la famille travesti en fille et déclara qu’il ne se reconnaissait désormais plus dans le prénom de Ruben et désirait s’appeler Mumy Singer : le nouveau nom ne retirant de celui de la famille que la partie qui pouvait l’intéresser, celle du chant.  Pour le père, Aaron, un enfant est d’abord le fruit d’une idée dans le cerveau du père avant de devenir embryon dans le ventre de la mère, et le nom qu’on lui donne porte un message essentiel qui inscrit l’enfant dans la famille, la religion et la tradition culturelle. Difficile de concilier des points de vue aussi antagonistes.

Transmitzvah © Daniel Burman / The Mediapro Studio

Plusieurs années plus tard, et le succès bien présent, on aurait pu croire, au moment du retour de la « fille prodigue », que les rancœurs étaient désormais apaisées, or le père, qui n’a jamais entendu chanter sa fille, est victime d’une attaque le jour même du concert et il décède. La chanteuse, traumatisée, en perd la voix.

C’est alors qu’elle réalise ce qui l’attend, la quête qu’elle doit mener : accomplir enfin, des années plus tard, ce qui n’a jamais été accompli lors de son enfance et renouer, en elle-même, avec le petit Ruben.  Avec l’aide de son frère ainé, Edouardo, elle va s’efforcer de célébrer sa bar-mitsvah. Mais les obstacles sont nombreux sur sa route, et la cérémonie en question va vite se muer en « transmitzvah ».

Transmitzvah © Daniel Burman / The Mediapro Studio

Tel est le thème de ce film fort de Daniel Burman qui bénéficie, bien entendu, de l’interprétation exaltante de la belle Pénélope Guerrero, elle-même transsexuelle, dans le rôle principal. On y évoque les liens complexes mais nécessaires entre la tradition et la modernité, entre le respect des individus et le devoir collectif de reprise des grands mythes fondateurs. A plusieurs moments, le film se rapproche de l’atmosphère de certains grands Almodovar, lorsque ce dernier s’efforce de nous faire comprendre à quel point les différences humaines, loin d’être des défauts, représentent au contraire un enrichissement essentiel de la personnalité.

Transmitzvah © Daniel Burman / The Mediapro Studio

On n’est jamais très éloigné non plus de certains vertiges philosophiques et surréalistes d’un Jose Luis Borges lorsqu’il nous parle de l’au-delà en plein milieu de l’ici-bas. Transmitzvah est un film fort, drôle et juste qui ressemble à la pensée du penseur philosophe, Abulafa, consulté par la jeune chanteuse, et qui lui fait remarquer que, quelle que soit la direction que l’on emprunte, au bout du compte on se retrouve toujours immanquablement dans le même lieu, et ce lieu est celui des origines. 

Transmitzvah, de Daniel Burman, sortira en France le 14 mai 2025.

Bande-annonce (ESP):


OYLEM, voyage lumineux et poétique dans le Yiddishland