Le public francophone ne connaît pas très bien Herman Selleslags, nos amis flamands en ont fait quasiment une institution et des galeries de photos anglaises l’ont fait découvrir outre-Manche.

Illustration : Jean Seberg © Herman Selleslags

L’immense photographe Herman Selleslags, né le 3 mars 1938 à Anvers (Antwerpen) et décédé le 18 octobre 2024 à Deurne est à l’honneur dans un film d’Aldine Reinink, sur la chaîne flamande CANVAS de la VRT : Life Will Give You Pictures, qui sera diffusé le mercredi 8 janvier de 22h55 à 0h10.

Autoportrait © Stefan Vanfleteren

Une dynastie familiale photographique.

Herman Selleslags a de qui tenir puisqu’il a commencé comme assistant de son père photographe, Rik Selleslags, dès les années cinquante. J’ai pu voir ce film sous-titré en anglais le 16 novembre 2014 à Cinematek (pour nos amis non belges : c’est le nom actuel de notre Cinémathèque bruxelloise -ex-Musée du Cinéma – connue dans le monde entier pour la richesse foisonnante de ses collections…).

Herman Selleslags, 1986 © DR

La réalisatrice, avec Rik Zang à la caméra, a fait de la grande maison anversoise (vendue) où vivaient Herman et son fils Jan, un personnage à part entière. Herman Selleslags a surtout -mais pas exclusivement du tout -fait carrière à l’hebdo flamand de télé, radio et actualités : Humo. Et parfois dans le pendant francophone, Télémoustique (redevenu Moustique aujourd’hui).

Rivieras  

Du 20 mai au 14 juin 2015, eut lieu une superbe expo d’Herman intitulée Rivieras, à la galerie anversoise Paul Verbeeck-Van Dyck.

Cette expo présentait des photos prises à divers festivals de Cannes des années soixante, ainsi que des photos de chanteurs et chanteuses au fameux festival de San Remo. Voici par exemple deux photos exposées à cette occasion : Jean Seberg et Claudia Cardinale.

Claudia Cardinale et Jeanne Moreau, Exposition « Rivieras », mai 2015 © Herman Selleslags

J’ai pu converser longuement avec Herman le jour de l’inauguration, le 20 mai 2015, avec également un formidable accueil du grand galeriste Paul Verbeeck. Herman m’a confié alors être à la tête d’un patrimoine de…deux cent mille (200 000 !) photos.

Je suppose incluant celles de son père Rik, également. Pur hasard : c’est en mai 2015 -et il m’en a parlé alors -qu’il a commencé à léguer une partie de ce fonds au FOMU Fotomuseum -Musée de la Photographie d’Anvers (Antwerpen). On voit du personnel de ce Musée dans Life Will Give You Pictures, en train de se livrer à la douloureuse tâche de sélectionner des clichés à ajouter à leurs collections !

Les Rolling Stones au Théâtre Américain le 18 octobre 1964 pour l’enregistrement de « Tienerklanken » © Herman Selleslags

Le catalogue Selleslags       

Le présent article ne constitue pas une biographie de cet immense photographe, qui jamais (ou très rarement) ne faisait poser ses sujets. Il s’agit avant tout d’avertir un maximum de monde de la diffusion de ce film mercredi le 8 janvier sur CANVAS…soit dit en passant le jour où l’irremplaçable Elvis Presley aurait eu 90 ans !

Selleslags était un grand spécialiste des photos prises sur le vif, toujours à l’affût de l’instant décisif, le fameux concept d’un des maîtres en photographie d’Herman : Cartier-Bresson. Il a photographié d’innombrables vedettes et stars de la chanson, du rock, de la soul mais aussi du cinéma et autres.

Les Rolling Stones au Palais des Sports de Schaerbeek, 27 mars 1966 © Herman Selleslags

Quelques noms parmi des foules d’autres : du rock and roll au début des années soixante, comme le grand groupe belge The Cousins -notamment au festival de Comblain-la-Tour en août 1961 ou le très charismatique rock and roller en cuir noir Vince Taylor en 1962, un autre groupe de rock and roll belge très populaire de cette décennie : the Jokers, les Rolling Stones dès le 18 octobre 1964 au Théâtre américain du Heysel pour l’émission TV Tienerklanken diffusée le 16 novembre 1964 par la BRT puis pour leur retour le 27 mars 1966 pour le concert du palais des Sports de Schaerbeek (disparu), Hendrix lors de sa venue en Belgique en mars 1967, les Beatles dont McCartney et Lennon en solo lors du tournage du Magical Mystery Tour en septembre 1967, Pink Floyd en février 1968 en tournage pour deux émissions TV (Vibrato pour les francophones et Tienerklanken pour les néerlandophones),etc.

Jimi Hendrix, 6 mars 1967 © Herman Selleslags

D’autres noms en vrac : Fats Domino, Diana Ross, Roy Orbison, Ike and Tina Turner, du punk avec Johnny Rotten, etc. Des artistes français : Piaf, Hallyday, Polnareff (qu’Herman n’a pas apprécié comme homme -c’est ce qu’il m’a confié -un personnage trop prétentieux !), Gainsbourg et tant d’autres. Des hommes politiques, des écrivains comme Hugo Claus, etc. Et donc des stars de cinéma comme relaté plus haut, y compris parfois hors du contexte du festival de Cannes : comme Maurice Ronet.

Selleslags raconte des foules d’anecdotes dans ce film. Comment il a réussi à capturer les Stones à Schaerbeek le 27 mars 1966 malgré un barrage initial, comment il est allé chasser du Beatles sur le tournage de Magical Mystery Tour, où on lui refusa d’abord toute possibilité de prendre la moindre photo !

Le batteur Nick Mason de Pink Floyd en tournage belge, février 1968 © Archief 2007 / Fotomuseum Antwerpen © Herman Selleslags

Mais cela s’est débloqué pour une raison quasi miraculeuse -avec McCartney -que je vous laisse découvrir dans le film ! Parmi ses nombreuses qualités, on note la débrouillardise et…la chance ! Dans le film, il est question de musique avec Herman se souvenant de photos prises à ses débuts d’Art Blakey en Belgique.

Son fils Jan est un fou de musique et il a grandement contribué à concocter avec Aldine Reinink une bande-son de la plus haute qualité, hors des sentiers battus. Un nom parmi d’autres : le grand bluesman Robert Pete Wiliams dont Jan tient amoureusement un album ! Le film s’étend également sur la relation père-fils, Herman et Jan, tous deux endeuillés par la disparition de l’épouse d’Herman : Sonja Cantré, qui fut une présentatrice connue de la BRT (TV).

Une belle histoire d’amour : Herman suggère clairement qu’entre elle et lui, ce fut un coup de foudre immédiat… et donc durable ! Une autre réussite, mais non photographique, pour notre grand bonhomme ! Voilà, et une visite au FOMU d’Anvers -Antwerpen ravira les passionnés.

Hugo Claus © Herman Selleslags

En attendant, n’oublions pas mercredi soir devant l’écran d’une télévision qui prend beaucoup de hauteur, grâce à la chaîne CANVAS, à feu Herman et à son fils Jan et bien sûr à toute l’équipe de ce film. Aldine Reinink a décidé en 2015 de se lancer dans cette belle aventure via une connaissance commune. Le résultat en vaut largement la chandelle et de très nombreuses heures de tournage en extérieurs avec Herman demeurent inédites. La réalisatrice ayant décidé au fil du temps que la maison anversoise fait partie intégrante de ce projet. Qu’elle a donc «recentré» sur cette maison en conséquence.

Alors on se réjouit d’une si belle entrée en matière culturelle télévisuelle pour cette année nouvelle que l’on espère plus réjouissante que celle écoulée ! Et on n’a vraiment, vraiment pas fini de (re)découvrir l’incroyable héritage photographique du disparu, dont le fils Jan détient tous les droits des archives. Plutôt qu’un instant, un long moment décisif ce 8 janvier via la vision de ce film pour partir à la découverte d’un grand cador de la profession. On aura sûrement l’occasion de revenir sur la carrière de ce personnage hors du commun. Merci à Jan Selleslags.

Bande-annonce du reportage en NL (sous-titres ANGL):


« À partir d’elles », la place de la mère dans les photographies d’artistes