L’« Atlas du Paris Fantastique » nous fait voyager dans le Paris secret et mystérieux
En parallèle de son image mondiale de « Ville Lumière », Paris présente une face obscure et mystérieuse, grouillant d’activités occultes et de croyances extraordinaires. « L’Atlas du Paris Fantastique » de Philippe Baudouin et Cyril Abad lève un coin du voile.
C’est tout d’abord un bel objet, un livre très joliment relié de bleu, avec des volutes art-nouveau noires qui nous plongent dans l’atmosphère d’un temps qui était peut-être plus ouvert au merveilleux. Même les tranches sont bordées d’une couleur bleu nuit annonciatrice de fantastique. Sur plus de deux cents pages s’égrènent bien des mystères, et j’avoue en avoir découverts pas mal que j’ignorais, alors que le sujet m’intéresse.
Jean-Jacques Giraud, actuel propriétaire de la maison la plus hantée de Paris, au 1 Avenue Frochot, 75009 Paris © photo Cyril Abad / Éditions Le Lotus et L’Éléphant
Ce sont au total 40 lieux secrets et mystérieux dont Philippe Baudouin et Cyril Abad nous ouvrent les portes dans un grincement délicieusement effrayant. Les nombreuses photos couleurs sont un véritable avantage et donnent envie d’aller visiter ces lieux par nous-mêmes. Nous avons choisi quatre de ces étranges endroits pour les partager avec vous. Les autres vous attendent au détour des pages de cet Atlas.
Les Temples Rosicruciens
À quelques encablures du Centre Pompidou se dissimulent derrière la discrète façade d’un grand immeuble les deux temples majestueux de l’Ancien et Mystique Ordre des Rose-Croix (AMORC). À n’en point douter, les hiéroglyphes, les cobras dressés et les statues pharaoniques qui en flanquent l’entrée ne pourront qu’impressionner ceux qui oseront en franchir les portes.
Parvis du Temple Christian Rosenkreutz de l’Amorc © photo Cyril Abad / Éditions Le Lotus et L’Éléphant
Fondé en 1915 par l’écrivain américain Harvey Spencer Lewis, l’Amorc s’inscrit dans le sillage de la fraternité mystique de la Rose-Croix qui s’est principalement fait connaître en France par les affiches des « députés du collège principal des frères de la Rose-Croix », placardées sur les murs de Paris en 1623. Se disant dépositaires de secrets de l’histoire du monde conservées dans ses archives de San José, l’Amorc se prétend également héritier d’une tradition venue de l’Atlantide, de l’Égypte ancienne, des philosophes de la Grèce antique et des alchimistes médiévaux.
Où dans Paris ?
Le siège de l’Ancien et Mystique Ordre des Rose-Croix (Amorc), 199 rue Saint-Martin, 75003 Paris.
Entretien avec un vampirologue
Loin de leur Transylvanie natale, le comte Dracula et ses créatures assoiffées de sang ont élu domicile depuis 2020 au cœur du 12e arrondissement. Derrière une lourde porte en bois, au fond d’un modeste appartement se niche l’unique musée français dédié à l’histoire des vampires. Sourire aux lèvres, Jacques Sirgent, le fondateur du musée des Vampires, a pour habitude de mettre à l’aise ceux qui osent franchir le seuil de sa porte. Au moyen de quelques précautions oratoires, il justifie son amour pour les êtres aux canines acérées : « Les vampires, explique-t-il, sont des créatures inventées pour nous éloigner des vrais monstres qui hantent notre monde réel. » Auteur de nombreux livres et articles sur le sujet, Sirgent possède un indéniable talent de conteur qu’il cultive le reste du temps, lors de ses visites guidées au Père-Lachaise.
Jacques Sirgent, le célèbre vampirologue © photo Cyril Abad / Éditions Le Lotus et L’Éléphant
Ce spécialiste est parvenu au fil du temps à constituer une impressionnante collection de films, de livres et d’objets. Composé d’une pièce unique, le cabinet de curiosités sur lequel il règne depuis plusieurs décennies réunit certaines reliques exceptionnelles, comme ce magnifique kit de chasseur de vampires datant du XIXe siècle, cette incroyable boîte renfermant les autographes des tous les grands acteurs ayant incarné à l’écran le comte Dracula, ou bien encore cette ancienne machine à écrire, l’une des pièces maîtresses de sa collection qui, d’après ses dires, aurait servi à Bram Stoker pour rédiger son chef-d’œuvre littéraire.
Où dans Paris ?
Le Musée des Vampires de Jacques Sirgent, 75012 Paris. museedesvampires@sfr.fr
Initiation à la Magie Sexuelle
S’il est de coutume, à travers l’histoire, d’attribuer aux femmes certaines prédispositions à la magie – « Nature les a fait sorcières », disait Michelet -, peu d’entre elles ont laissé autant de traces et d’écrits que Maria de Naglowska. Autoproclamée « Grande Prêtresse de l’amour », elle organisa dans le Montparnasse des années 1930 de surprenantes séances de magie sexuelle mêlant satanisme et mysticisme. Partageant son temps entre séances privées et interventions publiques, celle qui prétendait « ouvrir les portes du Ciel par le coït sacré » n’hésitait pas, pour la mise en pratique de ses enseignements, à puiser indistinctement dans la théurgie et la magie noire.
Photographie réalisée lors du reportage « L’Amour magique » publié par Stéphane Pizella dans le magazine Voilà (1935) © Gaston Paris / Roger-Viollet
Si les cérémonies du « Cierge viril » et de l’ « Équerre magique » permettaient, dans le cadre d’une série d’épreuves graduées, de se familiariser avec la mystique sexuelle de Naglowska, c’est sans conteste le rituel de la « Pendaison sacrée » qui constituait l’une des étapes les plus spectaculaires de l’initiation des futurs disciples. Permettant d’obtenir le titre convoité de « Guerrier-Invincible », ce rite de passage consistait à prendre place parmi dix-neuf initiés, dans une pièce où avait été placée une potence. Après avoir passé la corde au cou de l’aspirant, le « Mage-Guérisseur » élevait en l’air quelques secondes le corps de celui-ci pour que la « strangulation initiatique » provoque chez lui l’érection. C’est à cet instant précis que Naglowska ou l’une de ses adeptes entrait en scène pour venir s’unir au supplicié lors d’un « coït sacré ».
Où dans Paris ?
Le repère de la sataniste Maria de Naglowska, Studio Raspail, 46 rue Vavin, 75006 Paris.
Le Sanctuaire Littéraire
C’est sans doute l’un des secrets les mieux gardés de la capitale. Son nom est d’ailleurs inconnu de la plupart des habitants du quartier de Saint-Germain-des-Prés qui, pourtant, chaque jour, passent, sans le savoir, à côté de l’adresse où il se cache. Et pour cause. Dissimulé à l’abri des regards, derrière les imposantes façades de la rue Jacob, ce mystérieux temple dédié à l’amitié est inaccessible au public. On peut toutefois l’apercevoir dans l’une des scènes du film de Louis Malle Le Feu Follet (1963). Inscrit depuis 1947 à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques au titre de « temple maçonnique », il est aujourd’hui considéré comme l’un des rares témoins survivants de l’architecture néoclassique de la fin du XVIIIe siècle.
Le Temple de l’Amitié © photo Cyril Abad / Éditions Le Lotus et L’Éléphant
Concernant la fonction du temple, les hypothèses les plus improbables ont été avancées, s’appuyant alors sur un détail de l’édifice, à savoir la mystérieuse inscription « DLV » observable aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du temple. L’une des plus courente consistait à voir dans la présence de ces trois lettres l’abréviation de la devise « Dieu le veut « , chère aux francs-maçons et confortant à elle seule la dimension initiatique de l’édifice. D’autres observateurs, croyant deviner dans cette inscription la formule « Dieu (D) et le roi (L royal) seront victorieux (V), pensaient que l’édifice avait été occupé au moment de la Terreur par un cercle d’antirévolutionnaires déistes. D’autres théories plus hasardeuses encore, soulignaient quant à elles l’idée que cet édifice avait pu servir autrefois de refuge à des activités interlopes ou des rituels magiques.
Où dans Paris ?
Le Temple de l’Amitié, 20 rue Jacob, 75006 Paris.
« Atlas du Paris Fantastique », par Philippe Baudouin et Cyril Abad, Éditions Le Lotus et L’Éléphant, 2024, 224 pages, 30 €.
Notre interview de la Vampiresse du cimetière du Père-Lachaise