C’mon C’mon, le retour tout en élégance de Joaquin Phoenix
C’mon C’mon ou Nos âmes d’enfants, réalisé par Mike Mills, est le grand retour de Joaquin Phoenix. Il livre ici une interprétation incroyable de simplicité et de sincérité, dans un rôle extrêmement rafraichissant après avoir incarné l’exubérant et torturé Joker (Todd Phillips) en 2019.
Dans C’mon C’mon, Joaquin Phoenix incarne Johnny, un journaliste radio new-yorkais qui interviewe des enfants et des adolescents sur leur ressenti par rapport au monde dans lequel ils vivent et leur vision de l’avenir. Son quotidien se voit alors chamboulé lorsque sa sœur, Viv (Gaby Hoffmann), lui demande de garder son fils, Jesse (Woody Norman), le temps qu’elle s’occupe de son mari souffrant de forts troubles psychologiques. Johnny accepte malgré la distance qui s’est installée entre sa sœur et lui au fil des années. Il n’a pas vraiment vu grandir Jesse et ne sait pas à quoi s’attendre, étant lui-même sans enfant.
Une justesse inouïe dans l’écriture
L’écriture de ce film est simplement formidable, chaque instant est fou de réalisme et d’élégance, même les plus simples et les séquences qui paraissent plus anecdotiques. La narration de Johnny qui intervient lorsqu’il s’enregistre ou téléphone à sa sœur nous apportent les informations supplémentaires dont on a besoin : un ressenti non-assumé sur le moment de l’action ou une réflexion sur le passé des personnages, qui apportent de la richesse aux images, ne les surchargent pas ou ne les encombrent pas d’informations déjà explicitées. C’est un équilibre difficile à atteindre, mais il est ici atteint avec une apparente aisance. Le film ne se perd pas en longueurs inutiles, même s’il ne se passe finalement pas grand-chose. Il n’y a pas de gros suspense ou de rebondissements étourdissants, juste le temps qui passe, doucement, joliment. Le film nous montre, nous explique simplement, sans nous prendre la tête. Mike Mills nous épargne également les clichés qu’on rencontre souvent dans les films autour d’un célibataire qui du jour au lendemain se retrouve obligé de prendre soin d’un enfant. Johnny est parfois maladroit, parfois en colère, parfois ennuyé, mais il apprend ce nouveau rôle sur un pied d’égalité avec le petit Jesse. On voit au final deux êtres humains qui évoluent dans leur vie, tant bien que mal, côte à côte, s’échangeant mutuellement des conseils et des éléments de leur vécu.
Un regard particulier sur l’enfance
Si Joaquin Phoenix livre une interprétation exceptionnelle, Woody Norman dans le rôle de Jesse est une véritable révélation (et lui vole clairement la vedette). Il incarne parfaitement ce petit garçon de 9 ans plein de questions, de curiosité, de caprices, d’imagination et surtout d’intelligence. Il se prendra de passion pour le son et l’enregistrement du monde qui l’entoure, ce qui lui servira de moyen de communication avec sa famille sur son ressenti durant cette période de troubles. Jesse nous montre et nous prouve que les enfants sont plus intelligents et réfléchis que ce qu’on leur attribue et tellement plus éveillés émotionnellement que beaucoup d’adultes. Il nous amène à toute une réflexion sur le fait de trop materner et cacher la réalité aux enfants, on leur parle trop souvent comme s’ils ne pouvaient rien comprendre, alors qu’en réalité ils ont besoin qu’on s’adresse à eux comme à des adultes, des humains à part entière et comme à nos égaux. Jessie pose les questions qui lui passent par la tête, il aide son oncle à faire face à ses propres émotions et à mettre en place des moyens de communication ludiques, parfois étranges, mais efficaces. Ce qui leur permet à tous les deux de se parler ouvertement, honnêtement et finalement très sainement. Alors évidemment, ce petit garçon nous parait très mature pour son âge, il parle avec une aisance et une intelligence folle, ce qui parait un peu irréaliste à certains moments. Mais je me plais à me dire que c’est la manière dont tous les enfants pourraient se comporter comme s’ils avaient un accès à une éducation ludique et soutenue, mais également si on les considérait comme les être sensibles et intelligents qu’ils sont.
Un noir et blanc sublimateur
Le noir et blanc vient sublimer cette riche palette émotionnelle et apporte une certaine douceur aux échanges auxquels on assiste. Les nuances de gris donnent une emphase au jeu des acteurs en donnant plus de force à leurs émotions : le doute, la tristesse, la colère, la joie, l’apaisement et la complicité se trouvent soulignés et accentuées. Les images se font plus discrètes pour laisser toute sa place au son, qui a une place extrêmement importante durant tout le récit.
Je ne peux que vous recommander chaudement ces presque deux heures de douceur, dont la chimie entre Johnny et Jesse élève les scènes plutôt banales de ce récit tendre.