Auteur d’une trentaine d’ouvrages, Annick de Souzenelle a poursuivi sa recherche spirituelle d’essence judéo-chrétienne en approfondissant sa quête, apprenant l’hébreu et la cabale, et se tournant vers l’Orthodoxie russe. Elle est décédée ce 11 août 2024 à l’âge de 101 ans.

L’histoire de l’humanité n’est que celle de « la lumière allant quérir une plus grande lumière au cœur des ténèbres ». Annick de Souzenelle

llustration de l’article : Annick de Souzenelle © Philippe Lissac / GODONG

Annick de Souzenelle a construit une œuvre forte où se rencontrent foi chrétienne et lecture de la Bible à partir de la symbolique des lettres hébraïques et de la psychologie des profondeurs. C’est sur le site d’Annick de Souzenelle nommé « Arigah », c’est à dire « Tissage » en hébreu, que l’on trouve une biographie autorisée : « Annick de Souzenelle est née en 1922 en Bretagne. Sa petite enfance est marquée par l’effondrement d’une vie familiale qui l’a conduite à perdre, pour un temps, tout repère affectif et géographique. La réalité extérieure étant devenue absurde à ses yeux d’enfant, elle s’est tournée très tôt vers« le Père divin » et le monde intérieur lui est devenu encore plus réel que le monde extérieur.

Annick de Souzenelle à la pointe des réflexions d’aujourd’hui © DR

Très jeune, elle se passionne pour les livres sur la Grande Geste du Moyen Âge, les contes et légendes de tous les pays du monde. Elève à l’Institut Notre Dame des Champs à Paris, sa foi est entretenue au sein de l’Église catholique mais elle pressent déjà que derrière le message du Christ et les mythes bibliques se cache une signification plus profonde qui n’était pas délivrée. Après le Baccalauréat, elle suit des études de mathématiques à qui, dit-elle, elle doit sa rigueur intellectuelle, tout en continuant de chercher des réponses à sa quête spirituelle.

« La sagesse inhérente à la plupart des philosophes du monde aménage l’étage du labyrinthe mais n’en fait pas sortir. Elle pose le masque du sage sur le visage du fou. » Annick de Souzenelle

En 1945, à la fin de la guerre, elle décide de faire des études d’infirmière. C’est ainsi qu’après sa formation, elle devient infirmière anesthésiste, métier qu’elle exerce pendant 15 ans dont 5 ans passés au Maroc. C’est d’ailleurs au cours de cette période qu’elle reprend le chemin de sa quête spirituelle. Confrontée à la souffrance, elle dit avoir beaucoup appris des malades et de la psychologie.

Annick de Souzenelle © DR

En 1958, le « hasard » lui fait rencontrer le Père Eugraph Kovalevski – fondateur de l’Église Orthodoxe de France – qui deviendra par la suite son maître spirituel. Elle se reconnaît dès lors dans un christianisme vivant de la tradition orthodoxe. Le « Monde divin » la reprend par la main… Avec le Père Eugraph Kovalevski, (devenu l’évêque Jean en 1964) elle entreprend des études de théologie et découvre toute la grandeur de notre Tradition dans un esprit qui n’exclut pas les autres.

« La lumière ne peut venir que des ténèbres assumées. » Annick de Souzenelle

Parallèlement, elle suit pendant 2 ans des cours d’hébreu avec Emmanuel Lévyne, Qabbaliste. Deux enseignements, théologie chrétienne orthodoxe et l’hébreu, qui vont transformer sa vie et son regard sur le monde. Elle reçoit alors ce que la tradition chinoise appelle son « Mandat du Ciel » et avec la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung, elle entre dans les profondeurs de la Terre.  Elle y ajoute une dimension corporelle par sa rencontre avec le Dr Vittoz.

Deux livres parmi les nombreux ouvrages d’Annick de Souzenelle © Espaces Libres

Elle découvre alors au travers de ces différents enseignements l’amorce d’une anthropologie « non encore née », comme le lui avait dit l’évêque Jean mais aussi celle souhaitée par ce grand philosophe russe chrétien, Nicolas Berdiaev ; Ce qui la conduira en 2010 à créer avec Agnès Desanges, lInstitut d’Anthropologie Spirituelle à Angers. Annick de Souzenelle, par une lecture renouvelée et vivifiante, nous fait entrer dans nos textes sacrés et nos mythes fondateurs par la voie intérieure. »

« Aujourd’hui il ne s’agit plus de croire ou ne pas croire, mais de devenir. » Annick de Souzenelle

Eugraph Kovalevsky, trois chiens et un chat

Dans la famille du père Eugraph Kovalevsky qui a inspiré Annick de Souzenelle il y avait trois frères : Maxime Evgrafovitch Kovalevsky (St Pétersbourg 1903 – Paris 1988), compositeur liturgiste orthodoxe, mathématicien et théologien, activiste de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France. Pierre Evgrafovitch Kovalevsky (St Pétersbourg 1901 – Paris 1978), historien, penseur religieux, chercheur sur l’Emigration russe. Evgraf Evgrafovitch Kovalevsky (St Pétersbourg 1905 – 1970), ordonné prêtre en 1937, évêque Jean de Saint Denis de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France en 1966, canonisé en 2008 par son église. Tous les trois sont en 1925 des membres fondateurs de la Confrérie Saint-Photius qui joua un rôle très important dans l’institution de l’Eglise Catholique Orthodoxe en France.

Le père Eugraph Kovalevsky © Arigah

Mon grand-père Serge Petrovitch Tolstoï (1904-1999) les a tous connus en Russie quand ils étaient enfants, puis ils se sont retrouvés à Nice au début des années 1920. Il raconte dans ses mémoires cette anecdote qui aurait peut-être amusé Annick de Souzenelle : « Il y avait aussi les trois frères Kovalevsky que je voyais souvent : Maxime le musicien, Pierre l’intellectuel et Evgraf qui devînt bien plus tard évêque. Leur père, Evgraf Petrovitch, s’occupait d’enseignement russe et de la vie de l’Eglise en Émigration. Les trois frères divisaient le monde en deux catégories : les chiens et les chats. Chaque individu se retrouvait dans une de ces catégories en fonction de ses caractéristiques physiques et de son allure. Un jour que nous leur rendions visite, ma grand-mère, ma mère, ma sœur et moi, un des frères qui nous ouvrait la porte nous annonça : « Trois chiens et un chat ! » Le chat étant bien sûr ma mère. »

Visitez le site d’Annick de Souzenelle ici.

Annick de Souzenelle sur l’initiation :


Un grand écrivain et historien nous a quittés récemment, le prince Michel de Grèce.