« Blonde » : derrière l’icône Marilyn Monroe, Norma Jean Baker
4 février 2O23. 60 ans et 6 mois exactement que Marilyn Monroe a quitté ce monde.
Il y a quelques mois, nous étions encore en 2022 et Netflix avait fait la part belle à ce scabreux anniversaire avec notamment deux films. Le 1er, « Marilyn Monroe Conversation inédites », docu-fiction sur les mystères de la disparition de l’actrice âgée alors de seulement 36 ans. Et surtout le second sur lequel nous allons nous pencher : « Blonde » qui constitue la libre adaptation de l’œuvre de la romancière, Joyce Carol Oates, parue en 2000. Un biopic qui célèbre la fiction, autrement dit le roman tout autant que le film navigue entre le romanesque et la réalité. Et « Blonde », on vous le dit d’emblée nous narre l’histoire de Norma Jean Baker incarnée par Ana de Armas. Le glamour n’est plus au rendez-vous.
Blonde
Pourquoi « Blonde » ? Parce que la chevelure couleur châtain de Norma Jean est devenue blanche pour incarner Marilyn et que blonde est un entre-deux. « Blonde » : 2h47 de demi-teinte qui fascine, perd pour mieux coller au mystère.
Entre deux aussi parce que c’est de la pure fiction inspirée de faits réels. Parce que surtout Andrew Dominik déconstruit le mythe, l’icône, la légende. Il filme Norma Jean plus que Marilyn. Parce que si certains critiques ont trouvé le passage du noir au blanc à la couleur factice, ici, on y a trouvé ce métissage légitime entre réalité (couleurs) et fiction (noir et blanc)
Pourquoi Blonde ? Blonde ou plutôt blanche encore. L’immaculé, Marilyn, contre la chevelure châtain tout sourire presque nue sur les calendriers de Norma Jean avant d’incarner le mythe. Marilyn la blanche et sex-symbol ne montre pas ses seins, contre Norma Jean, innocente, les cheveux nattés, les offrait à des regards un peu, pas vraiment intéressés. Norma Jean est une pin-up comme les autres.
Marilyn, érigée en mythe et icône, c’est dit sans concessions dans le film lors d’un échange entre l’agent de Marilyn et Norma Jean. Le blanc immaculé offrant un décolleté plongeant sans montrer les seins. Suggestion. Secret. Mystère, mythe.
Enfant
Enfant. Mot clé du film.
L’enfance de Norma Jean d’abord, que beaucoup connaissent : la mère folle, martyrisant sa fille, fruit d’une alliance avec un père qui a abandonné la mère parce qu’elle était enceinte.
Alors voici Norma Jean à l’orphelinat (« Blonde » ne laisse à voir que le refus de la fillette à se dire orpheline : elle a une mère, elle a un père). Père : une photo en noir et blanc, entachée, comme déchirée puis reconstituée, aimée, détestée et de nouveau aimée par la mère.
Enfant. Deux avortements obligés. Curetage.
Le premier issu de l’histoire inventée probablement par Carol Oates de son union avec le fils Chaplin, et obligé par le diktat d’Hollywood : Marilyn ne pouvait avoir le ventre rond pour un tournage imminent.
Le second, organisé en demi-teinte, tout en images hachées, suite à une rencontre dans la chambre surveillée par des sbires d’un président (qu’on ne nomme, fiction oblige).
Enfant. Une fausse couche en bord de mer. Le souvenir est si précis. Des coquelicots ornent la robe de Norma Jean, alors qu’elle porte un plateau de victuailles aux invités de « l’intellectuel ». Et puis elle se cogne contre un rocher, c’est la chute, le plateau monte au ciel lentement pour redescendre et l’un des coquelicots de la robe s’épanouit à n’en plus finir. Norma porte la main à son ventre. Il s’agit de sang. Norma cri. « L’intellectuel » court. Trop tard. La dépression s’ensuit avec son lot de barbituriques et d’alcool. Un début de fin.
Mais un soir Norma Jean déconfite, mais fardée , se regarde dans le miroir, sourit. Elle est de nouveau Marylin.
Enfant. NORMA JEAN. Et cette fois-ci écrit en lettres majuscules. Parce que le sex-symbol interprété par Ana de Armas reste une enfant en quête du père. Que ce soit «l’intellectuel » ou «lex-athlète, elle les appellera Daddy. Un complexe d’Œdipe complètement assumé par le réalisateur, complètement assumé par les protagonistes dans le film. Un truc qui sonne comme quelque chose de malaisant. Un truc qui sonne vrai avec la voix enfantine de Norma Jean tout au long du film. Un truc inacceptable mais que par empathie, compassion et même presque pitié, on accepte.
Enfant. NORMA JEAN, a rejoint le monde du cinéma pour retrouver son père, un semblant de Clarke Gable, une image de star de cinéma chiffonné et qui malgré tout reste beau. Cette image chiffonnée, entachée a marqué la petite Norma âgée d’à peine 10 ans. C’est en secret qu’un jour sa mère lui montré cette photo bâtissant ainsi le rêve de Norma de retrouver ce père rêvé, fantasmé par la folie de la mère. Norma Jean a ainsi traversé l’écran pour être aimée et reconnue par ce père.
Contrairement à l’amour paternel recherché, c’est le désir masculin qui l’attend. Celui d’hommes dont les visages grimacés sont filmés devant la scène de Norma Jean, pleinement Marilyn cette fois-ci, dont la robe blanche, immaculée vole au-dessus de la bouche de métro. Les plans sont longs, multiples. Le réalisateur, entre plans séquences et photos, multiplie les images d’une orchidée sur talons hauts épanouie sous le regard des photographes. « 7 ans de réflexion ». L’Icône dans toute sa splendeur. La beauté échappe à la vulgarité parce que nous avons tous vu cette image, la beauté de cette fleur ornée de ce visage, de ce sourire, ce grain de beauté, cette chevelure blanche. Tous, nous avons été illuminés.
Norman Jean en cet instant, si précis dans la conscience collective, pour nous tous avant de voir ce film, est pleinement Marilyn.