Le 11 janvier dernier est paru aux Éditions l’Iconoclaste le 9è roman de Cécile Coulon, prodige auvergnate de la littérature. La langue des choses cachées, au titre joliment évocateur, était attendu avec une ferveur non dissimulée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le charme a une nouvelle fois opéré.

Les mots comme des sortilèges

Le prologue, saisissant, percute d’emblée par son universalité et souffle toute la force de cette langue qui ambitionne donc d’exprimer « les choses cachées ».

Dire l’indicible, montrer l’invisible vérité, parler de ce qui demeure latent, voire secret, c’est le propre de la littérature. Cécile Coulon en a fait la raison d’être de ses œuvres. Elle nous offre ici un roman d’apprentissage aux allures de conte noir et nous plonge dans les abysses de la cruauté humaine.

J’ai écrit cette histoire dans un état hypnotique, bouillonnant, fiévreux. Je voulais raconter ce que sont ces lieux, ces endroits sans lois inscrites, sans rien si ce n’est une église et un pont, flanqués de quelques maisons. Je voulais écrire que plus on cache un événement, plus il persiste à travers les générations suivantes. Je suis partie d’un lieu tenu par deux familles et un homme d’Église, j’ai voulu qu’en une seule nuit, dans ce hameau, tout soit défait, jusqu’aux entrailles, jusqu’au sang.

Cécile Coulon

Sur les pas d’un apprenti guérisseur

La langue des choses cachées, c’est donc l’histoire d’une transmission ancestrale, celle des dons de guérisseur d’une dame vieillissante, crainte mais reconnue, à celui qui sera nommé uniquement par la locution en italique « le fils ». Ce dernier se voit confié sa première mission, celle de se rendre au chevet d’un enfant malade, fort des enseignements magistraux de sa mère. Tout serait plus simple si ce n’était pas dans un endroit des plus reclus et terrifiants. 

Cécile Coulon © photo Laura Stevens

Il y a une unité de temps et de lieu, tout se passe en une seule nuit, durant laquelle, le fils, celui qui parle la langue des choses cachées, va devoir entendre les cris et la douleur, enfouis entre les murs et sous la terre de ce village déchu. Pour ensuite « rétablir l’équilibre du monde ».

Le village du Fond du Puits, théâtre de la noirceur des hommes

Le pouvoir poétique de la noirceur humaine est incarné par ce village fantôme dans lequel doit se rendre le fils. Aucun lieu ni personnage ne porte de nom, hormis le « Fond du Puits », qui illustre parfaitement le propos. Enclavé entre deux collines, il ne connait pas la lumière et abrite les pires secrets. Qui sait ce que l’on peut trouver dans le fond d’un puits tant qu’on ne l’a exploré ? C’est ce que va faire le jeune apprenti guérisseur, robotique mais poreux et capable de percevoir le bruit et la fureur dans le silence. On suit son parcours et une galerie de personnages inquiétants avec une impatience haletante, et l’impression de voir flotter sous nos yeux un tableau de Munch.

Cécile Coulon © Marielsa Neils / Hans Lucas pour le JDD

L’atmosphère est sombre et mâtinée de mysticisme, elle reflète l’énigme de la violence des hommes et la résilience, qui s’avère ici le plus souvent celle des femmes.

La langue des choses cachées nous est ainsi rendue accessible par l’écriture envoûtante et glaçante de Cécile Coulon. À l’instar du jeune sorcier, qui achève son apprentissage en une nuit, on en ressort bousculé mais grandi et privilégié, avec la sensation d’avoir vu l’invisible et ressenti l’insoutenable. Et de s’être frayé un chemin vers les profondeurs humaines.

Le neuvième roman de Cécile Coulon © Éditions l’Iconoclaste

« La langue des choses cachées » est parue aux Éditions l’Iconoclaste.


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