Madame est servie… et le général aussi !
Il est au cœur du vieux Lille, au numéro 9 de la rue Princesse, une belle maison bourgeoise qui n’a guère changé depuis qu’y vivait la famille Maillot au XIXe siècle. Mais pourquoi s’intéresser à cette maison me direz vous plutôt qu’à une autre car les belles demeures bourgeoises ne manquent pas dans le quartier ? Tout simplement parce que c’est derrière cette façade qu’a vu le jour, le 22 novembre 1890 un certain général qui veilla pendant un temps sur le destin de notre pays. Je vous invite à remonter le temps pour visiter la maison natale du général de Gaulle et découvrir l’exposition temporaire sur les arts de la table au XIXème siècle qu’elle abrite jusqu’au 18 septembre.
Un illustre lillois
Oui, c’est vrai nulle part mieux qu’à Lille, je ne me sens en correspondance, en union avec ceux qui y vivent, avec ces pierres, ces rues, ces monuments. Chaque fois que j’y revenais, je me sentais redevenir lillois.
C. de Gaulle, 1958
Le petit Charles De Gaulle vient au monde chez ses grands-parents maternels le 22 novembre 1890 et il y passera toutes ses vacances jusqu’en 1912. Le reste de l’année, il vit avec ses parents à Paris mais Jeanne, sa mère a souhaité accoucher dans la maison familiale. Il a été baptisé à quelques pas de là, dans l’église Saint-André et a été scolarisé l’année de ses six ans à l’école Notre-Dame de la Sagesse puis dix ans plus tard, au château d’Antoing en Belgique mis à disposition des Jésuites de l’Institut du Sacré-Coeur de Lille d’où il rentrait régulièrement chez sa grand-mère. Charles de Gaulle entretenait donc un rapport particulier avec la ville de Lille.
On trouve au hasard des pièces des objets lui ayant appartenu ou témoignant de son quotidien dans la capitale des Flandres comme sa robe de baptême ou son berceau. On y trouve aussi son sabre de Saint-Cyrien, symbole d’une vocation militaire précoce. Et surtout, on déambule dans le décor de son enfance, merveilleusement restauré.
Une maison bourgeoise type
Avec l’âge, c’est toujours l’enfance qui prédomine, et si je pouvais être moi-même, ce serait probablement rue Princesse où je suis né.
C. de Gaulle
La maison de Jules-Emile et Julia Maillot a bénéficié d’un important chantier de réhabilitation . Le pari était de rendre à la maison l’apparence qu’elle avait au XIXème siècle et il a été magistralement tenu ! Les pièces ont été mises à nu pour délivrer leurs secrets : papiers peints et peintures anciennes, débris de faïences d’époque… Décorations, enduits, carrelages et papiers ont permis une reconstitution très fidèle suivant les procédés de l’époque. Ce sont des artisans spécialisés qui ont réalisé les pochoirs ou les ferronneries par exemple.
Les décors ont été mis en place grâce aux photographies des albums de la famille et notamment grâce aux souvenirs de Colette Bosquillon de Jenlis, petite cousine du général qui a elle-même vécu dans les lieux; les meubles et les bibelot ont ainsi retrouvé leur place dans les pièces à vivre, la cuisine, le jardin d’hiver ou les chambres. Mobilier et objets sont issus pour la plupart de collections historiques dans lesquelles on a retrouvé à force de recherches et d’expertises des pièces similaires à celles de la famille. De salle en salle, à force de détails, la maison reprend vie et il nous semble apercevoir l’un ou l’autre des habitants dans ses activités quotidiennes. On croit entendre les cris du petit Charles et de ses cousins en train de jouer dans la cour où trône aujourd’hui un buste en bronze du général réalisé par le sculpteur André Journet pour l’inauguration de la maison en 1983.
Le général est servi !
Tout compte s’il s’agit du prestige de l’état. Je tiens pour important qu’à cet égard, les choses se passent avec ampleur et mesure, bonne grâce et dignité. C’est bien aussi ce que veut la maîtresse de maison, ma femme. Nos réceptions sont fréquentes et nous tâchons qu’elles soient de bon ton.
C. de Gaulle
Jules Emile Maillot dirige une manufacture de tulle et de guipure, à ce titre, il fait partie de la moyenne bourgeoisie et organise avec son épouse des dîners qui répondent aux règles en usage dans la bonne société. L’exposition temporaire que je vous invite à découvrir sans tarder présente un grand nombre de documents qui permettent de mieux comprendre l’étiquette en vigueur. Vous saurez tout sur le service à la française peu à peu détrôné par le service à la russe qui impose la mode des menus, un nouvel ordre des plats et une nouvelle façon de dresser le couvert. Très didactique, l’exposition propose des activités aux enfants autour des arts de la table et vous serez sans doute surpris par la diversité des couverts et autres accessoires disposés sur les nappes blanches. J’ai pour ma part découvert un service à mignardises ou bonbons adorable, une sonnette de table d’une grande élégance et un porte ananas tout à fait étonnant. Les amateurs de belle vaisselle seront comblés et les gastronomes pourront peut-être s’inspirer des menus alléchants déclinant une dizaine de plats !
La famille Maillol employait une femme de chambre, une cuisinière et une institutrice à domicile. À la mort de Julia, sa fille propose à Honorine, la bonne de la maison de rentrer à son service à Paris. Les domestiques faisaient un peu partie de la famille et il n’était pas rare de voir une employée finir ses jours chez ses patrons alors qu’elle n’était plus guère efficace au service. La cuisine de la maison a été restaurée au plus près de ce qu’elle était au XIXème. Elle était le domaine des domestiques mais jouxte la salle à manger de façon à ce que les plats arrivent chauds et que la maîtresse de maison puisse garder un œil sur la cuisinière.
Charles de Gaulle est un fruit de cette éducation bourgeoise classique. À l’Elysée, il aura l’occasion de recevoir des centaines de personnalités. Repas et réceptions sont des outils de diplomatie. Il n’en reste pas moins que le général appréciait sa vie toute simple à Colombey-les-Deux-Eglises où il n’était plus question de protocole lors des déjeuners et pique-niques familiaux. Il appréciait les grands classiques de la cuisine française concoctés par son épouse, le bon vin et le champagne Drappier.
Après avoir rendu visite à notre éminent lillois, n’hésitez pas à faire un détour par la maison Méert où le petit Charles raffolait des gaufres dont la réputation n’est plus à faire.
Informations pratiques
Exposition Madame est servie…et le Général aussi. Jusqu’au 18 septembre 2023 à la Maison natale Charles de Gaulle.
Ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 10h00 à 18h00.
Réservation fortement conseillée.
Le tarif plein de 6 euros donne accès à la visite de la Maison natale avec audioguide compris et à l’exposition temporaire.