« Il pleut, un peu, beaucoup, passionnément » de Virginie Achard
Chance n’a pas de chance. Et en plus, elle s’appelle Chance. A-t-on idée ? Le roman de Virginie Achard est comme une pluie bienfaisante d’été.
Illustration : Virginie Achard © DR
A quarante-cinq ans, elle serait bien en peine de compter le nombre de dragueurs lourdauds qui avaient été tous persuadés de faire preuve d’inventivité en lançant : « Mais c’est moi qui ait de la chance de t’avoir rencontrée.» A quoi pouvaient bien penser les parents ? Juste au fait qu’elle l’avait été, une chance, pour eux, à l’époque où la FIV était encore embryonnaire en France. Fantasques et plein d’humour, les parents.
« C’est magnifique, mais ce n’est pas trop dur à porter ?
- Un enfer. »
Quarante-cinq ans : ce n’est pas vieux mais ce n’est plus tout à fait jeune. C’est l’heure des premiers bilans. Pendant longtemps, Chance a été une jeune femme drôle et inventive, capable d’imaginer des situations les plus débridées qui soient. Elle se disait « capable d’écouter son instant ». Et puis… Et puis, il y a eu les responsabilités, la carrière, la sienne et celle de Romain, le mariage, la maison, les enfants, Lucie qui avait déjà onze ans et se comportait en pré-ado, Lucas qui avait encore cinq ans mais qui promettait déjà. Comme nous tous, Chance avait été rattrapée par une bête insidieuse, tapie dans l’ombre et toute prête à nous bondir dessus : le quotidien.
« On ne nous prépare pas assez au quotidien. Il devrait y avoir des cours pour l’apprendre, dès la sixième et jusqu’à la Terminale. Une discipline sportive qui nous entrainerait à ces journées marathon ». Rien de grave, bien sûr : « Si je fais le bilan…Personnellement, professionnellement, financièrement. Je remplis les critères pour être heureuse. » Mais tout pour se sentir coincée, démunie, maltraitée, dépassée.
Dans ces cas-là, un remède bien connu dans nos sociétés se nomme : les vacances. La famille est justement sur le point de partir en vacances, dans le sud de la France, une maison louée avec piscine, histoire de se détendre et d’oublier un peu. Mais c’est précisément le jour du départ que Chance apprend, et de la pire des manières, que son mari, Romain, la trompe. Et sans doute depuis longtemps. Et pour combler le tout, il pleut ! Il pleut un peu, beaucoup, passionnément…

Le premier livre de Virginie Achard © Editions Maison Pop
Chance plante là son mari volage, prend ses enfants sous le bras, grimpe dans la voiture et part quand même en vacances. Elle va faire la connaissance de tout un petit univers : Lilie, Marc, Sofia, Casimir, Irène, et les enfants. Elle va pouvoir, avec des gens pleins de compassion et de bon sens, ne plus être parent soi-même, au moins provisoirement, pour « se blottir et se faire consoler comme une petite fille ». Rien de tel que de parler, d’échanger, de partager ses expériences. Personne n’a de solution toute prête, personne ne possède la baguette magique qui ferait voir la vie en bleu, mais, en faisant preuve de solidarité, on bâtit un quotidien plus apaisé. Et elle était bien utile, cette solidarité, car la pluie s’éternise : « c’était même plus un risque à ce niveau-là. C’était du « pluie-cide » ! »
Alors, durant vingt-et-un chapitres qui correspondent aux vingt-et-un jours de vacances, Chance va apprendre peu à peu à reconstruire son univers « de la séparation et de la réconciliation, de la garde partagée et de la vie de famille, du break et du flirt…Un truc à inventer pour essayer de réparer notre histoire. Un truc que personne ne comprendra mais qui nous ressemble »
Chance va s’appliquer elle-même la maxime attribuée à Sénèque : « La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent. C’est d’apprendre à danser sous la pluie »
Sans être une œuvre majeure de la littérature, le roman de Virginie Achard possède un charme indéniable et cette petite musique qui ne peut qu’évoquer, chez chacun de nous, des petits drames vécus et des grandes angoisses ressenties. Un style clair et simple mais qui donne une sorte de rythme de thriller aux « petits ennuis » du quotidien.
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