(f)riou(l), un opéra presque maritime à Marseille
On nous promettait un spectacle en pleine mer, (f)riou(l), qui a comblé la billetterie mais la veille des 3 représentations la Méditerranée s‘est avérée houleuse, un petit côté breton avec ce ciel bas, ces quelques gouttes de pluie éparses à la sortie du concert, qui se sera finalement déroulé avec la fraîcheur d’une improvisation dans l’auditorium du Mucem.
En petit comité
Évidemment l’auditorium ne ressemble en rien aux éléments naturels des Îles Frioul où devait se jouer cet opéra et plus particulièrement si je ne m’abuse, sur la plage de la Calanque de Morgiret. Sur de petites embarcations les spectateurs devaient pouvoir en respirant l’iode à pleins poumons, observer et écouter la dernière création de Benjamin Dupé.
Les calanques de Marseille © photo Marie Pestel
Celui-ci est connu pour sa vision pluridisciplinaire, se consacrant tout aussi bien à l’écriture instrumentale, vocale ou électroacoustique, à l’improvisation et la performance, le théâtre musical, l’opéra, la conception d’installations…et attentif au spectacle vivant comme à l’opéra. Or c’est bien de cette frontière poreuse entre ces deux arts dont il s’agit dans (F)riou(l ) un opéra maritime. Si certains dont déserté l’évènement, d’autres ont eu tout loisir d’en prendre plein les oreilles et d’imaginer de toutes leurs cervelles.
(f)riou(l), un opéra écologique à Marseille © photo Marie Pestel
Imaginez…
Et là je ne peux que vous régaler en photos de ces deux iles Frioul prises en ce début de printemps. Principalement constituées de calcaire, les lieux semblent quasiment désertés par la flore, mais quand j’use du verbe « sembler », c’est que justement grâce à l’opéra (f)riou(l), on apprend combien la nature du littoral est discrètement riche comme avec la présence du myosotis fluet, de la proserpine, plantin, les sculptures des anémomorphoses et bien d’autres encore dont je n’ai pu lister les noms.
(f)riou(l), un opéra écologique à Marseille © photo Marie Pestel
Mais ce qui interpelle à Frioul c’est son aspect lunaire où soudain au détour d’un sentier on découvre une calanque insoupçonnée. La mer translucide vient lécher les rochers tachetés à l’image d’une panthère de calcaire. La nature vit au rythme du soleil et du vent, ce qui en fait un lieu magique, où rochers et végétation semblent avec été sculptés par le vent et la mer par la mer. Certains pants des iles sont recouverts de verdure, le soleil étant moins ardent avec eux. Si la nature bénéficie désormais de labels de protection de l’environnement qu’en est-il de la faune ?
(f)riou(l), un opéra écologique à Marseille © photo Marie Pestel
Un opéra écologique teinté d’humour
Les ennemis des Frioul sont les gabians, ces mouettes qui se reproduisent de manière exponentielle, se nourrissant de tout déchet quitte à vous chaparder en plein vol un morceau de biscuit que vous vous apprêtiez à croquer. C’est la raison pour laquelle la chanteuse lyrique ne cesse de répéter avec drôlerie « Nous consommons beaucoup », « Les gabians sont beaucoup » : suite implacable et logique que le comédien qui l’accompagne vient souligner de détails comme en évoquant par exemple ces fientes innombrables produisant cet azote toxique.
La foule en liesse a apprécié l’opéra © photo Marie Pestel
La faune, c’était aussi chevreaux, orques, antilopes, grands babouins… qui peu à peu ne se sont plus reproduits. Oui, décidément cet opéra revendique la protection de ce bel environnement encore sauvage, avec notamment de longues leçons d’ornithologie… Mais aussi d’histoires oniriques, quand la délicieuse voix des sirènes qui se sont attaquées à Ulysse, se fait entendre par l’intermédiaire de la chanteuse. On apprend encore pendant l’Opéra que Saint-Antoine en 1720 a ramené de Syrie la peste, laquelle avait décimé la moitié de ne la population de Marseille, ou encore que la gourmette de Saint Exupéry a été retrouvée aux abords de la cité phocéenne…
(f)riou(l), un opéra écologique à Marseille © photo Marie Pestel
Puis voix de chanteuse et comédien se rejoignent en un duo sonore qui agit comme un sablier chiffré tant le temps nous est compté dans l’urgence climatique. Une urgence manifeste aussi dans le jeu des instruments de musique, à l’image de terrains désolés, à la manière même de la bande son de psychose. En somme, cet opéra, par le choix d’une partition grinçante, convoque la beauté avant qu’il ne soit trop tard.
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