Attendu depuis un siècle moins un an, Tristan und Isolde à l’OPR Wallonie
C’est en 1865 que fut donnée la première représentation de Tristan und Isolde, au théâtre royal de la cour de Bavière.
Illustration : L. HAROUTOUNIAN – T. HELLIN – M. WEINIUS © J Berger – ORW-Liège
« Action en trois actes », dont le livret est dû tout comme la composition au génie de Richard Wagner. Inspiré par son amour impossible pour la poétesse Mathilde Wesendonck, le musicien s’est laissé guider par une légende celtique connue depuis au moins le 12 siècle.
A. MAREV – E. STAVINSKY -B. RADDE © J Berger – ORW-Liège
Considéré comme l’une des œuvres les plus importantes du théâtre lyrique occidental, Tristan und Isolde est aussi la première œuvre créée sous le patronage de Louis II de Bavière.
L’histoire
Tristan ramène en Cornouailles Isolde, promise à Marke. Elle est pourtant amoureuse de Tristan et s’agace de l’indifférence de celui-ci. Elle ordonne donc à sa suivante Brangäne de préparer un philtre mortel afin qu’ils le boivent ensemble. Mais ils se perdent dans une contemplation intense.
A l’acte 2, Tristan et Isolde qui est mariée dorénavant avec Marke, se retrouvent discrètement. Les amants chantent leur amour et leur désir de mort, seul façon possible de se retrouver. Brägane les avertit du lever du jour, mais Tristan et Isolde indifférents à tout, se laissent surprendre par le roi Marke. Ce dernier chante son amertume devant la trahison dont il est victime.
M. WEINIUS © J Berger – ORW-Liège
Acte III, mortellement blessé par Merlot, le vassal de Marke, Tristan se meurt lentement. Marke venu lui faire part de son pardon au nom de l’amour inconditionnel, ne peut que constater l’irrémédiable destin. Isolde arrive trop tard ; Tristan expire dans ses bras. La jeune femme meurt et s’en va rejoindre son amant dans une « mort d’amour » (Liebestod).
Comme dans Roméo et Juliette, Tristan et Isolde représente deux amants qui en mourant ensemble, se mêlent à l’infini et deviennent le mythe de l’amour absolu. Il s’agit de l’un des opéras qui représente le mieux le romantisme allemand. En fait, Wagner le considère même comme le début de « la musique moderne ». Il a composé une musique révolutionnaire, d’une grande profondeur dramatique baignant les protagonistes dans la mort du début à la fin.
L. HAROUTOUNIAN © J Berger – ORW-Liège
En plus de la thématique de l’amour et la mort, s’ajoute une autre source. Le motif de la nuit est également-développé. Il s’agit d’un recueil poétique , Hymnes de la nuit de Novalis, considéré comme l’un des textes fondateurs du romantisme allemand.
La mise en scène Jean-Claude Berutti est à la fois épurée, sobre et profonde. Les deux premiers actes se passent tels des souvenirs, quant au troisième, on assiste à l’agonie et à la mort de Tristan, alors qu’Isolde est sur le point de les rejoindre. Dans les deux premiers actes, on revoit les souvenirs des protagonistes et dans le dernier acte, les personnages se retrouvent propulsés dans le monde aseptisé d’un hôpital psychiatrique. Berutti et son équipe, ont travaillé à rendre parlant aussi bien les décors que les vidéos sans parler des costumes réalisés avec un grand talent. (R.Sabounghi, J.Kratochwil, C.Forey et J.Soulier). Notons la touche spéciale de Christophe Forey, qui nous a permis de gouter pleinement le plaisir d’admirer le plafond décoré du portrait de Wagner.
V. URMANA – L. HAROUTOUNIAN © J Berger – ORW-Liège
Michael Weinius s’est montré imparable dans le rôle de Tristan. Sa voix de ténor dramatique a tout sublimé. Première prestation sur notre scène, il s’est montré grandiose et très présent. Sa voix peut-être un peu faible au début, s’est largement épanouie pour la suite, donnant de vraies pages d’anthologie pour l’acte II.
Le rôle d’Isolde a été tenu à bout de voix par Lianna Haroutounian. La soprano arménienne a modulé ses notes de façon parfaite. Sa performance atteint des sommets de perfection, surtout dans les échanges des actes 2 et 3. Son interprétation a été prenante aussi dans l’acte I mais elle a été assez bien distribuée avec Brangäne. Violeta Urmana a donné toute l’étoffe indispensable au rôle de la servante. Elle offre à Brangäne la profondeur d’une mezzosoprano qui atteint les notes les plus basses mais aussi les plus hautes, sans effort. Une belle performance.
T. HELLIN – E. STAVINSKY – L.Haroutounian – M. Weinius © J Berger – ORW-Liège
Evgeny Stavinsky a endossé le rôle du roi Marc avec sensibilité, toujours avec justesse. Sa basse est parfaite, et il y met autant de conviction que dans le rôle Vodnik (Rusalka) la saison passée.
Birger Radde porte avec talent le rôle de Kurwenal. Il est un baryton tout à fait convaincant et sa voix justifie tout à fait sa place de meilleur chanteur de l’année 2020. Son interprétation met en relief sa façon de transformer son personnage.
T. HELLIN – L. HAROUTOUNIAN – M. WEINIUS © J Berger – ORW-Liège
Quant à Alexander Marev, il entre tout à fait dans son personnage de Merlot. Le jeune ténor est de plus en plus à sa place, avec ses hautes notes sans la moindre hésitation, avec un merveilleux phrasé et de la prononciation qui rend hommage à son travail de plus jeune artiste admis à la chapelle Musicale Reine Elisabeth. Sa voie et sa voix se démontrent assurément qu’il ne se trompent pas de direction.
Un siècle moins un an, voilà le temps que l’on a attendu pour revoir et entendre de nouveau « Tristan und Isolde ». Pour le préparer, Gianpaolo a travaillé beaucoup, et a y mis tout son art. Il a ouvert une nouvelle page de cette merveilleuse partition. Il a tiré parti de ces long dialogues que se sont adressés Tristan et Iseult. Il a joué de son habilité à diriger musiciens et chanteurs, avec un grand professionnalisme, mais aussi un art consommé, il a permis aux chanteurs de s’exprimer pleinement. Quel plaisir.
Tristan und Isolde à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 8 février 2025