Hamlet est une coproduction de l’Opéra Royal de Wallonie, Opéra Comique, Beijing Musical Festival, Croatian National Theatre de Zagreb et du collectif MxM. Une partition peu connue pour sa nouvelle production. Une superbe découverte !

Tout le monde, ou presque, connaît l’histoire d’Hamlet de Shakespeare. L’opéra, lui, est nettement moins connu. Ce qui est bien dommage, car il s’agit d’une œuvre importante du répertoire romantique français. Il a fallu pas moins de huit ans pour qu’Ambroise Thomas termine la partition, dont le livret s’est inspiré de la célèbre tragédie de Shakespeare. Les librettistes Michel Carré et Jules Barbier, inspirés par Alexandre Dumas, ont supprimé plusieurs personnages, introduit une intrigue sentimentale plus développée que dans l’œuvre du dramaturge anglais, et ont affadi quelque peu les thèmes politiques, à une époque où Napoléon III devait naviguer entre bonapartistes, royalistes et républicains dans une France au climat politique délétère.

Ambroise Thomas (1811-1896) est né dans une famille de musiciens, et a connu un certain succès au XIXe siècle. Ami d’Ingres et Berlioz, il est un pianiste de talent, mais aussi un compositeur qui se fait connaître dans le théâtre lyrique. Son opéra le plus connu est Mignon . Classique, il s’est opposé aux tendances plus modernes de la musique en France. Il s’est régulièrement opposé à César Franck, Bizet ou Gabriel Fauré. Pourtant, dans Hamlet , il fait intervenir un solo de saxophone, nouvel instrument de son ami dinantais, Adolphe Sax.

Dans Hamlet, le développement de l’intrigue amoureuse entre Ophélie et le jeune prince danois est tout à fait conforme à l’air du temps, puisque l’on est en plein romantisme. La profondeur dramatique de l’histoire correspond donc au goût de l’époque.

Cet opéra, joué pour la première fois en 1868 a connu un beau succès jusqu’au début du XXe siècle, avant de connaître un long purgatoire dont il ne sort sporadiquement que depuis les années 70.

Au palais d’Elseneur, Hamlet, jeune prince danois, vient de perdre son père et assiste au mariage précipité de son oncle Claudius avec sa propre mère, Gertrude. Hamlet est par ailleurs amoureux et fiancé à Ophélie (sœur de Laërte et fille de Polonius) et trouve réconfort auprès d’elle. Tandis que Claudius est proclamé roi et Gertrude, reine, Hamlet se retrouve face au spectre de son père qui hante les murailles du château. Le fantôme lui dit avoir été empoisonné par son frère Claudius, et lui demande de le venger en tuant Claudius, tout en épargnant sa mère.

Hamlet, tout à sa vengeance, feint la folie, et s’éloigne inexorablement d’Ophélie, qui ne comprend rien à sa froideur, pour mener à bien sa vengeance. D’autant plus qu’il a appris que le père de la jeune femme, Polonius, est complice de la mort de son père. Claudius tente d’amadouer Hamlet, et propose au jeune prince d’organiser des festivités dans le château. C’est comme ça qu’Hamlet fait jouer une pièce de théâtre Le meurtre de Gonzague , mettant en scène la mort d’un roi, une façon détournée d’accuser son oncle publiquement. Mais tout le monde pense qu’Hamlet devient fou. 

Méditant sur sa destinée, le jeune homme découvre que Polonius, le père d’Ophélie, est complice du meurtre de son père. Il rompt avec Ophélie et se dispute violemment avec sa mère. Ophélie, repoussée violemment par Hamlet, erre dans la campagne, mais sa tristesse se fait de plus en plus vive, elle cède à la folie et se noie.

Se rendant au cimetière, Hamlet croise un cortège funéraire et réalise qu’il s’agit de celui d’Ophélie, il doit affronter la colère de Laërte, qui lui avait fait promettre de veiller sur Ophélie. Le jeune prince est prêt au suicide, mais le spectre de son père lui rappelle sa vengeance, Hamlet tue donc Claudius et est proclamé roi, tout en restant inconsolable suite à la mort d’Ophélie.

Une mise en scène mêlant cinéma, théâtre et opéra

Le metteur en scène, Cyril Teste, a choisi d’ancrer l’histoire dans le XXIe siècle, époque où l’image est tellement importante. L’utilisation des vidéos enrichit l’intrigue et permet au public d’approcher au plus près les personnages. En plus d’être des chanteurs exceptionnels, tous les interprètes, saisis au plus près, font montre d’une présence incroyable.

Entre images pré-enregistrées, et live, la mise en scène complexe fait voyager le spectateur entre réalité, introspection des personnages, et les différents niveaux de lecture de l’œuvre.

L’usage des caméras permet au public de pénétrer le cœur des personnages et de l’intrigue. Le public accompagne Hamlet dans ses dilemmes, sa recherche de la vérité qu’il veut faire éclater à tout prix.

L’apparente sobriété du décor est pourtant incroyablement riche, laissant place au ressenti et à l’imagination, guidés par des images tellement bien choisies. La noyade d’Ophélie nous ramène aux plus belles toiles du XIXème siècle, et sa plongée dans la folie nous montre en gros plan, une Ophélie brisée, meurtrie, dont la raison s’échappe petit à petit. Saisie sur le vif, Jodie Devos nous montre qu’en plus d’être une des plus belles voix de soprano que l’on entend actuellement, elle est aussi une comédienne dramatique dont les traits font exploser de justesse les sentiments. Jodie Devos nous a d’ailleurs enchantée avec son timbre de colorature merveilleusement maîtrisé, pleine de sentiments, bien qu’elle n’ait pu chanter à pleine voix pour cause de problèmes de santé. Elle avait d’ailleurs littéralement brûlé les planches un peu plus tôt dans la saison, lorsqu’elle avait interprété une Lakmé étourdissante.

Une œuvre idéale pour baryton

Magnifique dans le rôle-titre, Lionel Lhoste nous a fait profiter d’une voix chaude, profonde, puissante. Son interprétation était non seulement d’une maîtrise technique parfaite, mais aussi pleine d’émotion, de sentiment, d’une justesse sans faille. Il a emmené le public au fil de ses sentiments, on souffrait avec lui, pour lui. Présent pendant pratiquement la totalité de l’opéra, il a su émouvoir le public sans faillir, un très grand artiste. Hamlet lui a vraiment offert un rôle à sa mesure.

Béatrice Uria-Monzon était parfaite dans le rôle de Gertrude, avec une voix aux modulations pleines de sensibilité, profondes, qui éclataient sous le plafond de la salle.

Nicolas Testé (lui aussi victime de microbes) a eu un (court) début difficile, pour pourtant récupérer une voix chaude, profonde, envoûtante, parfaitement maîtrisée malgré les conditions difficiles. Émouvant et puissant, bien que lui non plus n’ait pu chanter à pleine voix, nous espérons l’entendre dans la pleine possession de ses moyens dans une prochaine production. D’autant que sa présence sur scène est littéralement magnétique.

Le reste de la distribution (belge) s’est également montrée à la hauteur. Pierre Derhet est un ténor tout en finesse, Shadi Torbey, une basse profonde dont le timbre s’accordait parfaitement à son rôle de spectre, Maxime Melnik a fait honneur à sa place de finaliste au concours des Voix Nouvelles, et est promis à une belle carrière, quant à Laurent Kubla et Patrick Delcour, leur parfaite technique et la justesse de leur interprétation méritaient largement leur place dans la distribution.

Mention spéciale pour les chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie, toujours aussi efficaces, toujours aussi talentueux.

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Infos pratiques

Les représentations : Dimanche 26/02 à 15h00 et Mardi 28/02 à 20h00 – Jeudi 02/03 à 20h00 – Samedi 04/03 à 20h00 – Mardi 07/03 à 20h00.