Le problème des remakes Disney
Depuis quelques années, l’industrie cinématographique est marquée par une tendance bien particulière : les remakes de Disney. Des classiques animés ont été revisités pour le grand écran, suscitant à la fois l’excitation des fans et des débats passionnés.
À la moitié des années 80, Jeffrey Katzenberg, alors patron de Disney, planche avec Steven Spielberg pour une adaptation avec des comédiens de Peter Pan, seul hic : le patron de la société aux grandes oreilles craint que le long-métrage ne fasse concurrence au film d’animation de 1953. Le film, intitulé Hook: ou la Revanche du Capitaine Crochet pour éviter cette confusion, est finalement produit par le studio et a un certain succès au box-office en 1991.
Cinq ans plus tard, en 1996, sort le remake en prise de vue réelle des 101 Dalmatiens avec la mythique Glenn Close dans le rôle de Cruella D’Enfer. Le film rencontre un certain succès au box-office et a droit à une suite en 2002 avec Cruella en vedette, vu le talent de Glenn Close, mais l’engouement n’est plus là.
Au début du millénaire, Disney a du mal à survivre, car après le renvoi de Jeffrey Katzenberg, furieux, ce dernier crée DreamWorks avec son mentor Steven Spielberg et concurrence directement le grand studio. Sans parler de l’arrivée de L’Âge de glace des studios Blue Sky, qui fait une entrée fracassante dans l’animation outre-Atlantique. Disney peine à suivre le mouvement des films en 3D, et cela se voit clairement (Dinosaure en est un bon exemple). Pour éviter la faillite imminente, Bob Iger nomme John Lasseter patron de Pixar, qui est également PDG des studios d’animation. L’échec total du film John Carter place Iger en tant que CEO, et le pousse à racheter les studios à tout-va, y compris MARVEL, Lucasfilm et Pixar, qui rentrent ainsi sous le giron de Disney. Cela permet à Disney d’éviter de trop grosses pertes financières en cas d’échec d’un film.
Au même moment, Bob Iger caresse le rêve de réadapter Alice aux Pays des Merveilles, dont il sait que Disney lui-même était fort insatisfait et voulait mélanger prises de vue réelles et dessin animé, avec France Gall en vedette. Cependant, le projet fut avorté. Iger se tourne alors vers le poétique Tim Burton, qui accepte avec enthousiasme. Le tournage se perd dans un décor entièrement en fond vert et avec de nombreux effets numériques. C’est une douce vengeance pour ce fils prodige qui avait fait ses débuts en tant que dessinateur chez Disney dans les années 80, mais dont l’imagerie gothique ne correspondait pas à l’image plus traditionnelle des films de l’époque. Il avait d’ailleurs été « renvoyé » pour cette raison. Alice reste aujourd’hui le plus gros succès de Burton et lance définitivement la machine des remakes en live action de Disney.
Désireux de garder leur protégé, Disney attache immédiatement Burton aux projets suivants, La Belle et la Bête et La Belle au Bois Dormant. Cependant, en raison de problèmes d’emploi du temps et de craintes d’être trop lié à Disney, Burton se retire et ne revient que pour Dumbo en 2019. La même situation se produit avec le fantastique Guillermo Del Toro, également attaché aux deux projets mentionnés précédemment, ainsi qu’à une éventuelle adaptation de Pinocchio avec Robert Downey Jr. dans le rôle de Geppetto. Del Toro finit par réaliser une version animée de Pinocchio pour Netflix en 2023, auréolé de critiques élogieuses et de nominations
De même pour la trilogie Star Wars, aucun grand réalisateur ne souhaite être brimé par le studio. La responsabilité des longs-métrages est donc confiée à des réalisateurs sans grande envergure, des « Yes Man » qui acceptent sans trop rechigner aux exigences d’Iger. De son côté, Iger leur accorde un peu de mou à la laisse afin de faire croire à une quelconque liberté artistique des auteurs.
S’enchaînent alors La Belle et la Bête, Maléfique, Le Livre de la Jungle et Cendrillon. Certains réalisateurs phares de l’écurie Marvel passent également par Disney, ayant déjà prouvé leur capacité à satisfaire Mickey Mouse : Jon Favreau, pierre angulaire de l’univers cinématographique Marvel avec Iron Man 1 et 2, réalise ensuite Le Livre de la Jungle et Le Roi Lion, tandis que le shakespearien Kenneth Branagh, après son film sur le super-héros Thor, réalise Cendrillon avec la même passion qu’il mettrait en scène Macbeth.
Les films se succèdent à un rythme effréné et la plateforme Disney+ devient une mine d’or pendant la période de la Covid, délaissant les exploitants de salles qui comptaient sur le remake de Mulan pour survivre financièrement. Ainsi, La Belle et le Clochard et Pinocchio sortiront sur la plateforme avec une certaine indifférence du public.
Le problème actuel est que ces films n’apportent aucune vision novatrice, aucun nouvel effet, aucun panache (hormis Maléfique sur certains sujets moraux), là où les films originaux avaient marqué l’histoire avec un grand H. Les remakes semblent ici n’être que de pâles copies et malgré les moyens alloués par le numérique et le budget colossal dont sont capables les studios, ils n’arrivent pas à sublimer les images ayant marqué à jamais la rétine d’enfants émerveillés par une telle puissance et une telle imagination. On ne compte plus les vidéos YouTube comparant les originaux aux copies, montrant ainsi le creux béant entre les deux.
Mais rusé comme un renard, Iger mise désormais sur la diversité ethnique et sexuelle des personnages, faisant hurler de rage les réactionnaires et extrémistes de tous bords. Ainsi, les récentes « polémiques » sur la couleur de peau de La Petite Sirène ou de Peter Pan ont fait couler beaucoup d’encre et surtout beaucoup de bruit pour rien. Disney est-il vraiment respectueux des demandes des personnes noires ou des queer, ou le fait-il par mercantilisme ciblé (surtout quand il soutient de nombreuses lois réactionnaires émanant du parti Républicain) ?
Il n’y a malheureusement aucune échappatoire. Apparemment, le studio aux grandes oreilles compte bien surfer sur cette vague de nostalgie et cette madeleine de Proust qui atteint les spectateurs depuis douze ans. Tous les films d’animation y passeront, de Robin des Bois à Blanche-Neige, en passant par Les Aristochats. La rumeur court comme quoi Disney revoit ses classiques pour garder la mainmise sur les droits d’auteur liés aux originaux.
Enfin, quoi qu’il en soit, quelles que soient les accusations de wokisme et les résultats au box-office, peut-être qu’après la sortie de La Petite Sirène et ce, malgré la joie de retrouver nos chansons d’enfance, aurons-nous suffisamment bu la tasse ou finalement la nausée.