Interview : rencontre avec Simon Iachemet du Quatuor Agate
Des liens amicaux et désormais fraternels unissent les musiciens du Quatuor Agate : Adrien Jurkovic, violon, Thomas Descamps, second violon, Raphaël Pagnon, alto et Simon Iachemet au violoncelle. Formés au Conservatoire national supérieur de Paris, ils ont vécu à Berlin où ils étudiaient et exerçaient la musique dans des Académies d’orchestre. Avant la formation officielle du Quatuor à cordes, les musiciens se retrouvaient régulièrement pour des répétitions musicales. En résidence à la Fondation Singer Polignac et au ProQuartet, les musiciens jouent sur des instruments anciens et développent de nombreuses collaborations artistiques. À l’automne 2023, un album avec Frank Braley et Gabriel Le Magadure consacré à la musique française permettra d’écouter leurs participations au Concert de Chausson. En février 2024, leur premier CD en tant que Quatuor propose l’intégrale des Quatuors à cordes de Brahms et une pièce inédite. Ils viennent aussi de participer à l’enregistrement d’un disque aux États-Unis et sont à la direction artistique du Festival CorsiClassic, en Corse.
Pouvez-vous revenir sur l’historique de la constitution de votre ensemble ?
Le Quatuor Agate s’est formé en 2016 à Berlin. Après le Conservatoire de Paris, nous sommes partis étudier dans des Académies d’orchestre à Berlin parce que c’est un grand pôle européen de la musique classique. Nous sommes amis, Raphaël Pagnon, altiste, Thomas Descamps, le second violon, et moi-même Simon Iachemet au violoncelle. Nous avions déjà joué dans des ensembles pendant des Festivals et on a rencontré Adrien Jurkovic, premier violon, qui était déjà à Berlin avant notre arrivée, pour ses études à la Hochschule für Musik Hanns Eisler. On aimait beaucoup comme il jouait, on est devenus aussi copains. Puis on a commencé dans des salles de répétition de notre école à Berlin et on a étudié pendant deux ans avec Eberhard Feltz qui est un expert des Quatuors. Rapidement, la musique est devenue une priorité dans nos vies. Au début, c’étaient beaucoup de répétitions et très peu de concerts. Après on est rentrés à Paris en 2018 pour vraiment s’investir complètement. On a intégré le ProQuartet, la Fondation Singer-Polignac.
C’est un parcours plutôt fulgurant.
On avait une grande motivation et une très grande envie de travailler le répertoire. L’ambition première c’était de jouer ensemble, d’améliorer un son. À Berlin, on faisait des nocturnes dans une immense salle de notre école – c’était pas vraiment autorisé -, des heures de boulot sans même avoir un concert de prévu. Il y avait quelque chose d’assez pur, on se le dit parfois. Jouer sur scène, c’est venu au fil des rencontres, des concours, des expériences.
Vos liens, ce sont l’amitié et cette passion pour la musique.
On ne peut pas faire ce métier sans être un passionné du répertoire qui est gigantesque et extrêmement exigeant. Effectivement, une grande amitié nous lie, maintenant elle est devenue plus fraternelle, on passe tellement de temps ensemble.
Est-ce que vous privilégiez un répertoire, des périodes musicales ?
On est un Quatuor généraliste. L’intégralité du Quatuor commence pendant l’époque classique jusqu’à nos jours. A un de nos derniers concerts, le programme proposait une pièce du compositeur Corentin Apparailly qui a notre âge. En ce moment, nous enregistrons un CD des trois Quatuors de Brahms, ce sera notre premier CD et c’est une musique qu’on affectionne particulièrement. On fait aussi de la musique contemporaine, on a fait une pièce assez improbable de Nicole Lizée avec des ventilateurs. On reste très ouverts mais effectivement il y a des compositeurs sur lesquels on adore passer du temps et qui nous touchent. Par exemple Haydn, c’est la base du Quatuor et on aime son humour, les harmonies, le mélange des sons. Beethoven, pour nous c’est le plus génial. Il a écrit seize Quatuors qui ont révolutionné l’histoire de la musique. Ce qui nous plaît c’est à la fois ce côté très proche des sentiments humains et cette grandeur musicale. Avec Bartók, il y a des trésors à trouver, la musique est aussi imprégnée des sentiments. L’aspect rythmique est formidable à travailler.
Votre ensemble a développé quelles qualités pour perdurer ? Vous faites de nombreuses collaborations artistiques.
Nous proposons un son d’ensemble qui est l’adaptation des sons de chacun. Comment fait-on sans les amoindrir pour obtenir un mariage parfait ? Brahms est très difficile car c’est une musique qui requiert énormément de tempéraments dans le son, et malgré tout il y a des grands moments orchestraux où les sons sont mélangés et on doit avoir l’impression d’un seul instrument. C’est une quête et on est assez acharnés pour trouver le son idéal du passage musical que l’on a envie de raconter. Ensuite, je pense qu’il y a une vraie sincérité qui s’exprime sur scène. Les gens sentent qu’il y a une fusion avec le public et entre nous, une volonté de faire d’un concert un moment particulier. Et je crois aussi qu’on est à la fois exigeants avec nous-mêmes et capables de nous adapter. Les collaborations sont dues au fait de notre faculté d’adaptation.
Dans vos actualités, un enregistrement a été réalisé aux États-Unis ?
Tout à fait. On est rentrés de Chicago en juin. C’est une histoire assez rigolote. On a rencontré Eric Ferring en 2019 quand on a fait l’Académie du Festival de Verbier. Il se trouve que ce ténor américain qui fait une belle carrière notamment à l’Opéra de Paris, au MET, avait écouté et adoré un de nos concerts et le lendemain il a proposé de faire un CD. Nous étions surpris, il avait préparé les propositions musicales. Et ce qu’il s’est passé c’est la pandémie mondiale et un report du CD. On n’y croyait plus. Finalement, Éric Ferring a réactivé le projet et on a fait cet album à Chicago. Il devrait sortir en octobre 2023. C’est un album autour de musiques américaines, allemandes et françaises. On a eu aussi des rôles de solistes et pas uniquement de Quatuor à cordes. C’est une nouvelle expérience très enrichissante et on a adoré la vivre ensemble.
Propos recueillis par Fatma Alilate.
Le Quatuor Agate : Adrien Jurkovic, violon. Thomas Descamps, second violon. Raphaël Pagnon, alto. Simon Iachemet, violoncelle.
Prochains concerts : 20 et 21 août – Festival de Quatuors du Luberon. 7 septembre – Lammermuir Festival (Ecosse). 14 septembre – Les Musicales de Bagatelle, Nice. 16-17 septembre – Bremen Klassik (Allemagne). 21-24 Septembre – Festival CorsiClassic, Ajaccio.