Pourquoi « Alien : Resurrection » est une excellente suite, trop sous-estimée
Ce qui est intéressant avec la franchise « Alien », c’est que tous les opus de la quadrilogie originale sont différents. Chaque épisode a sa propre personnalité et possède le style bien caractéristique de son réalisateur. De très grands cinéastes se sont succédés pour diriger cette saga et des 4 films, il est clair que « Alien : Resurrection » est le plus clivant. Il est rare de voir une œuvre diviser autant les spectateurs, beaucoup n’apprécient pas l’aspect plus décalé et extravagant du long métrage, car il s’éloigne drastiquement de l’esprit des films précédents.
Pour ma part, je fais partie de ceux qui défendent corps et âme ce quatrième épisode, que je trouve injustement sous-estimé. Si je devais faire un classement de la saga, je mettrais tout de même le premier en-tête, car il s’agit d’une œuvre brillante, qui a eu une influence énorme sur le cinéma d’horreur et de science-fiction, c’est par lui que tout a commencé.
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Il est tellement laid et répugnant, mais c’est pour cela que je l’adore © 20th Century Studios
Néanmoins, je dois avouer que « Resurrection » est l’épisode qui me touche le plus, il y a quelque chose avec ce long métrage que je trouve véritablement fascinant. C’est Jean-Pierre Jeunet qui le réalise, je ne suis habituellement pas un grand amateur de ce metteur en scène, mais ici, sa patte, très reconnaissable, constitue une superbe plus-value à l’œuvre.
Visuellement splendide
Ce qui frappe dès que « Alien : Resurrection » débute, c’est sa direction artistique complexe et très singulière. La photographie est somptueuse, ce ton très jaune et lumineux est un contraste très ingénieux avec les abominations montrées à l’écran. Le film mélange habillement l’organique et le mécanique dans ses décors.
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Sigourney Weaver comme on l’aime © 20th Century Studios
« Alien : Resurrection » est l’épisode le plus violent et le plus crasseux de la franchise, on ressent complètement la monstruosité de la créature. On n’hésite pas à débecter le spectateur avec des visuels très crus et graphiques. Mais Jeunet, en insufflant à son œuvre un visuel extrêmement soigné, désire esthétiser l’horreur pour en faire une œuvre d’art. La métaphore sexuelle est un élément central de la saga « Alien », elle est ici plus que jamais présente.
On est à la fois repoussé et envoûté par ce qu’on voit. Le xénomorphe est pour la première fois montré en pleine lumière, Jean Pierre Jeunet est fasciné par la créature qu’il met en scène et il désire la mettre en valeur. Si celle-ci est cauchemardesque, sa sophistication et sa pureté dans son hostilité la rendent presque sublime.
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Dis bonjour à Tonton Alien © 20th Century Studios
Le développement du personnage de Ripley est également très riche et intéressant. « Alien : Resurrection » se déroule 200 ans après les événements de « Alien 3 » qui se finissait par la mort de Helen Ripley, qui s’était sacrifiée car elle avait une reine alien dans son corps. Des scientifiques sont parvenus à la cloner avec des restes de son ADN afin de récupérer la bestiole. Cette nouvelle Ripley n’est pas identique à l’originale, en effet, elle a récupéré une partie du code génétique de la reine qu’elle portait en elle.
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© 20th Century Studios
La symbolique est très puissante et féroce. Cette femme qui a été sans cesse amenée à affronter l’espèce la plus dangereuse de l’univers, à tel point que celle-ci devienne le point central de son existence, est forcée d’en avoir une partie dans son propre ADN. Ripley sera toujours liée à son pire ennemi.
Une œuvre complexe et psychologique
Le long métrage interroge sur la part de bestialité qu’il y a en nous et ce qui différencie l’homme du monstre. Ici Ripley se questionne sur son identité, la scène où elle découvre les clones ratés d’elle-même est particulièrement dérangeante, le choc émotionnel pour le personnage est terrible et Sigourney Weaver interprète cela avec brio. L’un des points les plus sujets aux controverses avec cette œuvre est le « newborn » Il s’agit d’un organisme hybride humain et xénomorphe.
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La Belle et la Bête © 20th Century Studios
Le public a été révulsé par son design et effectivement, le newborn est particulièrement hideux. Il est complètement difforme et visqueux. Pour moi il s’agit d’une réussite, car même si il a dégoûté beaucoup de monde, c’était l’objectif de Jean Pierre Jeunet. La symbolique est ici très forte. Cet hybride est une représentation dégénérée de ce qu’est devenue Ripley et de ce qui l’attend si elle se laisse dominer par sa part animale. En décidant de le tuer, le personnage procède à un véritable avortement, en choisissant l’humanité. Une nouvelle fois, la franchise délivre une métaphore saisissante sur le viol.
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© 20th Century Studios
« Alien : Resurrection » est donc une œuvre qui a été, à mes yeux, incomprise, je comprends qu’elle ait pu déstabiliser les spectateurs de par sa radicalité. Jean Pierre Jeunet n’a pas eu peur d’aller au bout de sa vision. Il en résulte un long métrage très atypique, mais qui est selon moi passionnant et très profond dans le traitement de ses thématiques.
Bande-annonce (ANGL) :
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