Mieux qu’un mémorial, le War Museum de Bastogne reste le symbole de la gratitude des belges envers ceux qui sont tombés lors de la bataille des Ardennes, mais les nouvelles expériences proposées par le musée sont également un vibrant appel à la paix.

Peu après la deuxième guerre mondiale, Franz Arend a ouvert en 1950, un petit musée qu’il avait appelé le « Bastogne Nuts Museum ».

Cette bataille connue outre Atlantique comme « The battle of the Bulge » est toujours présente dans la mémoire des Américains de nos jours. Dernier sursaut des allemands, ceux-ci veulent rejoindre Anvers en retraversant les Ardennes avec leurs blindés. D’abord avançant à toute vitesse, ils sont bloqués par une logistique défaillante et surtout par une poche de résistance inattendue à Bastogne. Le 22 décembre, un émissaire allemand a demandé au général Mc Auliffe de se rendre, sa réponse « Nuts » (des noix !) est restée célèbre.

Même si la victoire américaine est incontestable, des dizaines de milliers de jeunes hommes et de civils ont perdu la vie lors de cette dernière initiative insensée d’Hitler.

La guerre vient tout juste de se terminer quand d’éminentes personnalités politiques décident de rendre hommage aux combattants américains tombés sur le sol bastognard. Il ne leur faudra qu’une année pour créer cet édifice, véritable symbole de la résistance américaine sur le sol belge et des liens d’amitié entre les deux territoires.

Le Mémorial sera inauguré le 16 juillet 1950 devant 10.000 personnes, dont le général Anthony McAuliffe.

C’est l’architecte Georges Dedoyard  qui fut le maître d’œuvre de ce monument destiné à honorer la mémoire des 76890 soldats américains tués, blessés ou disparus pendant la bataille des Ardennes. Au cœur de ce mémorial, on peut lire la phrase latine « Populus Belgicus memor liberatoribus Americanis » (« Le peuple belge se souvient de ses libérateurs américains »).

©bastognewarmuseum

Le 16 juillet 1950, lors de l’inauguration, le président de la cérémonie ajouta : « Puisse cette inscription dans la pierre l’être également dans les mémoires ».

En 1965, Guy Franz Arend, quant à lui a obtenu de la ville de Bastogne, un terrain où il a pu ouvrir Bastogne Historical Center, inauguré en 1976. Le temps ayant apaisé les rancunes, Bastogne et son musée ont été visités par de nombreux combattants des deux armées, dont énormément de vétérans, qui ont toujours répondu présents lors des commémorations.

En 2014, la structure en étoile du Bastogne Historical Center a été prolongée d’un nouveau bâtiment et, le 22 mars 2014, a lieu la réouverture du musée portant désormais le nom de « Bastogne War Museum». Le musée qui était déjà une grande réussite muséologique, a encore enrichi son contenu depuis juillet 2022. Sa surface a été multipliée par deux, pour la seconde fois en 8 ans. Elle est maintenant de 2.500 m². Et ce centre est devenu une véritable référence en matière d’histoire de la seconde guerre mondiale.

Depuis 2014, les visiteurs sont accueillis par quatre personnages qui vont les accompagner durant tout le trajet le long des différentes salles. Le GI Bob, le soldat allemand Hans, Mademoiselle Mathilde, Institutrice et résistante, et Emile, le petit bastognard.

On commence la visite par la reconstitution d’une rue de Bastogne martyrisée, et on entre dans un cinéma des années 50, où l’on peut voir le film « Génération 45 ». Avec des images au plafond, sur la droite et la gauche, et bien sûr devant soi, on vit un vrai condensé de l’histoire contemporaine de l’après-guerre. Ce film d’une très grande qualité, submerge le spectateur d’émotions. D’autant que ces images sont reliées aux vies d’un GI ayant épousé une belge, et un soldat allemand, prisonnier, qui a fini par épouser une jeune femme de la région. Ces deux hommes se sont d’ailleurs beaucoup investis dans le devoir de mémoire, mais aussi dans une culture de la réconciliation.

Après ce film, nous voilà plongé dans une semi-obscurité symbolisant les années sombres qui suivirent la première guerre mondiale. Humiliation du traité de Versailles, crise économique, montée des nationalismes..

Un audio-guide accompagne le visiteur d’écran en écran, les commentaires sont ceux de Bob, Hans, Mathilde et Emile. Beaucoup de textes à lire, mais largement allégés justement par cet instrument !

Les différentes scénographies sont très réalistes et leur accès bien organisé. On peut ainsi assister à une conférence de presse suite au débarquement allié, et un résumé des différentes années de guerre avec un film en 3D, ensuite, on se retrouve pendant la bataille des Ardennes, dans un des fox-holes, où les Gis attendaient désespérément les renforts dont je vous parlerai un peu plus tard.

Toujours dans le musée, les visiteurs passeront une nuit dans un café pendant la bataille, un décor de cave avec des réfugiés, animation grandeur nature, une fois encore, avec les explications de l’audio-guide, les destins de nos 4 personnages.

La visite de ce musée est bouleversante. D’un vibrant hommage aux dizaines de milliers de soldats américains morts sur notre sol, le Bastogne War Museum a gardé sa mission de mémoire et de gratitude, mais a ajouté une dimension profondément éducative, en montrant que la guerre n’a rien de beau, ni d’honorable. Quel que soit l’uniforme porté, les souffrances ont été les mêmes pour les soldats, et les civils. Il y a eu des atrocités, des massacres de prisonniers de guerre, des otages civils.

Cette guerre, on le comprend grâce au film « Générations 45 », n’a vraiment pris fin que lors de la chute du mur de Berlin.

Après la visite du musée, un petit tour au monument du Mardasson, et vous pouvez même montrer au-dessus pour admirer le paysage.

Et sous le Mardasson, la crypte. Située sous le monument C’est un lieu de culte destinés aux soldats américains ayant combattu sur notre territoire durant la Bataille des Ardennes et qui étaient de confessions religieuses différentes : catholique – protestante – juive. Ce lieu est donc constitué de 3 autels dont les murs sont réalisés en mosaïques. Les mosaïques de Fernand Léger (artiste français) sont les seules œuvres mosaïques de l’artiste qui existent au monde. Elle a été créée à l’initiative des épouses et mamans des soldats tués.

Cette visite est un outil parfait pour faire prendre conscience que les sentiments bellicistes n’amèneront jamais que de la souffrance pour les peuples.

Et enfin, pour terminer, la visite du Bois Jacques.

Pendant la Bataille de Bastogne, le Bois Jacques fut, comme l’ensemble du périmètre, le théâtre de terribles combats entre les armées américaines et allemandes.

Rendu célèbre par la série télévisée Band of Brothers (HBO, Spielberg, 2001), le site est devenu au fil des années un véritable lieu de pèlerinage où l’on peut encore observer les vestiges des trous creusés par les combattants pour se protéger (les fox-holes ou trous de renard).

La ville de Bastogne a donc fait les démarches nécessaires pour classer ce bois, où les cicatrices de l’histoire sont encore si vibrantes.

La nouvelle expérience développée au Bois Jacques permet au visiteur de plonger dans la vie des parachutistes américains sur ce champ de bataille grâce à une application mobile de réalité augmentée.

Au travers d’un parcours de six vidéos immersives à 360° géolocalisées, le visiteur partage ainsi le quotidien des G.i. terrés dans les fox holes Chaque œuvre audiovisuelle retrace une scène de vie des soldats d’une des sections de la célèbre Easy Company dans le quotidien de la bataille, chaque spot étant rattaché à un jour et un événement bien particulier.

Les reconstitutions présentées à travers l’application mobile sont commentées par l’auteur et vidéaste web français « Nota Béné », dont la chaîne YouTube compte plus de 2 millions d’abonnés !

Il est difficile de conclure cet article. Je pense que seule une visite d’une journée vous permettra de profiter de cette réussite totale tant au point de vue touristique qu’au point de vue du devoir de mémoire.