« Les Mondes Souterrains » au Louvre Lens, vingt mille lieues sous la terre
Il ne vous reste plus que jusqu’au 22 juillet pour profiter de l’exposition « Les Mondes Souterrains » présentée au Louvre-Lens. Celle-ci nous invite à plonger 20.000 pieds sous la terre, pour naviguer entre les frontières du réel et de l’imaginaire. Les visiteurs pourront se lancer dans une exploration des profondeurs mystérieuses de la terre ou de l’âme.
Illustration : Hercule arrachant Alceste des Enfers, Joseph FRANQUE, 1806 © Musée de Valence/photographie Beatrice Roussel
Dès l’entrée, le visiteur est happé par une obscurité douce et enveloppante. Guidé par des lumières tamisées, celui-ci chemine lentement vers des chefs-d’œuvre de toutes les époques, évoquant les diverses interprétations que l’on peut donner aux mondes souterrains. Les diverses sections de l’exposition dévoilent les tréfonds de la terre, nous emmènent entre mythes et légendes, nous faisant passer d’un monde d’ombres à une domaine lumineux inattendu.
L’exposition « Les Mondes Souterrains » © Louvre Lens
La Sibylle d’Erythrée de Jean-Jacques Caffieri nous accueille et nous prend par la main pour nous conduire entre les quelque 200 œuvres d’œuvres d’art, qui nous mèneront de l’ombre à la lumière.
Explorer les profondeurs
Que se passe-t-il sous la surface de la terre ? Cette question nous vient du fond des âges. Depuis toujours, l’être humain s’est penché avec fascination et crainte sur les nombreux orifices s’ouvrant sur les profondeurs. Entre les fumeroles et les grondements, les hommes ont tenté d’apprivoiser leurs angoisses. Il faudra néanmoins attendre l’époque moderne, puis le 18ème siècle pour que les savants tentent de comprendre ces phénomènes. C’est au travers les œuvres entre autres de Gustave Courbet, Alphonse Mucha, Auguste Rodin et bien d’autres que l’on peut appréhender ces ouvertures effrayantes.
Enfouir l’effroi dans les ténèbres
Dans la mythologie grecque, le monde souterrain est dominé par Hadès, le dieu des morts. Plusieurs œuvres de cette section retracent des récits mythologiques où des héros comme Orphée, Hercule, ou encore Charon dans sa barque naviguent vers les enfers. Ces œuvres expriment la dualisé des enfers, qui sont un lieu de terreur, mais aussi de passage et de transformation.
Le monde souterrain, c’est aussi le royaume des cauchemars, des différents cercles de l’enfer de Dante, les geôles, qu’elles soient réelles comme celles de l’inquisition ; ou imaginaires comme les labyrinthes de la pensée représentés par les magnifiques eaux-fortes de Piranèse. Ce sont aussi des références aux tranchées de la Grande Guerre, des tombes où l’on enfouit des défunts mais aussi, peut-être des êtres encore vivants.
La descente dans l’au-delà
Le sous-sol noue une relation ancestrale avec la mort. La plupart des civilisations rendent les corps des défunts à la terre. Cela répond à des obligations sanitaires bien sûr, mais aussi à des croyances religieuses, comme on peut s’en apercevoir en observant les magnifiques décors du cercueil de Séti, qui nous vient de l’Egypte antique, décoré de multiples symboles référant au voyage de l’âme vers l’au-delà.
Des chemins complexes
La géographie du royaume des morts est complexe. En Grèce, Hésiode décrit le fleuve Styx, que les ombres des morts doivent franchir. Mais ces frontières sont aussi présentes dans le bouddhisme tibétain, qui évoque le Bardo, état intermédiaire entre la mort et la Renaissance. Et que dire de la Résurrection du Christ ?
Les bestiaires infernaux
Des croyances mythologiques grecques et romaines, en passant par les religions d’Extrême-Orient, des démons plus difformes les uns que les autres semblent s’être entendus pour terrifier les humains.
De l’ombre à la lumière ; une question de connaissance
Le mythe de la caverne de Platon est illustré ici par l’œuvre magnifique de Huang Yong Ping, que l’on ne peut admirer qu’en regardant au travers une petite ouverture dans un mur. Le philosophe Platon, au 5ème siècle avant J.-C, est le premier à questionner l’importance des mondes invisibles au travers du « Mythe de la caverne », symbole d’ignorance dans lequel les personnages ne voient que des ombres représentant leur seule réalité.
A partir du XVIIIème siècle, les encyclopédistes se sont intéressés aux mondes souterrains, en abordant essentiellement les ressources provenant du sous-sol dans différents articles. Des pierres précieuses, divers témoignages archéologiques, des fossiles sont devenus de vrais trésors abrités dans des cabinets de curiosités. Ces collections insolites venant des profondeurs sont devenues de véritables trésors. Les gemmes ont été transformées en de luxueux bijoux, une fois passées dans les mains de joailliers, illuminant par là même le monde des Humains.
Les ressources de la terre
Outre les trouvailles fascinantes qu’on a pu ramener des tréfonds du sous-sol, sous la forme de pierres précieuses, les entrailles de la terre ont aussi offert divers minerais dont le charbon, surtout dans nos régions. Ainsi, le Louvre-Lens, installé sur un ancien site minier, a voulu faire la part belle aux héros discrets, humbles mais si courageux qu’étaient les mineurs de fond. A l’instar des héros antiques, ils surmontaient la peur des descentes à des centaines de mètres, dans des conditions extrêmes afin de contribuer à la puissance industrielle de leurs pays. Que ce soient des cartes postales, ou les peintures de Constantin Meunier, celles-ci rendent hommage à ces hommes qui ont marqué de leur empreinte, les Hauts de France.
L’apaisement dans un monde enchanteur
Autre thème abordé, les grottes ont également été les premiers lieux connus de créativité humaine. Qui n’a jamais entendu parler de Lascaux, Chauvet, Altamira, Cosquer … dont les parois sont ornées de témoignages qui nous viennent de la nuit des temps. Ces cavités qui s’enfoncent au plus profond de la terre sont des espaces de solitude, d’apaisement, profondément empreints de spiritualité. L’art pariétal est très émouvant, même si l’on ne peut être certain du message qu’il nous transmet, il a gardé intact sa force évocatrice. Et que dire de la grotte de Lourdes et de son énorme portée mystique.
Les Mondes Souterrains © Louvre Lens
Durant l’antiquité, des grottes d’agrément étaient intégrées aux villas romaines, demeures des nymphes, on les appelle nymphées. A la Renaissance, la mode des grottes de fantaisie se répand et des milliers de grottes artificielles sont construites dans les plus belles demeures des aristocrates et des plus grands bourgeois. Elles abritent des amours humaines à l’image des mythes grecs et romains qui les inspirent. L’apparence de ces grottes est d’ailleurs liée à l’histoire du goût, et font partie de l’histoire de l’art.
Vivre sous terre ?
De nos jours, le sous-sol ne fait plus peur, ou en tout cas, il inquiète beaucoup moins. Plusieurs villes souterraines ont été construites dans le monde, essentiellement au Canada. Nous n’hésitons plus à effectuer de longs trajets sous terre, en métro, ou en train. Le tunnel sous la Manche, dont Napoléon rêvait déjà, est devenu réalité. Le métro fait rayonner ses tunnels sous les villes, illuminés de néons blafards. Des millions d’hommes et de femmes parcourent chaque jour ces chemins enterrés, sans même y prendre garde. D’époque en époque, des cultures « underground » se développent, ces contre-cultures à contre-courant de la culture « mainstream », et qui se révèlent un terreau de renouveau, souvent porté au départ par une jeunesse désenchantée, mais en recherche.
L’exposition « Les Mondes Souterrains » © Louvre Lens
Cette exposition nous invite à regarder au-delà des apparences, à plonger dans les profondeurs de notre propre esprit et à découvrir les trésors enfouis de l’histoire des civilisations et de notre imagination. Les mondes souterrains deviennent une source inépuisable d’inspiration et de réflexion, un miroir de notre quête perpétuelle de sens et de beauté. Chaque œuvre nous emmène dans les méandres de notre propre âme.
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