2022 est une année particulière pour Molière. Voilà 400 ans que l’artiste est né. En cette année anniversaire, la Clinic Orgasm Society (COS) déroge de ses habitudes et a décidé de monter la pièce George Dandin ou le mari confondu composée par Molière en 1668. Une interprétation très contemporaine complètement déjantée à voir au Grand Varia jusqu’au 30 avril et au théâtre Le manège du 3 au 5 mai.

Le poids des codes sociaux

La COS ne cesse de nous surprendre. Habituée à interroger les structures sociales et ses travers, elle était à la recherche d’une nouvelle impulsion. Et c’est étonnamment dans une pièce des plus classiques que les metteurs en scène Ludovic Barth et Mathylde Demarez l’ont trouvée.

George Dandin ou le mari confondu est une comédie-ballet mettant en scène un riche paysan, George Dandin, qui, en échange de sa fortune, épouse une fille de haut rang et acquiert, par la même occasion, un titre de noblesse. Toutefois, la jeune femme ne désire rien de cette union et se laisse courtiser par un gentilhomme libertin. George Dandin ne peut accepter cet affront et tente par tous les moyens de dénoncer l’injustice dont il est victime.

George de Molière à découvrir au Théâtre Varia © Théâtre Varia

Cette satire sociale autour d’une histoire matrimoniale et du mépris de classe est une comédie grimaçante. Elle vient interroger les rapports de domination sociale et en dépeint toute l’absurdité avec cynisme. Tout y passe : on dénonce le patriarcat familial, le double jeu des mariages arrangés, la déloyauté de l’engagement matrimonial catholique, et j’en passe. L’enjeu de la pièce voit s’opposer les personnes « bien nées » de celles qui ne le sont pas, bref un « choc des classes ».

George Dandin, d’un côté, et sa femme et sa famille, de l’autre, se retrouvent piégés chacun dans leur monde et ses croyances. Le premier, dont la richesse lui a permis de s’élever dans la hiérarchie sociale, se rend compte que ce n’était pas aussi simple qu’il le pensait. Un simple arrangement financier ne permet pas tout. Il a ainsi bien conscience que son mariage n’est pas une réussite, mais va tout tenter pour s’en sortir dans un monde dont il ne connaît pas les codes.

La touche singulière de la COS

Si la trame principale de la pièce se situe à l’époque du Roi Soleil, le texte est résolument moderne sur bien des plans. Ainsi, la femme de Dandin s’oppose ouvertement au mariage qui la lie désormais à ce roturier. C’est une vision audacieuse que propose Molière où la femme revendique sa part de liberté.

La pièce se démarque également par son discours en totale résonnance avec notre monde actuel. Molière dépeint des personnages à la limite de la caricature. Par la mise en scène de portraits intelligemment parodiques, il entame une critique des codes sociaux de son époque, critique qui reste malheureusement transposable au monde contemporain, où la superficialité reste toujours de mise.

Un dernier aspect, qui dénote d’autres pièces de cette époque et qui a intéressé la COS, est que George Dandin ne s’achève pas en happy end. Ici, personne ne parvient à prendre l’ascendant sur l’autre et à s’en sortir vainqueur. On est loin de portraits manichéens, où la fin se fait rapidement pressentir. Il s’agit d’une pièce tragique, peut-être même la plus sombre de Jean-Baptiste Poquelin.

© Anoek Luyten

Mais, déjà au XVIIe siècle, pour contrebalancer la gravité de la pièce, Molière s’est associé à Lully pour la composition de plusieurs intermèdes de chants et de danses. Cette Pastorale dénote par ses airs de fête et sa dimension féérique. La COS l’interprète alors qu’elle est généralement absente de la représentation. En réalité, c’est pour mieux faire entrer Molière dans l’univers carnavalesque, voire délirant, si caractéristique de cette compagnie.

Par tout un travail sonore, visuel et musique, Ludovic Barth et Mathylde Demarez parviennent à métamorphoser une histoire tragique en une véritable farce aux allures burlesques dignes de l’univers des Monty Python. Ainsi, le courtisan se voit parer d’une chevelure bouclée blond-platine et de bijoux bling-bling. La bouffonnerie se poursuit dans la Pastorale. Les metteurs en scène ont dit adieu à la musique classique de Lully pour le remplacer par une réalisation de Gregory Duret.

© RTBF

C’est sur un son électro que les bergers et bergères, transformés en buissons, entonnent le ballet, accompagnés d’un troupeau de moutons. Des intermèdes délirants où l’on frôle la comédie musicale. Cette formidable créativité, couplée d’un travail précis et généreux, donne lieu à un spectacle à la joie omniprésente. Une relecture décapante où Molière en sort plus moderne que jamais.

George de Molière. Le grand divertissement royal de la Clinic Orgasm Society, mis en scène par Ludovic Barth et Mathylde Demarez avec Yoann Blanc, Raphaëlle Corbisier, Adrien Desbons, Gregory Duret, Thymios Fountas, Eline Schumacher, Olivia Stainier et Clément Thirion.

Durée : 1h50.

Du 19 au 30 avril au Grand Varia et du 3 au 5 mai au théâtre Le manège.

Découvrez le Teaser ci-dessous :