Toots Thielemans, ne nous quitte pas
Jamais Toots n’a été aussi présent dans l’ADN de notre pays qu’aujourd’hui. On trouve un rappel des manifestations à son sujet et quelques éléments moins connus.
Plus de traces de Toots dans les Marolles ?
Un article datant de février 2017 faisait mention de l’existence d’une plaque commémorative en plastique, sur du bois, posée on ne sait trop par qui -rien à voir avec la Ville de Bruxelles -sur le mur de la maison n°239 dans les Marolles.
Au n°239 et non pas sur la maison au n°241, l’emplacement du café parental du tout jeune Jean-Baptiste Thielemans. La bio de Marc Danval de 2006 fait déjà allusion à une plaque posée sur la maison adjacente au 241, le propriétaire de l’endroit historique réclamant beaucoup d’argent pour en accepter une.
Pour Culturius, je me suis rendu rue Haute pour voir le résultat…je me pince encore !
Voici l’état des lieux exact, vérifiable par tout un chacun :
-Le n°241 est occupé par un optometrist (sic) -un opticien donc. Aucune plaque ni mention rappelant l’importance de cet endroit.
-Au 243, une inscription The Biggest Fish Company. Rien en rapport avec notre homme…
Donc il reste le n°239, mentionné dans l’article de février 2017, avec ou sans plaque ?
Alors non, je ne suis pas fou, je n’ai strictement rien bu -sauf de l’eau -avant de vous dévoiler ce qui suit : ni plaque…ni n°239 !
Manifestement il y eut naguère un n°239 -disparu ! – dans la rue Haute, sur le trottoir du côté Marché aux Puces en contrebas. Ni 239 ni 237 d’ailleurs…la première maison à gauche du 241 porte le n°235 -un magasin de la chaîne de vêtements de seconde main Jipex, sans l’ombre de la moindre trace de Toots.
Et voilà…un mystère à résoudre !
Des traces bien visibles : expos STIB ET KBR
Une petite expo en plein air Sur les traces de Toots Thielemans se tient au bout de l’avenue de Stalingrad (station de prémétro Lemonnier toute proche).
La STIB, grâce à la collaboration de la KBR et de la Fondation Toots Thielemans, y va de son hommage au-dessus de la construction actuelle de la station de métro…Thielemans qui fera partie de la ligne de métro 3.
Les lieux sont aussi peu glamour que possible : de grands panneaux et parois diverses autour des engins de chantier. Mais elles sont rehaussées de photos en format géant montrant surtout un jeune Toots. Photos de l’harmoniciste, aucune du grand guitariste qu’il était également.
Mais c’est très plaisant et j’en mentionne deux pour la bonne bouche :
Une grande photo de lui à son premier mariage avec Netty en 1949 : elle, en robe de mariée, et lui, avec un chapeau haut de forme, circulent ensemble sur un side-car, avec une joie de vivre qui saute aux yeux !
Une autre sort du lot : Toots en sueur dans un café (inconnu) on ne peut plus bruxellois, avec un barman en habit blanc et un verre de Stella bien en évidence sur le comptoir .
Le côté social, convivial et historique pour la Belgique du siècle passé est bien mis en avant dans cette petite expo, qui se visite en une vingtaine de minutes.
KBR The sound of a Belgian legend
Mais c’est vraiment à la KBR que les choses les plus importantes se passent, jusqu’au 31 août avec prolongation possible en septembre pour les visites de groupes.
En partie dans le palais de Charles de Lorraine, un décor vaste et somptueux qui sert d’écrin de choix à cette exposition exceptionnelle organisée sous l’égide de la section Musicologie de la KBR, dirigée par Marie Cornaz (pianiste) et son adjoint Hugo Rodriguez.
Les intervenants et sponsors sont nombreux mais il faut mentionner le MIM situé presque en face -le Musée des Instruments de Musique.
La KBR a bénéficié du legs inestimable des archives de Toots par sa veuve Huguette Tuytschaever, sa seconde femme. D’innombrables documents de tous ordres jalonnent ce parcours enchanteur qui vous fera marcher et grimper des escaliers : attention, prévoir environ deux bonnes heures !
Impossible de détailler en un court article ce qu’on peut y voir :
D’innombrables photos -souvent avec d’autres musiciens -des partitions, des lettres et autres documents, des affiches de films dont il composa la musique, des publicités, etc.
Comme un 45 tours publicitaire avec Bluesette publié par Renault pour la Renault 25 !
Ce Bluesette qui est devenu le signature tune de notre artiste…et dont l’utilisation publicitaire lui a sans doute rapporté beaucoup plus que les ventes de ce titre (dont il existe évidemment maintes versions). C’est en se mettant à siffler tout en jouant de la guitare qu’il attire l’attention de firmes diverses qui trouvent que ce son convient à leurs spots audio !
Des foules de pochettes de disques : des albums et 45 tours en solo ou non. Comme avec le George Shearing Quintet dont le fameux album Capitol Shearing On Stage ! où il apparaît avec sa Rickenbacker qui fait tant flasher un jeune rocker anglais du nom de John Lennon à Hambourg. Qui en acquiert une, puis George…le succès vertigineux fait décoller les ventes de la Rickenbacker ! Le business est parfois soumis aux lois indéchiffrables du hasard !
On peut écouter des morceaux (bien) choisis de Toots. À d’autres emplacements, avec un casque connecté à des sortes de tentes en carton joliment illustrées, on peut ouïr des extraits d’interviews de Toots se livrant à son biographe Marc Danval.
Et aux archives du Smithsonian -le National Museum of American History. On admire le café parental reconstitué ! De nombreux instruments sont exposés. Des harmonicas et des guitares. Avant la Rickenbacker, il joue de deux Gibson au moins, visibles : en 1951, une Gibson Kalamazoo ES 175 et en 1956 : même marque, ES 175-D. Deux guitares très semblables mais des spécialistes pourront en disserter et pas moi. Et bien évidemment, la Rickenbacker 400 de 1956 !
La KBR vous attend : et c’est un palais qui héberge cet incroyable étalage de trésor visuels et audio, à peine survolés ici mais une visite est indispensable !
Deux faits et (encore) un mystère
De passage en France en janvier 1961, il enregistre chez Polydor l’album Blues Pour Flirter dont un 45 tours est tiré : un beau disque de danse, de qualité. Directeur artistique : un futur très grand nom du show business français et producteur de cette Véronique Sanson qu’il vénère : Bernard de Bosson !
Toots et le cinéma
Il s’agit ici de Toots lui-même sur l’écran, non de ses compositions.
1. JAZZ ON A SUMMER’S DAY
On ne comprend pas : ce filmage du festival de jazz de Newport de 1958, par Bert Stern, inclut le George Shearing Quintet qui apparaît le temps d’un titre…pas de Toots qui est alors en pleine collaboration avec le pianiste aveugle ! Un des trois pianistes aveugles avec qui il ait travaillé, avant Ake Johansson et le Genius Ray Charles…
2. THE BIG BEAT
On ne semble pas avoir remarqué ce qui suit : Toots apparaît très brièvement, comme guitariste, dans un film sorti en février 1958 : The Big Beat, de Will Cowan, avec Fats Domino surtout en vedette.
Le George Shearing Quintet joue As I Love You et Toots à la guitare n’est que très peu visible, pas de solo mais cela existe. Le film ne sort à Bruxelles que le 22 février 1963 et il tient l’affiche…une semaine au Carly (avec L’Épée de Damas en double programme !) sous le titre belge de 33 Tours d’Amour(!). J’ai les premières dates et lieux de sortie belges à disposition : trois sont réparties sur l’année 1958, à Ostende, Anvers et Bruges -dans cet ordre. Et chaque fois : une seule semaine à l’affiche alors que Fats Domino est une superstar !
Aucun des rares spectateurs ne devine que le guitariste à peine visible sera couvert d’honneurs, reçu par le Roi, nommé baron (et Huguette baronne), qu’il aura sa rue Thielemans et qu’une statue le représentant trône à La Hulpe depuis avril 2018, etc.
Toots reste plus vivant que jamais grâce à sa musique, à son prodigieux talent, à son humanité absolument pas ébréchée par l’argent et les honneurs pour demeurer l’immense symbole de notre Belgique tournée vers le monde, et de l’incroyable pouvoir de la Musique sur l’humanité.