« La Périchole », fin d’année brillante à l’Opéra Royal de Wallonie
La Périchole : Une oeuvre à la fois ancienne et résolument moderne, pour clore en beauté l’année 2024 à l’Opéra Royal de Wallonie.
L’histoire :
Lima aux environs de 1770. Alors que le vice-roi Don Andrès, collectionne les conquêtes féminines, il jette soudain son dévolu sur la Périchole, une chanteuse des rues. La jeune femme, désespérément pauvre, se laisse emporter dans un tourbillon incessant. Elle quitte son amant, Piquillo, afin de s’installer au palais et de profiter de sa nouvelle position sociale. Seul problème, pour prendre le rôle de maîtresse officielle, celle-ci doit être mariée! Les acolytes du vice-roi doivent alors trouver celui qui pourra remplir ce rôle et bien sûr, cela échoit à Piquillo qui se retrouve marié sans avoir aucune idée de l’identité de sa promise, perdu dans les brumes de l’alcool.
P. DERHET – A. DENNEFELD © J Berger – ORW-Liège
Quand il revient à lui, il se rend compte qu’il a épousé une femme qu’il ne connaît pas. Mais au bout d’un moment il s’aperçoit qu’en fait, il s’agit de la Périchole et il lui en veut beaucoup du fait qu’elle a accepté de devenir la maîtresse du vice-roi. Pourtant, la Périchole est restée fidèle à Piquillo, et elle lui prouve qu’il reste son plus bel amour. Après cet échange, Piquillo et la Périchole retournent à leur vie, laissant le vice-roi reprendre sa place et son destin somme toute peu enviable.
M.-KALININE-E.-LETEXIER-A.-FEIX © J Berger – ORW-Liège
L’oeuvre
Jacques Offenbach est un compositeur qui a illuminé le XIXème siècle. Il est né en 1819, et très jeune il a montré un don incroyable pour le violoncelle. Très tôt, il s’est mis à se produire dans les salons de la capitale. En 1855, il fonde le théâtre des Bouffes Parisiens et pendant 8 ans, le théâtre ne désemplit pas.
Avec Meilhac et Halévy, il créé un nouveau genre musical. L’opérette “à la française” ravit le public du second empire. Sa fortune et son succès sont faits mais il souffrira jusqu’à sa mort d’un manque de reconnaissance pour son talent de musicien.
P.-DERHET-M.-KALININE-J.-MOSSAY-A.-FEIX-L.-LHOTE-A.-DENNEFELD © J Berger – ORW-Liège
La Périchole est un opéra-bouffe, qui voit le jour en 1868. Mais elle sort aussi de son rôle parodique afin de dénoncer les injustices et les abus de pouvoir. Elle porte également un regard imparable et critique sur la société du second empire. Cette jeune femme est un mythe et une figure historique du XVIIIème siècle. C’est une artiste passionnée; qui donne tout pour l’art et l’amour. C’est aussi une femme qui veut survivre, absolument.
P.-DERHET-A.-DENNEFELD © J Berger – ORW-Liège
Le metteur en scène a pris le parti de faire évoluer le texte vers une version plus moderne. On y retrouve la verve des auteurs attachés à la langue du XIXème siècle, mais également des expressions et un langage plus actuel. C’est une grande réussite car cela s’adresse à tous les publics, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. La réécriture des dialogues par Agathe Mélinand épouse parfaitement le rythme nouveau de l’œuvre. En plus des côtés burlesques de l’œuvre, celle-ci dépasse cela grâce aux côtés noirs de l’histoire. On y parle de mendicité, de prostitution, d’abus de pouvoir et d’abus sexuels ; des thèmes somme toute très actuels. En faisant évoluer sa vision, l’équipe du metteur en scène a parié et gagné en intensité et en profondeur.
E.-LETEXIER © J Berger – ORW-Liège
Mise en scène et un casting de choix
Nous devons donc la mise en scène ainsi que les diverses interventions créatrices à l’équipe de Laurent Pelly (Agathe Mélinand, Chantal Thomas, Michel Le Borgne et Jean-Jacques Delmotte), pour une très belle réussite. On se souvient de l’année passée avec “La Vie Parisienne”, cet hiver a vu une réalisation dont le rendu a été aussi brillant que l’année passée.
A.-DENNEFELD © J Berger – ORW-Liège
La jolie Périchole, chantée par l’excellente Antoinette Dennefeld, a trouvé un élan incroyable. Qu’elle soit en jeans ou en robe de soirée, elle nous a fait profiter d’un timbre de voix parfait, et d’un jeu de scène incroyable, très naturel.
Pierre Derhet est un Piquillo très convaincant, déchiré par son destin. Il porte une voix tout à fait magnifique et de belles envolées lyriques.
A.-DENNEFELD-P.-DERHET © J Berger – ORW-Liège
Lionel Lhote est une valeur sûre de la scène belge et européenne. Cette fois encore, il répond avec bonheur à toutes les exigences de son rôle, que ce soit au niveau vocal ou de son jeu de scène magistral. Il ne laisse personne indifférent, et même si son rôle n’est pas des plus sympathique, il lui donne une dimension humaine des plus touchantes. Sa voix aux accents variés, donne au rôle une dimension tout à fait particulière, qu’on aime trouver chez nos artistes.
M.-MELNIK-I.-THIRION-B.-AVILA-MARTINEZ © J Berger – ORW-Liège
Ivan Thirion et Rodolphe Briand ont donné aux rôles du comte Miguel de Panatellas et Don Pedro de Hinoyosa, un élan tout à fait remarquable. On a ri, on a beaucoup apprécié leur jeu et leur voix. Rodolphe Briand a confirmé son talent déjà présent dans le rôle du Brésilien lors de la saison 2022-2023. Quant à Julie Bailly, elle impose sa voix de mezzo-soprano avec un grand talent, et une belle profondeur, tout en nuance.
M.-KALININE-J.-MOSSAY-A.-FEIX © J Berger – ORW-Liège
Julie Mossay, Marie Kalinine et Aliènor Feix sont magnifiques, dans des rôles compliqués, denses, et elles doivent faire preuve d’une complicité totale si bien rendues. Le choix des voix est parfait. Quant à la direction musicale de Clelia Cafiero, elle est enlevée, avec un beau rythme et des appuyés fort bien rendus. Un vrai sans faute.
Un moment merveilleux pour terminer l’année !
Une histoire d’amour gothique également attendue pour cette fin d’année : Nosferatu !