Mettre la philosophie à portée de tous, c’est l’objectif de Philocomix. Sujet complexe et pourtant accessible, la philosophie est revue en bande dessinée. Nous avons rencontré l’auteur Jérôme Vermer qui nous en dit plus.

Philocomix est une bande dessinée qui se décline en 3 tomes. Sorti en 2017, Je pense donc je suis heureux était le premier d’une série qui vulgarise la philosophie. 

Petits, grands, étudiants ou amateurs, tous se complairont à lire chaque page de cette œuvre illustrée. À chaque chapitre, un philosophe est découvert avec humour. Le lecteur peut alors découvrir et enfin comprendre les courants de pensée philosophiques, des plus anciens aux plus récents.

Paru le 21 septembre dernier, le tome 3 Métro, boulot, cogito ,œuvre de Jean-Philippe Thivet, Mathieu La Mine et Jérôme Vermer, fait son apparition dans les librairies. Lors d’une séance de dédicaces, nous avons eu le plaisir de les rencontrer. Jérôme Vermer répond à nos questions.

« Métro, boulot, cogito » vient de paraître. Qu’en est-il ? Comment est reçue cette bande dessinée des plus originales ?

Jérôme Vermer : Je dois dire que Philocomix fonctionne bien. J’avais été au Canada, il y a quelque temps, et j’avais retrouvé des piles de Philocomix alors qu’on était outre-Atlantique. Donc j’ai été assez surpris par le succès. Et ce dernier tome est très bien reçu. On approche des 130 000 ventes pour l’ensemble. On a été traduit en 6 langues. Il n’est pas exclu que le tome 3 nous amène d’autres traductions. Au début, l’éditeur avait pour objectif d’en vendre 15.000. Nous avons donc largement dépassé les attentes.

Beaucoup de choses ont contribué à son succès. La thématique du bonheur est universelle. Aussi, le fait d’avoir été parrainé par Frédéric Lenoir avec la préface du premier a grandement aidé. Et sachez qu’il y a d’autres projets autour de Philocomix, d’autres formats que la BD. C’est une vraie source de créativité.

C’est effectivement un thème universel : tout le monde est en quête du bonheur. Est-ce qu’il existe réellement ? Est-ce que les personnes ne sont pas plutôt en quête de satisfaction?

Jérome Vermer : En fait, on a tendance à confondre un peu les mots, d’un point de vue de vocabulaire. Le bonheur, ce n’est pas la joie, ce n’est pas le plaisir. Ce n’est pas non plus le fait d’assouvir ses désirs. Le bonheur, entendu par les philosophes, c’est cette satisfaction permanente, perpétuelle qui, par définition, est quasi inatteignable pour l’être humain.

Parce que nous passons notre temps à être désireux de quelque chose, nous cherchons à assouvir un désir. Une fois satisfait, il y en a alors un autre qui surgit. Schopenhauer le présente sous cet angle-là. Et je pense qu’il a assez raison sur cette question.

Mais, avec chacun des philosophes de la BD, on peut voir qu’il y a différentes façons de s’en rapprocher. En tout cas, il est toujours question d’essayer de s’en rapprocher en sachant très bien qu’on ne pourra jamais l’atteindre absolument.

Si on parle du terme « philosophie » en tant que telle, c’est l’amour de la sagesse, dans le sens d’être toujours attiré par elle : vouloir toujours tendre vers elle. Le bonheur, c’est un peu pareil. C’est toujours l’idée de tendre vers celui-ci. C’est ce que les philosophes nous donnent comme indication. Ils nous donnent des pistes qui sont toutes différentes, mais en sachant très bien que, en tant que tel, le bonheur est inatteignable. Sinon ce ne serait pas le bonheur.

Vous abordez des pensées de philosophes plus récents que d’autres. Pensez-vous que, dans la société telle que nous la connaissons aujourd’hui, les pensées philosophiques, même les plus anciennes, sont toujours d’actualité ?

Jérôme Vermer : Oui, c’est vrai. C’est vrai qu’on en a le sentiment et c’est ça aussi le propre de la démarche philosophique. C’est une démarche universelle.

Donc ça veut dire que le questionnement philosophique est un questionnement qui ne trouve jamais de réponse toute faite. Un questionnement pourra traverser les siècles avec le même point d’interrogation. Donc, un philosophe de l’Antiquité, tel que Épicure ou Sénèque, qui nous parle du bonheur, reste tout à fait actuel.

Aussi, il n’y a jamais eu un philosophe qui a dit : « Voilà, j’ai la solution et je sais comment parvenir au bonheur. » Il n’y a jamais un philosophe qui a dit : « Ce que dit Sénèque est radicalement faux ». Ils essayent tous de trouver une voie peut-être nouvelle, mais en sachant pertinemment qu’il n’y a pas de voie toute faite, une voie qui serait universelle. C’est-à-dire, une voie qui serait valable pour tout le monde à travers les siècles et les siècles.

Et comment ça se passe ce nouveau trio ? Anne-Lise Cambeaud était votre illustratrice lors des deux premiers tomes. Pour ce dernier volet, vous avez travaillé avec Mathieu La Mine. Comment s’est passée cette rencontre et la démarche créative ?

Jérôme Vermer : Mathieu, qui est le nouveau dessinateur, auteur de bande dessinée, connaissait le travail d’Anne-Lise. Il l’apprécie énormément. Mais il ne voulait pas s’inscrire absolument dans ce qu’elle faisait. L’idée est que chacun puisse faire ce qui lui est propre et avoir une démarche qui lui soit propre.

Cependant, il y avait une certaine similitude dans la façon de traiter des sujets sérieux et des sujets scientifiques, ou bien peu accessibles au public.

Cette démarche est toujours déjà empreinte d’humour avec beaucoup de créativité. Il a cette capacité à mettre les choses en contexte et à utiliser des images du quotidien ou bien des images historiques, de faits historiques pour illustrer des choses qui sont très abstraites à la base. La dynamique reste un peu la même, même si effectivement, Mathieu et Anne-Lise ne travaillent pas exactement de la même façon.

Mais, ce qui est important à dire c’est que Philocomix est  un travail à trois. C’est un travail collectif dans la mesure où il y a des échanges. Dès le moment où je donne l’impulsion avec une base philosophique laquelle est assez aride au départ, Jean-Philippe se l’approprie pour essayer de lui trouver un angle moins indigeste pour le grand public.

Ensuite, Mathieu reprend le tout et essaie de raconter la philosophie. Au final, on retravaille tous les trois les dialogues, les textes. C’est fait avec minutie. Chaque mot est pesé. On essaie de rester justes pour ne pas tomber dans un travers qui serait de perdre le propos par l’humour. On essaye de garder le fil et d’être au plus près de ce que disent les philosophes, tout en essayant de faire en sorte que ce soit lisible pour des gens qui n’ont pas de base ou de connaissances philosophiques.

C’est le procédé. Pour l’un ou l’autre chapitre, par exemple, où on peut inverser les rôles. Jean-Philippe travaille la philosophie de départ. Ensuite, moi, j’interviens pour la retravailler. C’était notamment le cas pour Simone Weil, pour Russell et Pétrarque. Ce sont trois chapitres sur lesquels il s’est véritablement investi parce que ce sont trois penseurs qu’il connaissait déjà au départ et qu’il aimait beaucoup.

Le choix final de ces philosophes, à qui incombe – t – il ? Est-ce que c’est un choix collectif ?

Jérôme Vermer : Oui, c’est un choix collectif. On arrive tous avec nos listes. Alors, évidemment, avec le temps, les listes se sont faites de plus en plus restreintes. Quand on est arrivé avec notre liste pour la première BD, elle était extrêmement longue. Pour un tome qui devait faire dix chapitres, on avait une trentaine de noms qu’on avait envie de traiter. Il a donc fallu choisir. Et ce choix, par contre, on le fait de façon collective.

Évidemment, il y a certains chapitres pour lesquels l’un d’entre nous aura peut-être plus d’affinités. Par exemple, je le disais à l’instant, Jean-Philippe avait vraiment envie de traiter Simone Weil. Moi, de mon côté, j’avais vraiment envie de traiter Heidegger dans ce dernier livre. On a chacun nos préférés, mais on se met d’accord sur la sélection.

Notre mot d’ordre est de, à chaque fois, trouver des philosophes différents. Aujourd’hui, on a trois livres, on a 29 philosophes différents. Descartes revient deux fois, dans le premier et le dernier volume. Mais c’est une exception.

Trouver à chaque fois un penseur différent est un vrai challenge. Dans le premier, il s’agissait de traiter de la thématique du bonheur individuel, dans le deuxième, le bonheur collectif et enfin, le bonheur au travail.

Il a fallu être habile dans la sélection. Car en choisir dix voulait dire, par définition, les éliminer du tome suivant.

Il en reste pour un tome 4 ?

Jérôme Vermer : Il en reste, c’est sûr. Et il en reste aussi pour une autre série que l’on va lancer.

La suite, ce sera quoi ? Vous avez déjà une idée, un projet en tête ?

Jérôme Vermer : Oui, on a un projet qui va voir le jour dans pas longtemps. Il sera en librairies en février – mars. Ce sera un peu dans la même veine. Je ne peux pas en dévoiler plus. C’est quelque chose que l’on attend avec impatience. On est certain que ça rencontrera une certaine attente aussi du côté du public.

Donc, oui, on a une nouvelle série sur le feu.


Merci encore à Jérôme Vermer pour cette superbe rencontre ! Pour découvrir l’univers des penseurs, nos auteurs vous donnent rendez-vous une séance de dédicace le 26 novembre au Club du Woluwé Shopping Center de Woluwé-Saint-Lambert.