Robert Charlebois en tournée: un enchanteur au Cirque Royal
En ce mois de décembre le grand Robert Charlebois est passé par Bruxelles pour enchanter ses nombreux fans qui ont rempli le Cirque Royal.
Le mercredi 11 décembre 2024, Robert Charlebois donne l’avant-dernier concert de sa tournée actuelle au Cirque royal de Bruxelles, avant le Forum de Liège, le 12 décembre. Plus intimiste que d’autres, elle s’intitule : Charlebois Ducharme et les autres… Il s’agit d’un salut à un écrivain disparu le 21 août 2017 et qui fut un grand auteur pour notre chanteur multi-instrumentiste : Réjean Ducharme. Verdict : plaisir total à tous les étages !
Charlebois C si bon !
La lettre C à l’honneur ci-après… Charlebois le Canadien au Cirque royal : un cador. Le chroniqueur de Culturius Magazine, Christian N., vous le confirme ! Sérieusement, le spectacle varié et basé sur un long crescendo a enchanté le public. Moyenne d’âge : des gens jeunes depuis assez longtemps, disons…
© Robert Charlebois
Quant à notre vedette, il démontre encore une forme éblouissante. Non diminuée par les excès auxquels il ne nie pas s’être livré dans le passé. Notamment la bière, surtout du temps passé à exercer, durant plus d’une décennie, la noble activité de… brasseur ! C’est du passé.
L’équipe
Trois musiciens différents, pour causes diverses, de ceux prévus au départ, l’accompagnent. Sous la direction musicale du multi-instrumentiste Daniel Lacoste, on trouve notamment Pierre-Olivier Gagnon à la basse, Jean-Sébastien Fournier aux claviers et Michel Roy aux claviers. Un certain Charlebois est parfois guitariste, parfois claviériste.
© Robert Charlebois
Le show
Les musiciens jouent les premiers accords de Je Reviendrai à Montréal pour un public ravi de ce très bref petit salut en musique et Robert déboule. Vêtu de façon simple et sportive d’une veste et pantalon gris, et d’un T-shirt et de baskets blancs. Le répertoire de la tournée comprend d’anciennes chansons oubliées, d’autres beaucoup plus récentes et une partie seulement de tous ses nombreux tubes.
© Robert Charlebois
Début inattendu plutôt en douceur avec Le Mont Athos (1971) avant un grand bond de cinquante ans avec une création absolument délicieuse de 2021 : Je Suis Né, une petite fantaisie aux accents ultrarétros. Les paroles allègres sont entrecoupées tout du long par des notes d’un kazoo espiègle dont joue le chanteur ! Un très joli morceau qui ne se prend pas au sérieux, et plein de charme.
© Robert Charlebois
Les chansons s’enchaînent, avec des décennies éloignées balayées sans ordre chronologique : de 1969 à 2021 précisément. Je L’Savais, Avril sur Mars, etc. suivent. Hommage à un de ses maîtres, le barde canadien Gilles Vigneault avec Mourir de Jeunesse. Charlebois nous amuse et nous intéresse avec ses introductions et de nombreuses petites anecdotes. Il nous confie être Heureux En Amour : pour introduire ce titre, il évoque sa blonde épouse française de très longue date : une belle histoire.
Clin d’œil aux Belges !
Après Heureux En Amour, voici maintenant un vrai premier gros succès qui prend le contrepied de la chanson précédente… Là il nous gratifie de sa complainte déchirante de 1979 : J’Veux D’L’Amour. Tout à coup, le spectacle prend une autre dimension. L’intensité monte et Robert se déploie pleinement, se tord comme un homme qui implore cet amour si dur à obtenir. Pas dans sa vraie vie mais il joue le rôle d’un écorché vif qui crève d’envie d’être aimé…
© Robert Charlebois
Vers la fin : le plan classique de tous les vrais rockers ! Il brandit le pied de micro, haut au-dessus de lui, en étant courbé… Formidable mélange d’une sorte de cabotinage artistique obligé et de sincérité totale en même temps. Impossible de distinguer les deux : comme Aznavour l’a dit un jour en fait de comparaison, on ne peut séparer, dans une tasse, le café du lait…
© Robert Charlebois
Charlebois nous amuse en ayant du mal à prononcer le nom du chanteur flamand qui reprit ce titre avec succès en 1980 : Raymond Van Het Groenewoud (en de Centimeters) ! Un grand moment. Comme s’il prenait vraiment son envol. Et pour monter très haut, en nous entraînant à sa suite : euphorie…
Parade des succès
Le rouge est mis : Charlebois obtient, sans l’ombre de la moindre difficulté, l’amour et la ferveur d’un public aux anges -ce chroniqueur compris. Parmi les succès qui maintenant déboulent, sans être totalement exhaustif, on pointe : Je Reviendrai à Montréal, un triomphe de 1976. Lindbergh, le titre qui après quelques années déjà d’activités de chanteur resté inconnu hors de son pays, le lance avec fracas ailleurs, enfin.
© Robert Charlebois
Notamment en France et en Belgique, où Claude Delacroix matraque ce titre en 1969 dans la mythique émission de radio Formule J, le Salut les Copains des Belges… Ce morceau quasi expérimental est enregistré en duo avec Louise Forestier, et influencé par le séjour californien récent de Charlebois qui s’est imprégné de toute la culture hippie, en fréquentant des gens comme Frank Zappa et bien d’autres.
Mais Robert ne s’appesantit guère sur ce morceau pourtant historique et pas de mention de Forestier… Dont les parties vocales essentielles sont remplacées par les chœurs des musiciens. Une interprétation assez différente de la première version, plus sobre, plus classique qu’en ces folles années, mais très appréciée et qui ravive tant de souvenirs.
© Robert Charlebois
Peu après Lindbergh, un autre evergreen du chanteur, dont tout le monde se souvient. Ordinaire, qui inaugure si bien la décennie en question pour lui, en 1970. Il nous apprend -beaucoup ignoraient cela, je crois -qu’il en existe une version féminine par l’autre star québécoise, Céline Dion…
Un grand salut au Rock and Roll !
Le jeune gars des années cinquante et début soixante écoute les grands compositeurs du Great American Songbook tels Irving Berlin, George et Ira Gershwin et les autres.
Tout comme les grands chanteurs francophones : tant ses compatriotes, Félix Leclerc et Gilles Vigneault en tête, que les Français et assimilés-Aznavour, Nougaro, Brassens, Gainsbourg, Trenet, Guy Béart etc. et son maître et ami -avec qui il a tourné- Léo Ferré.
© Robert Charlebois
Mais en 1956 il prend une grande claque d’anthologie avec l’arrivée tonitruante du Rock and Roll américain ! Au point de chanter du rock en anglais dans un groupe amateur à la fin des années cinquante (pas de disque enregistré), d’organiser au domicile familial des soirées Elvis où il imite pour ses amis et amies le Roi du Rock and Roll… Tout en se passionnant pour les plus grands : Bill Haley, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry et consorts.
Ces petits éléments biographiques pour contextualiser un point culminant du show Charlebois, dont la voix reste totalement intacte après soixante ans de carrière. On apprend un élément inconnu.
© Robert Charlebois
Selon lui, son plus gros succès canadien est un titre resté peu connu chez nous, Les Talons Hauts (1982) cosigné avec un certain…Luc Plamondon, auréolé alors et depuis lors de la gloire que lui a valu l’écriture de l’opéra-rock Starmania. Avec humour, notre chanteur vante l’attaché de presse exceptionnel de cet auteur : Macron, alors que Notre- Dame de Paris vient de rouvrir ses portes au public ! Plamondon étant l’auteur du livret de la comédie musicale de ce titre d’après le roman de Victor Hugo.
© Robert Charlebois
Les Talons Hauts est un très bel hommage au Rock and Roll des années cinquante, avec une jeune fille qui porte des talons hauts, porte un petit foulard à la Bardot et craque pour un chanteur. Elle se pâme pour sa voix rauque et il chante Rock Around The Clock ! Hommage peut-être indirect à Bill Haley et de toute façon à toute une époque toujours plus mythique à mesure que l’on s’en éloigne… ! Et que Charlebois a eu l’immense chance de vivre quand toute cette explosion musicale et sociale est survenue.
Et Voilà
En guise de rappel beaucoup plus intimiste, Charlebois s’installe aux claviers en nous racontant un petit souvenir. Deux semaines avant sa mort, Aznavour est interviewé à la télévision québécoise et souhaite créer une chanson basée sur le mot «voilà». Charlebois voit cette émission. La superstar disparue mais dont le souvenir est plus vivant que jamais en 2024 prouve alors avoir de la suite dans les idées…
© Robert Charlebois
Dans une interview à Anne Fulda dans Le Figaro, quelque temps plus tôt, il avouait déjà ne pas comprendre l’invasion de ce tic de langage «voilà». Et il déclarait souhaiter baser une chanson autour de ce vocable envahissant ! La vie ne lui en a pas laissé le temps et Charlebois, pensant à Aznavour et son projet, écrit son Et Voilà, devenu également le titre d’un album paru en 2019. Et sans lien avec le tic de langage…
Une belle chanson d’amour. Qui termine en toute beauté un spectacle irréprochable, captivant, émouvant avec un groupe soudé et impeccable, en dépit des changements de personnel. Il ne pouvait passer en revue tous ses nombreux succès.
© Robert Charlebois
Un seul minibémol : une de mes préférées a été mentionnée par Charlebois : Conception (1972). Mais hélas pas chantée ! En se contentant de révéler que Léo Ferré -qui pourtant appréciait Charlebois en lui témoignant une vraie amitié – trouvait que cette chanson était un peu du gâchis. Ce qui fait rire de bon cœur le public ! Comme quoi le grand homme manquait parfois un peu d’humour et ce titre craquantissime au possible est hélas resté recalé pour ce spectacle.
Un de mes préférés absolus, si je peux me permettre cette petite remarque perso… Vivement qu’il soit à nouveau inclus plus tard dans son répertoire de scène ! On précise encore que l’artiste n’a pas mentionné le combat bien connu des Québécois en faveur de la langue française contre l’anglais tout-puissant. Il veut de l’amour et des foules d’aficionados lui en donneront pour très, très longtemps encore, espérons-le !
© Robert Charlebois
S’il revient, pas seulement à Montréal mais par chez vous, il ne faut le louper sous aucun prétexte. Un tel artiste, avec sa gouaille et sa bouille absolument irrésistible, est d’une essence rare et on ne peut passer à côté. L’auteur de ses lignes marque cette soirée du 11 décembre d’une pierre aussi blanche que les baskets de Charlebois. Un homme aux semelles de vent, ce Canadien planant, comme le surnommait Claude Dubois en 1973 dans Rock&Folk
Les décennies ont passé, le feu brûle toujours.
Quels rapports entre la présidence américaine et le rock and roll ?