Comptant parmi les plus belles îles de la mer Egée et située à 8 km seulement du rivage turc, l’île de Chios est, depuis la plus haute Antiquité, célèbre pour la production du « mastic » tiré de la résine du lentisque…

Chios, Île superbe ! Et en prononçant simplement ton nom, je suis envahi par la senteur de tes eaux de fleurs d’oranger et de roses. Île somptueuse aux palais en pierres, aux cours ornées de galets, aux villages médiévaux et aux tours… ». Ces quelques lignes que l’on doit à l’écrivain et poète Grec Georges Drosinis suffisent à titiller notre curiosité. Quelles beautés cette perle de l’Egée peut-elle donc dévoiler, quels mystères se cache encore dans les entrailles de son histoire passée, elle qui a vu naître Homère, elle qui fût byzantine, italienne, occupée par les Turcs et redevenue grecque en novembre 1912 ? 

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

« The tear of the trees »

Un mystère oui ! Car de toutes les îles grecques, c’est elle qui possède le plus étrange et fascinant des mystères, celui de faire croître sur son sol un arbre particulier dit le pistachier lentisque (arbuste relativement bas aux branches étendues et au tronc de couleur gris foncé ou gris clair selon l’âge de l’arbre)  d’où s’écoule, à une certaine période de l’année, une résine telle une larme sur un visage (« the tear of the trees » dit-on), résine au parfum suave et délicat ainsi qu’aux propriétés diverses.

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Pline l’Ancien, Galien, Théophraste et bien d’autres encore y font référence dans leurs écrits. Il s’agit d’un véritable petit miracle de la nature encore non élucidé car on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde un tel phénomène !  « C’est d’ailleurs ce qui, de tous temps, fit la richesse de l’île ayant su commercialiser cette substance exceptionnelle aux vertus thérapeutiques et autres propriétés intéressantes en échange de denrées dont elle avait besoin », raconte un Chiote passionné.

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

L’histoire rappelle que c’est principalement à cette résine que les habitants de l’île durent leur prospérité économique et sociale pendant de nombreuses années, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Cependant, on ne sait pas à quand remonte la généralisation de sa culture. La légende raconte aussi que les arbustes se mirent « à verser des larmes », lorsque le saint Aghios Isidoros fut fait martyr par les Romains en 250 ap.J.C).

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Il est cependant prouvé que commença à cette période la culture intensive des lentisques. Les conditions climatiques exceptionnelles dont bénéficie la partie sud de Chios créent un environnement idéal pour la culture de cet arbre très particulier: un ensoleillement très important tout au long de l’année, des pluies abondantes durant l’été, un hiver clément avec des températures ne descendant pas en dessous de zéro, un sol calcaire retenant peu d’humidité à la surface. 

Une culture selon des méthodes traditionnelles…

Quant à la culture et l’élaboration du mastic en tant que tel, ce sont encore les méthodes traditionnelles qui sont respectées, méthodes nécessitant une main d’œuvre abondante, du temps, et beaucoup de travail, donnant au lentisque sa grande valeur. Parmi les tâches primordiales du traitement du lentisque, figure la lacération des troncs, le piquage et la récolte de la gomme. Celles-ci ont lieu durant l’été et elles comprennent plusieurs stades. La phase préparatoire consiste ainsi à nettoyer et à aplanir la terre autour de chaque arbuste.

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Les troncs sont dans un premier temps grattés et soigneusement essuyés. Puis, on étale de la terre blanche au pied des arbres, principalement dans les régions où la terre est de couleur ocre, afin de pouvoir distinguer plus facilement la gomme lors du nettoyage. On procède ensuite par acérage des troncs selon une technique particulière. L’écorce est lacérée par des incisions horizontales et verticales, de deux à quatre millimètres de profondeur sans pour cela abîmer l’arbre. Chaque arbuste est lacéré 4 à 8 fois par des petites entailles qui débutent en bas du tronc.

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

C’est à ce moment que la magie opère dans un moment d’intense émotion : le mastic commence à couler par ces fentes et par petites gouttes. Il faudra ensuite attendre 15 jours avant que cette sève ne se solidifie afin de faciliter la récolte qui se fera en deux temps : le 15 août d’abord et à la mi-septembre, ensuite. Un travail de longue haleine pour ces hommes et ces femmes, souvent d’un certain âge et qui, à chaque saison, de génération en génération, passent les gommes récoltées au tamis, nettoient celles-ci à l’eau froide et au savon, désincrustent et « piquent» une à une les imperfections qui auraient pu s’y coller. Enfin, vient le moment du dernier tamisage qui va permettre de dissocier la gomme plus fine d’autres plus épaisses..

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Une résine utilisée dans de nombreux domaines

A partir de cette résine précieuse et suscitant presque la contemplation, sont élaborées une multitude de douceurs dans divers domaines : du subtil arôme de pâtisseries orientales à l’anisette rehaussée de son parfum enivrant, des chewing-gum renforçant la qualité de la dentition et la blancheur des dents à l’huile de mastic destinée à vernir meubles et instruments de musique. Sans oublier, bien sûr, son utilisation dans de nombreux parfums ainsi que dans la cosmétique naturelle que représente aujourd’hui avec succès dans le monde, les griffes nationales  Korres (www.korres.com) et mastiha Spa ! https://en.masticspa.com

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

L’été est arrivé. C’est l’occasion de découvrir Chios !  Toute l’année, l’île est enchanteresse. On y savoure une Grèce encore authentique, on y croise des regards pétris par le temps et le soleil d’Asie Mineure, on s’y perd au gré de ses villages tous uniques et charmants qui s’égrènent  tel un chapelet béni par le Monastère byzantin de Nea Moni, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Esthètes raffinés, historiens et insatiables amoureux de la nature  seront heureux d’arpenter, du nord au sud et d’ouest en est, ses villages où plane encore une délicieuse torpeur digne d’un autre temps, où l’on aime à se prélasser des heures durant à l’ombre des figuiers, de jasmins ou d’autres arbres odorants tout en savourant l’ouzo, la fameuse anisette du pays, sous des airs nostalgiques de rébétiko  (forme de musique populaire grecque apparue dans les années 20) si chers au disparu et grand helléniste français Jacques Lacarrière, inconditionnel amoureux de Chios…

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Les bonnes adresses à Chios :

Perleas Mansion dans le village de Kampos. Splendide demeure du XVIIe siècle convertie en hôtel de charme de sept chambres, au milieu de centaines d’orangers et de citronniers bio. Les chaleureux propriétaires font notamment une confiture de rose délicieuse et des marmelades aux parfums divers. www.perleas.gr –Tel : 00 30 227 10 32217

Argentikon Luxury Suites. (Kampos)

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Considéré comme le lieu le plus élégant et raffiné de l’île, cet hôtel n’est autre qu’une bâtisse historique datant du 16ème siècle ayant appartenu à l’éminente famille italienne Argenti.  Superbement rénovée il y a cinq ans, elle offre aujourd’hui une expérience unique au fil de quelques villas au luxe exclusif parsemées ci et là au milieu d’arbres centenaires (cyprès, palmiers…) d’où s’échappes effluves de jasmins, d’orangers et senteurs de mastic.

www.argentikon.gr– Tel : 00 30 22710 33111

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

Quelques maisons traditionnelles en pierre restaurées il y a peu et avec goût dans le village de Kardamyla (nord-est de Chios) font la joie des visiteurs en quête de silence et d’intimité face à l’immensité d’une mer grandiose. L’endroit programme, en été, festivals de musique et autres petits spectacles de très haut niveau.www.spilia-chios.gr – Tel : 00 30 6945319737-

www.chios.com

A prendre avec soi :

Dictionnaire amoureux de la Grèce. Jacques Lacarrière, Plon 2001.

Constantin Cavafy. Premier Voyage en Grèce. Photographies de Nikos Aliagas. Ed. les Belles lettres, mai 2025.

Île de Chios, Grèce, Septembre 2007 © Photo Fernando Arias

A visiter sur place, le mastiha Shop situé à Chios ville, à quelques mètres du port. La ligne de cosmétiques Mastic Spa, créée en 2003 par les Sodis, famille de pharmaciens de l’île font  fureur en Grèce et dans le mondewww.masticspa.com et https://mastic.gr


Ischia, l’île merveilleuse, entre culture et nature