Actuellement, le studio d’animation Disney n’a que trois concurrents : les studios Aardman, les films d’animation japonais (Miyasakien tête) et bien sûr DreamWorks. Mais comment est né ce poids lourd de l’animation américaine ? Pour cela il faut revenir à la toute fin du XXème siècle. 

Histoire de DreamWorks

Jeffrey Katzenberg est depuis la fin des années 80 PDG de Disney Animation, c’est lui qui après l’âge de bronze du studio décide de revenir aux fondamentaux avec les contes de fées et le côté comédie musical. De sa persistance, naîtra La Petite Sirène en 1989 qui sera un grand succès et remettra la maison aux-oreilles-de-souris sur les rails. Suivront une décennie entière de succès avec la nomination du meilleur film pour La Belle et la Bête en 1993 et surtout la consécration absolue avec le triomphe du Roi Lion en 1994. Mais malgré ces apparences joyeuses ce cachent de grosses tension en interne.

Kung Fu Panda © DreamWorks

Effectivement, le grand patron de tout le studio, Michael Eisner, est déjà en conflit ouvert avec Roy E. Disney le neveu du maître Walt, et avec Katzenberg aussi. Furieux de ne pas avoir été promu par le conseil d’administration après la mort du directeur financier et Numéro Deux de Disney, Frank Weltz, Katzenberg décide de devenir aussi important qu’Eisner dans le domaine de l’animation. Renvoyé fin 1994 suite à de nombreux désaccords avec Eisner et Roy E. Disney, Katzenberg enterrera définitivement cette affaire au tribunal dû au refus d’Eisner de payer une somme « acceptable » pour son départ. Ni une, ni deux, Katzenberg fonde la société DreamWorks avec son mentor Steven Spielberg et son ami producteur de musique David Geffen, d’où les trois lettres SKG, placée sous le logo.

Après quelques films en 2D, tels que Le Prince d’Egypte, Simbad, et La Route d’El Dorado, Katzenberg enfonce la porte avec Shrek, véritable doigt d’honneur à son ancien employé et surtout aux idéaux conservateurs et naïf du studio aux grandes oreilles. Après un second opus meilleur que le premier, la saga Shrek s’égare petit à petit, mais ne s’éternise pas et se termine avec le décevant Shrek : Forever After en 2010. Cependant, le succès du personnage du Chat Potté apparu dans Shrek aura droit à des films solos dont le dernier opus fut unanimement acclamé par la critique.

Kung Fu Panda © DreamWorks

En parallèle de cette quadrilogie inégale, DreamWorks crée Madagascar, véritable bol d’air frais dans l’animation, et malgré un second opus de moyenne qualité, le troisième défie toutes les attentes et s’en sort auréolé par la critique et fait presque 1 milliard de dollars de recette. Les Pingouins de la trilogie  Madagascar auront quant à eux droit à une série télévisée avant d’avoir un film à leur nom en 2014. Assagis par la déception du dernier Shrek, le studio clos l’histoire de Madagascar avec une très bonne trilogie et créer en parallèle un nouveau projet : Kung Fu Panda.

Kung Fu Panda

Basé sur le même concept que Shrek, « ne pas se fier aux apparences », les studios DreamWorks voulaient surtout un film d’action très inspiré des films de Kung Fu de Jackie Chan (qui donne sa voix à Singe) tout en restant un film familiale avec des personnages attachant qui embrasseraient les pensées intérieurs des spectateurs. Les studios ont bien réfléchi à leur histoire : en 1999, ils produisent le jeu vidéo T’ai Fu : Wrath of the tiger, qui parle de différents clans d’animaux asiatiques tels que des léopards et des serpents, le personnage principal est le dernier spécimen des tigres de Chine qui doit vaincre le Maître Dragon pour venger la mort de ses petits. En chemin, il doit apprendre à maîtriser plusieurs types de Kung Fu différents avant d’affronter le boss final. De cette histoire seront repris plusieurs éléments pour le scénario de Kung Fu Panda.

Kung Fu Panda © DreamWorks

Grands fans des animes ainsi que des ombres chinoises, les réalisateurs décident d’incorporer quelques séquences en 2D (dont la séquence du rêve) pour honorer ce genre. Voulant au départ en faire une comédie à la Tex Avery, les réalisateurs Mark Osborne et John Stevenson pensent que cela froisserait le public chinois et d’autres pays d’Extrême-Orient. Ils se tournent donc vers le style plus sérieux et fantastique de type Wuxia. Ils s’inspirent tant de films très sérieux tel que le célèbre Tigre et Dragon d’Ang Lee, que de la technique du soldat bourré et des films de comédie tel que Kung Fu Hustle.

Ils planchent pendant longtemps sur les origines de Po, mais de nombreuses idées seront mises de côté et réutilisées pour les suites. Quant aux Cinq Cyclones, ils sont chacun basés sur un type de Kung Fu différents, soit l’incarnation même de l’esprit animal associé à ce mouvement Kung Fu : Tigre, Vipère, Grue, Singe et Mente religieuse. L’animosité entre Maître Shifu et son ancien élève Tai Lung, font évidemment allusion à Star Wars, avec Obi-Wan et Anakin, mais se base également sur le fait que les pandas roux n’ont qu’un seul prédateur, la panthère des neiges.

Kung Fu Panda © DreamWorks

Le film demanda près de quatre années de travail, et s’offre le luxe de retravailler avec Jack Black accompagné d’Angelina Jolie, qui avaient tous les deux déjà travaillé ensemble sur Gang de Requin en 2004. Pour le vénérable Maître Shifu, qui de mieux que Dustin Hoffman (Pierre Arditi dans la version française) pour lui prêter sa voix. Le casting des Cinq Cyclones se compose de Seth Rogen pour Mante, David Cross pour Grue, la légendaire actrice chinoise Lucy Liu et bien sûr Angelina Jolie pour Tigresse. Quant au méchant Taï Lung, c’est la voix profonde et imposante de l’acteur anglais Ian McShane (capitaine crochet dans Shrek) qui ajoute de la profondeur à ce léopard des neiges.

En ce qui concerne la musique tout le monde connaît Hans Zimmer, ou du moins son nom, à l’inverse de John Williams dont on reconnaît la musique, mais pas l’auteur. Zimmer est un habitué des studios Dreamworks pour qui il compose la musique depuis Le Prince d’Egypte. Pourtant habitué aux thèmes orientaux depuis Le Dernier Samouraï en 2005 et surtout Pirates des Caraïbes : Jusqu’au Bout du Monde en 2007, Zimmer parti dans l’ancien Empire du Milieu pour s’imprégner de la culture et de la musique traditionnel chinoise. Après avoir visité et rencontrer les dirigeant du Chinese National Symphony, il fit venir de nombreux musiciens locaux à Londres pour l’enrégistrement. De nombreux instruments chinois furent utilisés pour rendre la partition plus authentique, tel que l’erhu, le guzheng et des flûtes chinoises. Mais le composteur ne fut pas seul pour écrire les partitions, en effet, les patrons de DreamWorks le mirent en binôme avec son ancien apprenti John Powell, avec qui il avait déjà travaillé sur La Route d’El Dorado.    

Kung Fu Panda © DreamWorks

Le film sort en 2008 et est clairement acclamé comme l’un des meilleurs films d’animation des studios DreamWorks. Avec un budget de 130 millions de dollars, il en rapporte plus de 600. Légitimement nommé aux Oscars, il perdra face à Wall-E de Disney.

Kung Fu Panda 2

Vu le succès du long-métrage, il était évident qu’une suite allait être mise en chantier, mais les réalisateurs Osborn et Stevenson ne rempilent pas pour ce second opus qui est donc confié à Jennifer Yuh Nelson (qui avait déjà participer à l’écriture du scénario pour le premier). S’imprégnant de plus en plus de la culture chinoise, une partie des animateurs partent à Chengdu, capitale de la province du Sichuan, réputé pour sa réserve naturelle de pandas.

Kung Fu Panda © DreamWorks

Un bébé panda naîtra dans cette réserve pendant leur séjour, ce qui poussera les animateurs à développer les origines de Po, puisant dans les idées mises de côté pour le premier film, et préparant des éléments clés du troisième film (qui sortira 5 ans plus tard). Les studios s’inspireront grandement des paysages de la vallée du Mont Qing Cheng Shan, un lieu sacré taoïste, pour le village d’origine de Po et l’architecture du palais du méchant Sheng.

Bien que le paon soit symbole de paix et d’harmonie dans la culture chinoise, l’antagoniste  Maître Shen fait ici figure de traître dans cette histoire, sa robe blanche albinos faisant écho à son statut noble. Son histoire s’inspire du passage des combats aux corps-à-corps à l’utilisation de la poudre à canon utilisée pour les feux d’artifice à usage militaire. Il fait clairement référence à l’industrialisation de la Chine, ce thème est également abordé par les films  Le dernier Samouraï d’Edward Zwick, et Mémoires d’une Geisha  de Rob Marshall, mais qui se déroulent, eux, au Japon.  

Kung Fu Panda © DreamWorks

Pour donner vie à cet adversaire de taille, lié aux traumas et à l’historique de Po, qui de mieux que le vénérable Gary Oldman habitué aux personnages de méchant (JFK, Léon, Air Force One) qui prit énormément de plaisir à participer à un film d’animation. Dans le casting des voix, le studio se paie notre star nationale Jean-Claude Van Damme en Maître Croc, lui qui a eu une longue carrière de film d’action, comme en témoigne sa participation à la saga Expendables.

Peu de choses sont sourcées pour la musique du second film, si ce n’est que John Powell s’impose beaucoup plus que dans le volet précèdent. Zimmer était-il trop occupé avec son ami Christopher Nolan ? Qu’importe, exit le côté kitch du précédent volet, le côté « trop »  humoristique venu tout droit des comédies Kung Fu des années 70, l’ambiance zen plagiée à John Williams dans 7 Ans au Tibet, ou Mémoires d’une Geisha, voir les emprunts à Kill Bill et Matrix. Une nouveauté particulière, Powell rajoute un instrument japonais à la panoplie d’instruments chinois déjà présent, un shakuhachi.

Kung Fu Panda © DreamWorks

La scène d’intro en 2D, tout comme dans le premier volet, va encore plus loin dans sa ressemblance avec les ombres chinoises et s’inspire de la prophétie entourant Moïse, et suit un concept assez Sartrien comme quoi les prophéties ne se réalisent que si on leur accorde de l’importance (une idée déjà imagée par la prémonition d’Oogway dans le premier film). Ce deuxième opus entame un chemin psychologique et philosophique dans la parfaite lignée du précédent film, là ou Kung Fu Panda nous apprenait à croire en nous, à accepter l’inattendu et à ne pas se fier aux apparences, le second nous apprend à accepter notre passé pour embrasser notre personnalité et aller de l’avant. Le film sort en 2011 et avec un budget assez similaire au premier, fait presque exactement le même score au Box-office. Également nommé aux Oscars (pour la dernière fois), il perdra face à l’excellent Rango de Gore Verbinski, avec des critiques un peu plus divisées.

Extraits des Kung Fu Panda 1, 2 et 3 :


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