Il est malheureux de constater à quel point l’actualité internationale actuelle est sombre. Les atrocités qui se déroulent de nos jours nous rappellent que l’humanité ne comprend jamais réellement de ses erreurs et continue à les reproduire inlassablement. Il y a-t-il un jour où l’histoire cessera de se répéter? Je pense que le temps est bien choisi pour revenir sur une œuvre qui a eu le courage de dénoncer l’une des plus affreuses et violentes éradications de masse de l’histoire, « Soldat Bleu ».

Cette critique révélera des éléments de l’intrigue du long métrage qui est traité. Cela ne vous gâchera pas le visionnage de celui-ci mais il est important de le préciser.

« Soldat Bleu » est une œuvre superbe, audacieuse et trop peu connue. Elle commence comme un western normal, on place le spectateur en terrain connu, pour mieux le bousculer à la fin. On suit d’abord une bataille assez violente entre la cavalerie américaine et les Cheyennes. Ces derniers gagnent le combat, seuls deux américains survivent, un soldat un peu naïf (Peter Strauss) et une jeune femme, qui est une ancienne prisonnière des Indiens. Ils vont devoir collaborer pour s’en sortir dans cette nature hostile et rejoindre le camp de l’armée.

Peter Strauss et Candice Bergen © Embassy Pictures

Des personnages écrits avec brio 

La première grande force de « Soldat Bleu » c’est ce fantastique duo de personnages. On a d’abord le héros qui est un jeune soldat, persuadé de se battre pour son pays et qui pense que les Indiens sont des monstres. De l’autre côté nous avons cette jeune femme au caractère très fort et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Elle a été au contact des Indiens durant sa captivité et les soutient. Elle reproche au héros sa vision simple des choses ainsi que sa fermeture d’esprit.

Candice Bergen © Embassy Pictures

Elle clame haut et fort que l’armée américaine doit arrêter de prendre les terres des Indiens et que ceux-ci ne font que se défendre. La tension va se créer entre les deux protagonistes mais des liens forts vont également se tisser entre eux. Une relation d’amour-haine va s’installer.

Un personnage féminin fort et remarquablement interprété

La jeune femme jouée par Candice Bergen est le meilleur personnage du long métrage. Les westerns ne sont pas connus pour nous offrir de puissantes figures féminines, mais « Soldat Bleu » est une des exceptions (on peut noter le très réussi « Johnny Guitare » également). Ce protagoniste est génial, elle est drôle, terriblement charismatique et ses répliques sont savoureuses. Elle n’hésite pas à se moquer du héros et à le remettre à sa place quand il l’ennuie. Elle est excellemment interprétée par Candice Bergen, qui est grandiose dans ce rôle.

Candice Bergen © Embassy Pictures

Lors du dernier acte, le ton de l’œuvre change assez radicalement. L’armée américaine veut se venger des Cheyennes et attaque leur village. Les Indiens lèvent un drapeau blanc, mais ça n’empêche pas l’armée de continuer l’offensive. Les Cheyennes se font massacrer, même les femmes et les enfants ne sont pas épargnés. Les soldats violent, pillent et tuent. Le film est très explicite et ne nous épargne rien.

Un western d’un nouveau genre qui choque pour mieux dénoncer

Cette rupture de ton est très intéressante, on veut choquer le spectateur, brutalement le sortir de sa zone de confort. Cette scène finale est un uppercut en pleine figure, jamais les crimes contre les indiens n’ont été montrés de manière aussi crue. C’est dur mais nécessaire.

Des scènes crues de violence © Embassy Pictures

Le long métrage de Ralph Nelson est sorti en 1970, on n’est déjà plus dans la grande période des westerns, on était à cette époque où le genre gagnait en « maturité » c’est-à-dire qu’on ne voulait plus représenter cette image clichée du gentil cow-boy qui affronte les vilains Indiens. Ici ce ne sont plus les Indiens les antagonistes, mais les Blancs.

Au lieu de représenter la Conquête de l’Ouest comme une victoire, on la représente comme un crime (Massacre de Sand Creek). On veut faire prendre conscience à l’Amérique qu’elle a du sang sur les mains. « Soldat Bleu » est l’un des représentants les plus fascinants et forts de ce nouveau type de westerns. C’est un film remarquable, trop peu connu, que je vous recommande grandement.

La bande annonce de 1970 en ANGL :


Walker : Independance, Un western féministe?