Le ténor Guilio Pelligra, entre sagesse et passion, entre le soleil de Sicile et la Cité Ardente
Après une magnifique performance dans le rôle de Tamino lors de la « Flûte enchantée » de Mozart, Guilio Pelligra remonte sur les planches de l’Opéra Royal de Wallonie, où il endossera le rôle de Fenton dans « Falstaff » à partir du 28 février. Il a offert son temps et une grande gentillesse pour les lecteurs de Culturius.
Bonjour Guilio, puis-je savoir comment vous avez commencé à chanter ?
J’ai commencé à chanter tout jeune avec mon grand-père à la maison. Il avait une cassette avec les trois ténors, que j’aimais beaucoup. Alors, un jour, j’ai demandé à mes parents pour étudier le chant. Comme mes parents n’étaient pas musiciens, ils ne savaient pas très bien comment faire, surtout que j’étais petit, je n’avais que 8 ans. J’habitais dans un petit village en Sicile, alors, on est allé voir une professeure de chant près de chez moi. Elle a dit que j’avais une belle voix, mais que j’étais encore trop jeune, il fallait attendre que ma voix se forme, mue.
Alors, à 14 ans, je voulais toujours étudier le chant, on est allé voir une autre professeure de chant à Palerme. Elle m’a demandé ce que je voulais faire, chanter dans un chœur ou être soliste … Moi, j’ai répondu que je voulais être soliste. Elle a souri et dit « on va voir ça ».
Alors, comment a débuté votre carrière ?
A 18 ans, j’ai commencé à chanter dans des « laboratoires » de chant, et puis j’ai passé une audition en 2008, j’ai pu chanter dans « L’Élixir d’amour », avec une super distribution, avec Enzo Dara à Piacenza, c’est ce qui a lancé ma carrière, et depuis, ça a continué. J’ai chanté Iago dans « Otello » de Rossini, Ismaele dans « Nabucco » de Verdi, Rodolfo dans « La Bohème » de Puccini, et je vais vers Riccardo, dans « Anna Bolena » de Donizetti. Je chante aussi le rôle d’Henri dans « Les Vêpres Siciliennes» de Verdi. C’est d’ailleurs un de mes rôles préférés, la partition est vraiment faite pour moi.
Guilio Pelligra, comment voyez-vous votre métier de chanteur ?
Un chanteur doit travailler beaucoup. Il faut faire attention à sa santé. C’est comme un athlète, il faut être en forme, soigner son souffle. Il faut s’entraîner tout le temps. Je travaille une heure et demie à deux heures tous les jours, avec un professeur, un pianiste, pour entretenir ma voix, et pour améliorer mon chant. J’aime beaucoup le bel canto, et ma particularité est d’avoir toujours eu beaucoup de facilité avec les aigus, maintenant, ma voix évolue vers un ténor lyrique. Il faut encore du temps, mais vers 40 ans, j’aimerais chanter Riccardo dans « Un ballo in maschera », mais il faut encore que ma voix évolue. Il faut savoir être sage et choisir les bons rôles, en accord avec sa voix et ses capacités. Mais j’aimerais vraiment chanter cela.
Pour progresser, j’écoute aussi beaucoup les plus grands, et j’apprends d’eux. S’ils sont devenus aussi connus, ce n’est pas pour rien. Il ne faut pas essayez de réinventer ce qu’ils faisaient si bien, il faut s’en inspirer. Tout ce que je peux prendre des plus grands, je le prends. Si quelqu’un fait une grande carrière, ce n’est jamais par hasard. Quand on est chanteur, on a le devoir d’apprendre, d’écouter et de s’améliorer. Les chanteurs sont au service de la musique et du public. C’est le public qui nous porte, c’est lui qui fait de nous ce que nous sommes. Il faut le respecter car nous lui devons beaucoup.
Ça a été très dur pendant la pandémie, nous sommes restés un an et demi sans travailler ou presque. Quelques streaming, ou chanter dans des salles où il y avait 200 personnes, c’était tellement peu, et le contact avec le public nous a manqué à tous vraiment beaucoup.
Quels sont vos modèles ?
Ah moi, j’aime José Carreras, Pavarotti bien sûr, Franco Corelli, et Roberto Alagna aussi
Comment est-ce que ça se fait que vous parlez un si bon français ?
La famille de ma maman habite dans la région de Liège et quand j’étais petit, je venais souvent en vacances ici. Donc, j’ai appris le français depuis longtemps.
Alors, Liège tient une place particulière pour vous ?
Quand ma famille a appris que je passais une audition ici, ils étaient tous contents de pouvoir m’entendre. L’ancien directeur de l’ORW m’a donné ma chance. Stefano Mazzonis di Pralafera, l’ancien directeur m’a fait passer une audition et m’a donné l’opportunité de chanter dans Nabucco, et dans « Otello » de Verdi. Monsieur Pace et sa directrice artistique adjointe, Mme Veruska Reho m’ont proposé le rôle de Iago dans l’Otello de Rossini, et ensuite, j’ai pu endosser le rôle de Tamino dans « La flûte enchantée » et maintenant, le rôle de Fenton dans « Falstaff » de Verdi. Je suis très reconnaissant à Monsieur Pace de m’avoir donné cette opportunité. J’aime beaucoup le théâtre et le public de Liège. Il y a une ambiance très familiale dans ce théâtre et le public liégeois est très respectueux, mais à la fin du spectacle, il y a toujours beaucoup d’applaudissements.
Nous venons de vous voir dans le rôle de Tamino, dans la « flûte enchantée ». Vous avez vraiment eu un jeu très expressif. Avez-vous pris des cours de comédie ?
Non, je n’ai jamais appris à jouer la comédie, mais j’ai eu la chance de toujours travailler avec de très bons metteurs en scène. J’écoute leurs indications, ils m’aident à donner le meilleur, à tirer le maximum du personnage. Quand je dois préparer un rôle, je commence à lire l’histoire qui a inspiré l’opéra, je lis beaucoup, j’essaie d’en savoir le plus possible. C’est important de savoir d’où vient l’opéra. Ça c’est le premier travail à faire à la maison.
Les metteurs en scène donnent de bons conseils, ils m’apprennent à donner de la profondeur aux personnages, comment faire ressortir les sentiments, les émotions, la personnalité.
Comment avez-vous abordé le rôle de Fenton ?
Donc, j’ai commencé à lire l’histoire, et tout ce que j’ai pu trouver sur l’opéra. Après cela, il faut travailler la partition, je la travaille avec mon professeur aussi. Ensuite, on doit se mettre en connexion avec le texte, et puis la musique, et ensuite, tu dois donner ton cœur à la musique.
Que pouvez-vous me dire du personnage de Fenton ?
Dans cette production, Fenton est jeune, il est un peu punk aussi. Ça se passe dans les années 50. Et puis, il est très amoureux de Nannetta. Il veut absolument l’épouser, alors, il fait tout pour. Fenton et Nannetta, c’est l’esprit de l’amour dans cette production.
Que pensez-vous de cette transposition de « Falstaff », dans les années 50 ?
J’aime beaucoup cette transposition, dans cette histoire, elle est vraiment justifiée. Ce n’est pas toujours le cas, mais ici, avec l’histoire, cela marche vraiment bien. Toute l’équipe forme une grande famille, et on s’entend vraiment bien, on travaille très bien ensemble et c’est ce qui fait la réussite du spectacle. Il y a une vraie synergie entre les chanteurs, l’équipe de mise en scène, Maestro Bisanti, les musiciens. C’est un vrai travail d’équipe qui porte tout le monde.
Qu’y a-t-il de facile et de difficile dans le rôle de Fenton ?
Il n’y a rien de facile dans le rôle de Fenton. Enfin, ce n’est pas que ce soit vraiment difficile, mais c’est surtout délicat. Il y a des sons très doux dans la partition ; il faut bien les rendre. Musicalement, c’est assez compliqué, il faut donner toute l’ampleur à ce rôle. C’est le dernier opéra de Verdi. Sa musique a beaucoup évolué et ici, on arrive à un style de musique plus moderne. Il avait 80 ans quand il a écrit « Falstaff ». Quand on chante Fenton, il faut être très attentif, faire attention de bien suivre le maestro, être en accord avec les collègues. Il y a beaucoup d’ensembles, où chacun chante une partie. On doit vraiment travailler en accord avec les autres.
Guilio Pelligra, qu’aimeriez-vous dire à nos lecteurs ?
Qu’il faut aller voir le spectacle, bien sûr. Il est vraiment très bien, et puis la mise en scène est une grande réussite, la musique est magnifique, et le spectacle est aussi drôle et amusant. Ce n’est pas toujours le cas à l’opéra.
Pour écouter Guilio Pelligra :