Johnny Hallyday l’Exposition
Cet événement qui a mobilisé toute la presse belge et même française a commencé ce 20 décembre 2022 au Palais 2, au Heysel à Bruxelles. Une plongée immersive au cœur d’un destin artistique et humain exceptionnel, dont le souvenir est perpétuellement activé et reste ancré dans notre présent.
La genèse
On considère généralement que la première grande exposition moderne présentée en France et consacrée à un géant de la musique est JIMI HENDRIX BACKSTAGE, visible notamment à la Philharmonie de Paris (Musée de la Musique), jusqu’en janvier 2023.
L’exposition anglaise DAVID BOWIE IS, au même endroit en 2015, est due à l’agence Clémence Farrell. L’expo Bowie fut un lointain déclencheur pour l’événement qui nous occupe…
Et le vrai signal de départ de cette folle aventure est donnée le 9 janvier 2021 : en plein confinement, l’administrateur délégué de Tempora, Benoît Remiche, rencontre la veuve de la star : Laeticia Hallyday. Qui connaît la haute réputation de cette société spécialisée dans la conception, réalisation et gestion d’expositions et de musées destinées au grand public.
Une idée folle naît : créer la plus belle exposition qui soit, dédiée au grand disparu mais dont le souvenir reste exceptionnellement vivace. Il ne s’agit pas d’une simple présentation statique de nombreux éléments liés à sa carrière et sa vie, mais d’une expérience dynamique et itinérante. Rien de figé et l’esprit des tournées est respecté : cette exposition étant destinée à voyager (voir en fin d’article).
Expo, on entre !
La scénographie est donc imaginée par l’équipe de Clémence Farrell. Impossible hélas de citer toute l’équipe qui a créé cette exposition -deux cents personnes ! -mais mention spéciale au directeur artistique français Éric Clavier, fondateur et patron de l’agence ADAM .
L’ensemble est conçu sous forme d’une guitare, même si ce n’est pas évident lorsque l’on y déambule. Les premières impressions sont très fortes : on entre dans une pièce où l’idole chante parmi la foule, sur écrans géants. On se trouve comme immergés au plus fort de divers concerts.
Avec un montage comportant notamment ses entrées tonitruantes au Stade de France ou au Parc des Princes…Un audioguide et la voix de Jean Reno, ami de la star, accompagne le visiteur.
Tendres années
On souligne que l’expo se veut thématique mais non chronologique.
Chapeau bas à Alain Wathieu qui après avoir scruté des foules de documents d’époque avec une grande rigueur, est parvenu à reconstituer la chambre d’adolescent du jeune artiste en herbe. La photo noir et blanc de Jean-Claude Sauer parue dans Paris Match en 1961 a servi de modèle à ce que contient ce flight case géant, aujourd’hui en couleurs !
Avec notamment de nombreuses photos aux murs (Elvis, Brigitte Bardot etc.), et même le verre introuvable de ses spectacles à l’Alhambra avec le lettrage, refait à l’identique par Alain Wathieu. C’est à ce genre de détails de finition et d’exigence que l’on reconnaît l’autre versant d’une expo réussie. Celui le plus évident étant le gigantisme et les prouesses techniques exceptionnelles.
Europe n°1
Le studio où l’émission mythique Salut les Copains contribua, avec le magazine du même nom, à imposer Johnny et toute une génération de jeunes artistes est reconstitué, lui aussi.
On voit sur un écran les seules images connues de Johnny accueilli par Daniel Filipacchi, dans le studio qui apparaît comme très réduit en réalité ! Totalement à rebours de l’influence gigantesque que cette base de lancement médiatique a pu déclencher.
Seul clin d’œil au présent : quelques numéros de diverses années de la revue-phare disposés sur la table…toujours Johnny en couverture, bien entendu.
Une salle est dévolue au cinéma, avec Claude Lelouch parlant de Johnny, des affiches de films, la DVDthèque impressionnante de ce Johnny le dévoreur de films…
Collections en folie
Si la vision artistique et esthétique, et la perfection technologique impressionnante de l’exposition sont sensationnelles, une autre nécessité est remplie ! Johnny, c’est un patrimoine musical immense et vu sa popularité, d’innombrables éditions de tous ordres depuis ses tout débuts.
Les collectionneurs passionnés et sincères sont indispensables à cet égard. Mention spéciale pour un des plus grands spécialistes de Johnny, un des quatre ou cinq plus grands collectionneurs au monde de l’artiste. Le Bruxellois Yves De Bakker a été adoubé par Laeticia elle-même.
Un espace étonnant est entièrement dévolu à deux murs pleins de pochettes de disques diverses et variées.
On y marche sur du sol en verre au point de croire d’abord voir non celui-ci, mais un grand trou ! On avance le pied avec circonspection et tout va bien…Bravo pour la trouvaille ! Plus fort encore : les centaines de couvertures de revues de tout genre avec Johnny en couverture : merci De Bakker.
Elles tournent et au final, les projections donnent une mosaïque représentant un immense portrait de l’artiste (période Taulier). Incroyable et bluffant au possible…
Photos en pagaille
De nombreuses photos, noir et blanc et couleur, parsèment l’exposition. Certaines connues, d’autres non…
Notamment l’inoxydable Jean-Marie Périer. Mais des photos d’agence notamment sont (re)vues un peu partout. Avec un choix judicieux de la star dans tous ses états extrêmes, ayant tout livré après ses concerts-événements qui pouvaient même être assimilés à des happenings avant l’heure.
Légendes trilingues français-néerlandais et même anglais.
Costumes
Laeticia avait dévolu une pièce à l’étage de la villa de Marnes-la-Coquette à un ensemble de costumes de scène de son mari.
Elle a tout gardé mais elle s’est échinée, avec l’aide de fans dévoués, à retrouver les costumes portés par Johnny bien avant leur rencontre et leur mariage. On peut contempler le résultat : cinquante costumes depuis le premier porté à l’Olympia (septembre-octobre 1961) jusqu’à ses atours de la seconde tournée des Vieilles Canailles, l’année de sa mort, 2017. Lorsque Johnny Hallyday, sous chimio, donna encore tout, la totale ultime, à son art et à son public, avec Eddy et Jacques…
Pour en revenir aux costumes, nulles traces de ceux de l’époque Vogue (février 1960 à juillet 1961). Perdus ou cachés dans des recoins de collectionneurs jaloux, je ne sais, le pantalon de cuir noir, la chemise rayée or et noir, le costume bordeaux…
1961 et l’Olympia : le règne d’un costumier dont il faut donner le nom trop oublié : Pierre Faivret. L’époque magique des costumes noirs et souvent bleu nuit, à paillettes, souvent sur une chemise blanche à jabot et le nœud papillon twist, que l’on rentrait sous le col ! Et par la suite, les Saint Laurent, Gaultier, Jitrois, Chanel, Dior etc.
Le dernier lieu
Un clou de l’expo est le bureau de Johnny dans la villa Savannah de Marnes-la-Coquette, où les objets prêtés par Laeticia avant la vente du lieu sont remis en place à l’identique. On ne les voit que de l’extérieur…
Émouvant mais est-ce vraiment la cerise sur le gâteau de cette exposition, cette plongée dans l’intime ? Une extrapolation de divers reportages de magazines se déplaçant chez Johnny (dès 1961 et ensuite) et chez d’autres stars qui ouvraient les portes de leur intérieur…Mais une grande partie du public adore cela, jusqu’à Graceland où les visites sont monnaie (en dollars)courante.
Irréprochable, cette reconstitution.
Et pour terminer, les guitares, voitures, des documents administratifs, la collection de couteaux souvent augmentée lors de ses passages à Bruxelles, la ville si chère à son cœur, comme la Belgique. Et le crucifix, objet-fétiche chéri, ne représentant ni le Christ, ni Johnny mais un guitariste sans nom. On y voit ce qu’on veut…et une chanson, évidemment : Les Bras En Croix !
L’expo se tient à Bruxelles jusqu’au 15 juin 2023 avant de rejoindre Paris en janvier 2024 à la porte de Versailles, le lieu du palais des Sports où il devint véritablement la star des jeunes lors des deux festivals de rock du 24 février 1961.
Johnny passera-t-il l’épreuve du temps ?
En adoubant le souhait de Laeticia, on souhaitera qu’après tant de tristes turbulences, l’accent soit enfin remis sur sa musique avant tout.
Cette expo y aidera fort, même si elle fait l’impasse sur la vie familiale de Johnny avant Laeticia et sur la quasi-totalité des amis et collaborateurs des premières années : Sylvie Vartan a même été exfiltrée de deux ou trois photos où seul le mari apparaît.
Bref il s’agit d’une vision partielle de Johnny mais qui incite à sa redécouverte, voire découverte.
Contact via : info@johnnyhallydaylexposition.com et +32 2 549 60 49