En tête-à-tête avec Molière à la BnF
Molière et sa troupe n’ont pas toujours connu la vie de château mais c’est dans le palais de Mazarin dont il a probablement vu l’édification que lui sont rendus les honneurs avec l’exposition « Molière, le jeu du vrai et du faux ». Il vous reste quelques jours pour découvrir dans la galerie Mansart du Site Richelieu, un superbe parcours dans l’œuvre du dramaturge illustrée par des œuvres d’art, des éditions originales, des pièces d’archives, des costumes, des photographies, des vidéos et des maquettes de décors.
Le site Richelieu
Avant de contempler ce bijou, je vous invite à en visiter l’écrin…
Le site Richelieu, ancien palais du cardinal Mazarin est le berceau historique de la Bibliothèque nationale de France. Au coeur du 2e arrondissement, il forme un vaste rectangle d’immeubles longtemps appelé « quadrilatère Richelieu ». Le Palais de Mazarin est devenu Compagnie des Indes en 1719 puis se sont ajoutées : la bibliothèque du Roi en 1721, la Bourse en 1724 et le Trésor public en 1793.
En 1644, Mazarin confie l’agrandissement de l’hôtel Tubeuf à François Mansart qui construit deux galeries superposées, les actuelles galerie Mazarin et galerie Mansart où a actuellement lieu l’exposition Molière. En 1721, le roi décide de l’installation de sa bibliothèque dans une aile du palais, elle sera rapidement agrandie grâce à de nombreux prolongements et transformations du bâtiment. Les collections s’enrichissent et la place manque alors que la bibliothèque a annexé la presque totalité du quadrilatère ; en 1857, Prosper Mérimée programme des travaux de grande envergure sous la direction d’Henri Labrouste qui veut organiser une bibliothèque moderne.
À son ouverture en 1868, la salle de lecture baptisée du nom de son concepteur offre tout le confort moderne avec le chauffage, un porte-manteau et un encrier pour chaque usage. Elle accueille aujourd’hui la bibliothèque de l’INHA (Institut national d’histoire de l’art).
Le successeur d’Henri Labrouste, Jean-Louis Pascal est à l’origine de nouveaux espaces dont la fameuse salle ovale. D’autres architectes se succèdent pour résoudre à leur tour les problèmes de place toujours renouvelés jusqu’à l’annonce en 1988 de la construction de « la plus grande et plus moderne bibliothèque du monde » par François Mitterrand. Dominique Perrault remporte le projet et réorganise le site Richelieu pour présenter les collections des arts du spectacle, cartes et plans, estampes, manuscrits, monnaies et médailles, musique et photographies.
La salle ovale
« Orientation, découverte, convivialité » les trois axes majeurs de la documentation déclinée dans cette salle.
Cette salle emblématique fut inaugurée en 1936 après cinq années de travaux et vient de rouvrir après six années de restauration. Inscrite au titre des monuments historiques, elle est impressionnante tant par ses dimensions que par l’élégance et la majesté de sa décoration avec une mention spéciale pour la verrière centrale. N’hésitez pas à vous installer dans les beaux fauteuils de l’espace lecture créés par Patrick Jouin dans le cadre d’un partenariat entre la BnF et le Mobilier national.
Cette salle est « ouverte à tous les publics » pour offrir la consultation des collections et des presque 9000 BD en libre accès . Des bornes permettent de parcourir les volumes et des bancs sonores d’explorer les documents audiovisuels. À noter que la salle est également ouverte le week-end !
Vous pourrez passer par le musée où sont exposés les mille trésors de la BnF, œuvres majeures des collections patrimoniales de la Bibliothèque de l’Antiquité à nos jours ; profiter du jardin et de sa terrasse si les cieux sont cléments ou faire une pause dans le café et flâner dans la librairie.
L’exposition
La BnF consacre cette exposition à Molière à l’occasion du 400ème anniversaire de sa naissance en partenariat avec la Comédie-Française. À quelques pas des maisons où il a vécu et où il est mort sont regroupés des objets lui ayant appartenu, des documents manuscrits ou portant sa signature, des costumes qu’il a portés et des traces multiples de la popularité de son œuvre au fil des siècles.
Le prince des dramaturges
2) La Mort de Molière, Pierre Antoine Augustin Vafflard, 1806
Faut-il rappeler l’histoire du petit Jean-Baptiste Poquelin, fils de tapissier du roi qui préféra partir à l’aventure avec la famille Béjart plutôt que de reprendre la charge de son père. Bien l’en a pris quand on connaît sa postérité ! La plupart des gens peuvent citer une pièce ou un personnage de Molière et connaissent des épisodes de sa vie et les circonstances de sa mort.
La critique parfois acerbe qu’il fait de la société de son temps continue de résonner dans notre monde contemporain. Son théâtre a traversé les siècles pour prolonger la réflexion et jouer son rôle cathartique.
« Molière est à la fois un classique, un monument et un mythe. »
Cette exposition est une mise en abyme du dramaturge-comédien mille fois ressuscité par les comédiens qui ont incarné ses rôles sous la direction d’illustres metteurs en scène comme Copeau, Vitez, Jouvet ou Planchon.
2) Agnès Varda, Jean Vilar et Daniel Sorano dans Dom Juan, mise en scène de Jean Vilar, 1963.
Mise en abyme également de l’illusion théâtrale et biographique de l’auteur. En effet, quelle est la part de vérité dans la construction du mythe Molière par l’auteur lui-même, par ses contemporains, par ses biographes successifs ? Le jeu du vrai et du faux traverse les pièces de Molière comme il a traversé sa propre vie et continue de forger sa légende.
« Sa notoriété est le résultat d’une sédimentation de l’histoire et d’une construction collective. »
Le registre dans lequel La Grange, comédien et bras droit de Molière, fait les comptes de « L’Illustre Théâtre » qu’il accompagne de notes sur la vie de la troupe est l’un des éléments tangibles de la vie du dramaturge.
Je dois avouer qu’après plus de trente ans de cohabitation avec Molière au collège et au lycée où je l’ai lu, joué, fait lire et fait jouer à des générations d’élèves toujours étonnés par son audace et sa modernité, je ne m’attendais pas à tant de découvertes ni à une telle richesse documentaire.
On oublie le temps qui passe pour plonger dans son théâtre comme s’il nous guidait lui-même à travers les méandres de son existence et de ses pièces confondues.
Le 15 janvier, l’exposition fermera ses portes et la Comédie-Française, souvent appelée la Maison de Molière, célèbrera comme tous les ans depuis 1821, la naissance de celui qui continue de veiller sur le théâtre français. La tradition veut que tous les membres de la troupe couronnent de laurier le buste du « patron » à la fin de l’hommage qui lui est rendu sous forme de prologues, poèmes et pièces de circonstances écrits et joués pour l’occasion.
« La seule autorité que nous puissions avoir, nous, en sa Maison (ou déclarée telle), c’est bien d’en dresser un portrait aussi douteux que riche, seule manière d’atteindre peut-être à un bout de vérité. Alors ne craignons pas de continuer à le pister dans toutes les directions, qu’elles soient fastueuses ou maigres, révolutionnaires ou potaches, fondées ou masquées, ciblées ou détourées. » Éric Ruf (Administrateur général de la Comédie-Française)
Ma petite bibliographie sur Molière
Toutes ses pièces sont incontournables…mais j’ai quand même un petit faible pour Dom Juan ou le Festin de Pierre !
Je suis tombée amoureuse de Molière et de son œuvre en 1978 quand mon professeur de français de 3ème a emmené notre classe à une projection du « Molière » d’Ariane Mnouchkine.
Georges Forestier a écrit une biographie passionnante qui renouvelle l’image du dramaturge au-delà du mythe, publiée chez Gallimard, Molière.
Pour les plus jeunes enfin, un petit roman qui met en scène une fillette rêvant de devenir comédienne qui se fait remarquer par Molière lui-même… Louison et Monsieur Molière de Marie-Christine Helgerson , Flammarion jeunesse.
« Molière, le jeu du vrai et du faux », jusqu’au 15 janvier 2023 à la Bibliothèque nationale de France (site Richelieu).
Le mardi, de 10 h à 20 h et du mercredi au dimanche, de 10h à 18h (fermeture le lundi et les jours fériés).