« Emily » ou comment le cinéma réécrit l’histoire des écrivains
À la sortie du film Emily au cinéma en 2022 de la réalisatrice Frances O’Connor, nous nous sommes interrogés sur l’imaginaire de la figure de l’écrivain. Car le long-métrage s’annonce comme un biopic de la romancière Emily Brontë mais qu’en est-il vraiment ? C’est ce que nous tâcherons de comprendre…
L’écrivain fascine. C’est un fait. D’où lui viennent ses idées, son imagination, son intrigue ? Les histoires racontées sont-elles vécues, rapportées, fictives ? Parfois, elles sont si troublantes qu’elles se confondent à la réalité. Et quand il s’avère qu’elles ne sont pas vraies, on cherche une manière de les comprendre autrement que ce qu’elles sont vraiment. À quel moment doit-on ou peut-on se fier à un écrivain ? Tant de questions qui poussent à la réflexion et à l’invention d’un autre réel, quelquefois éloigné de la vérité.
Le Mystère d’Emily Brontë
L’écrivaine a fait couler beaucoup d’encre et pourtant on sait si peu de choses d’elle. Emily Brontë, qui est-elle sinon l’une des célèbres sœurs Brontë et romancière d’un unique livre Les Hauts de Hurlevent (1847). Jusqu’à ce jour, les chercheurs s’interrogent sur l’ingéniosité de l’auteure ; à savoir comment une jeune femme recluse de la société, (dans la maison familiale), a pu décrire avec tant de passion l’amour, la vengeance, la frustration et la haine, sans avoir éprouvé personnellement ces sentiments. L’écrivain Georges Bataille écrit à propos du roman : « Peut-être la plus belle, la plus profondément violente des histoires d’amour … Car le destin, qui, selon l’apparence, voulut qu’Emily Brontë, encore qu’elle fût belle, ignorât l’amour absolument, voulut aussi qu’elle eût de la passion une connaissance angoissée : cette connaissance qui ne lie pas seulement l’amour à la clarté, mais à la violence et à la mort …»
Cette « connaissance » énoncée par Bataille reste obscure et soulève des questions quant à la création du livre. Celui-ci est inclassable, il divise. Il est aussi bien qualifié d’exceptionnel, voire d’extraordinaire par ses partisans que d’audacieux et provocateur par ses opposants, pour finalement s’élever au rang de classiques de la Littérature. Georges Bataille ajoute que Les Hauts de Hurlevent est « un des plus beaux livres de la littérature de tous les temps ». Il sera d’ailleurs adapté plusieurs fois au cinéma.
Pour éclaircir le processus d’écriture, le film Emily prête à la femme de lettres une relation amoureuse imaginaire et un tempérament quelque peu impulsif à l’image du paysage sauvage et solitaire où elle a grandi. On continue de chercher des réponses…
La vie imaginée des écrivains
Emily Brontë n’est pas la seule à avoir réveillé la créativité, l’inspiration des réalisateurs. D’autres films ont vu le jour il y a des années. La liste n’est pas exhaustive. L’un des plus mythiques est peut-être Shakespeare in Love (1998) réalisé par John Madden qui revient sur les années de jeunesse tourmentées de l’écrivain avant son succès et sa reconnaissance. Dans ce film, à nouveau, une romance fictive pour justifier le talent de l’érudit et l’origine du légendaire Roméo et Juliette.
Notons aussi que plusieurs productions narrent la vie des sœurs Brontë, à croire que la famille et surtout le génie littéraire attisent la curiosité. Car comme nous l’avons dit précédemment, l’écrivain fascine. Il se métamorphose en protagoniste de sa propre histoire, de sa propre vie.
Les questions suivantes s’imposent donc d’elles-mêmes : pourquoi cet intérêt pour la vie des auteurs ? L’œuvre ne peut-elle exister seule ? Doit-elle forcément trouver une explication ?
Le mystère est à élucider.