Frida Kahlo, entre anticonformisme et résilience
Frida Kahlo, The Life of an Icon : une biographie immersive inédite et haute en couleurs de l’artiste autodidacte nous est proposée par Fever et Bruxelles Secrète dès le 17 mars. Seule exposition officiellement autorisée par la Frida Kahlo Foundation, cet itinéraire virtuel en 3D revient sur l’icône mexicaine, dont le rayonnement artistique a transcendé l’espace et le temps.
Une expérience sensorielle hypnotique
Projections d’images, de vidéos et de films d’archives sur les murs, plafonds et sols de la galerie Horta. Avec des récits audios et des musiques captivantes créées pour l’occasion, cette biographie immersive nous propose entre autres des installations artistiques numériques pour une immersion totale. Un plongeon complet dans l’univers coloré, exotique et intense de Frida.
Les organisateurs nous présentent la vie et l’œuvre de la magicienne mexicaine, “… avec l’intention de franchir une nouvelle étape dans les nouveaux langages immersifs.”
Portrait d’une icône intemporelle et sans frontières
Epicurienne, à la vie passionnée et passionnante, Frida Kahlo continue de fasciner. Sa force et son indépendance ont fait d’elle un symbole qui résonne encore aujourd’hui.
Couronne de fleurs colorées, monosourcil, duvet de moustache, robes Tehuana et châle sur les épaules. Comme une marque déposée.
Frida aime se représenter, avec des références fortes et récurrentes au folklore mexicain.
Une figure emblématique du féminisme
Née en 1907, d’un père d’origine allemande et d’une mère d’origine mexicaine, elle changera plus tard sa date de naissance, se considérant comme la fille de la Révolution (du Mexique en 1910).
Atteinte de poliomyélite à l’âge de 6ans, elle aura par la suite la jambe atrophiée. À 18 ans, elle survit à un tragique accident de bus – dans lequel elle se trouve alors- percuté par un tramway. Elle échappera à la mort mais avec la colonne vertébrale brisée, le bassin transpercé par une barre de métal et le corps fracturé.
Alitée pendant de longs mois, elle se met à peindre, comme pour donner vie à quelque chose. Ce qui n’était auparavant qu’un loisir devient une véritable raison de vivre. Un exutoire face à l’inexpliqué, étant désormais physiquement limitée par la douleur et le port de corsets en plâtre. Elle en portera 28 au total, tout au long de sa vie.
De son lit à baldaquin, au-dessus duquel sa mère fera placer un miroir, Frida commencera à peindre. Peindre ses douleurs, ses souffrances mais aussi son appétit de vivre et la plus franche expression d’elle-même.
Autoportraits et signature artistique
Sur 143 tableaux, 55 sont des autoportraits. Ils nous montrent une autre Frida, ou plutôt ses nombreuses facettes. Elle y décline les différents états de son âme, comme dans un journal intime.
Elle entretient un rapport “magique” avec les objets et les animaux. Comme le singe, le perroquet ou encore le colibri mort, porte bonheur au Mexique. Les ailes de cet oiseau symbolisent les sourcils de Frida. Des symboles dans ses créations, c’est aussi cela Frida Kahlo.
Il est intéressant de voir comment se présente Frida dans son deuxième tableau Autoportrait à la Robe de Velours de 1926. On ne la verra par la suite que très rarement avec des traits aussi doux.
Juste après son accident, bien que son corps soit mutilé et immobile, elle se dessine séductrice, très féminine et debout. Son décolleté tombe presque jusqu’au nombril, avec en arrière-plan une mer bleu nuit, très agitée. Contraste entre son attitude sereine, altière, sûre d’elle et la réalité de ce qu’elle ressent. Contraste également entre les couleurs de sa peau claire et les vagues sombres derrière elle. Il s’agissait en réalité d’une ultime tentative désespérée de séduire Alejandro Gomez Ariaz. Un amour qui s’est détourné d’elle suite à son accident.
Plus tard, dans un style plus affirmé, beaucoup plus audacieux, elle exprime son désir de peindre ce qui est, tel qu’il l’est. Représenter même l’irreprésentable, avec justesse.
Ainsi, dans le tableau Colonne brisée de 1944, elle livre son corps blessé par de multiples opérations de la colonne vertébrale. 32 au total.
Sa claudication, ses fausses couches et son infertilité seront également évoqués dans plusieurs de ses œuvres.
Toutes ces douleurs physiques quotidiennes, ces souffrances psychologiques mais surtout sa résolution de vivre malgré tout nourriront la puissance de ces tableaux.
La peinture : outil de lutte et de reconstruction
Comme pour conjurer le sort, un refus d’abandonner, elle peint. Des autoportraits qui font naître une Frida vibrante, hors de l’espace et du temps.
Parce que Frida veut voyager, être libre, et faire de son mieux pour être elle-même.
Ainsi, dans les œuvres Un lit volant et Passionately in love respectivement en 1932 et en 1935, Frida y dépeint de façon brute et franche, ce qu’elle ressent. Dans le premier tableau, la douleur et la solitude d’une femme après une fausse couche, et le caractère fractionnée de son corps. Son bassin, la fleur de sa sexualité fanée, le petit bébé Diego tant désiré…Des réalités de son corps et de sa vie reliés à elle, par des rubans, des cordons.
Dans l’autre, la violence conjugale ou plutôt ce qu’on appellerait aujourd’hui un féminicide. Fait divers : un homme ivre découvre l’infidélité de sa femme et la poignarde à plusieurs reprises. Il parlera de “quelques petites piqûres” devant le juge et Frida écrira ces mots sur son tableau. L’encadrement de cette œuvre est couvert d’éclaboussures de peinture rouge. Une violence qui sort du cadre, et donc qui nous concerne, nous spectateurs.
Un sujet tellement actuel.
Libre et Intense : insaisissable Frida
Frida n’a jamais voulu faire comme tout le monde, comme la plupart des femmes mexicaines de son époque. Elle aurait voulu être médecin, mais voit son rêve brisé après son accident.
Elle intègre le parti communiste mexicain en 1928 et lutte pour l’émancipation des femmes, qu’elle appelle “la masse silencieuse soumise”. Athée, bisexuelle, résolument opposée aux stéréotypes de genre elle provoque et bouscule tous les codes de son époque, dans un société traditionnelle patriarcale.
En 1929, elle épouse le célèbre artiste muraliste Diego Rivera. Leur histoire sera tumultueuse et passionnée. Il lui sera plusieurs fois infidèle, elle aussi. Ils divorcent, ensuite se remarient un an plus tard. Ce couple mythique de l’histoire de l’art restera lié jusqu’à la mort.
Elle posera pour Vogue en 1939 et le musée du Louvre achètera un de ses autoportraits : Le Cadre, de 1938, c’est le début d’une reconnaissance.
Frida peint sa réalité. Son mariage avec Diego Rivera, ses désirs de femme épicurienne, celui aussi d’avoir des enfants. Son esprit libre se reflète dans sa vie comme dans ses tableaux.
Mue par son désir de vivre passionnément, intensément, elle aborde des sujets tabous à l’époque. Le sexe, l’avortement ou l’infertilité.
Elle se fait photographier par son mari, Diego, en costume d’homme portant la moustache, un cigare à la bouche et une bouteille de Tequila à la main. Affichant délibérément un caractère androgyne.
Avec sa moustache, son monosourcil et son air renfrogné, elle renverse les principes conventionnels de beauté.
Le 13 juillet 1954, Frida meurt d’une embolie pulmonaire, à l’âge de 47 ans. Peu avant sa mort, elle écrira “J’espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir”. Paroles qui laissent planer le doute. Un suicide pour mettre fin à ses souffrances ?
Fidèle à elle-même, la magicienne au colibri s’en ira libre et insaisissable jusque dans la mort.
Style artistique hétéroclite
Son art est un ruban autour d’une bombe a dit André Breton, en tentant de classer ses œuvres dans le mouvement surréaliste.
Cependant, pour Frida qui n’a jamais voulu faire carrière, il n’en est rien. Elle ne peint pas de rêves, mais sa propre réalité.
Son désir est de peindre la réalité qu’elle voit, pour ne pas qu’elle s’échappe, pour qu’elle soit vivante, qu’elle ne meure pas, même dans les souvenirs.
Il est difficile de classer son art.
Certains ont vu dans ses œuvres, un rattachement entre autres au symbolisme, à l’art naïf, à l’art brut ou encore au réalisme. En réalité, ses œuvres ayant traversé le temps et les différents courants, son style est hétéroclite. Une imbrication de plusieurs styles différents, donnant naissance à une signature artistique singulière, qui lui est propre.
Influence : une personnalité envoûtante
Une première biographie de Hayden Herrera en 1983 et le cinéma un peu plus tard remettent en lumière son parcours exceptionnel.
Dans les années 90, c’est la Fridamania et les célèbres grands couturiers tels que John Galliano, Dolce & Gabbana ou encore Christian Lacroix, subliment son monosourcil, ses coiffures ou ses robes. Jean-Paul Gautier notamment les corsets qu’elle portait.
Figure de proue du féminisme, force débordante de vie, Frida Kahlo subjugue.
Une exposition hors normes sur la vie et le destin de cette icône intemporelle et sans frontières.
Frida Kahlo, The Life of an Icon Du 17 mars au 14 mai.