« Monsieur Klein », Alain Delon magistral
« Monsieur Klein » est un film qui se passe pendant la dernière guerre à Paris, avec un personnage ambigu interprété à la perfection par un Alain Delon au sommet de son art. A revoir de toute urgence.
Dans le Paris de l’Occupation, Robert Klein mène la grande vie d’un marchand d’art peu scrupuleux, un salaud qui achète pas cher des tableaux de maître aux Juifs qui ont besoin d’argent. Il entretient sa maîtresse dans son bel appartement de la Rue du Bac, les rafles de Juifs autour de lui le laissent de glace. Pourquoi s’inquièterait-il ? Il n’est pas Juif, lui. Bien que son nom puisse prêter à confusion. Ce genre de noms à consonance germanique, beaucoup d’Alsaciens et de Lorrains en portent. De là à les soupçonner d’être juifs il n’y a qu’un pas, ce qui est très grave au moment où les Juifs sont arrêtés par les autorités françaises et remis au nazis en vue de leur déportation. C’est l’époque où beaucoup de personnes qui veulent se prémunir du sort atroce réservé aux Juifs demandent un « Certificat de non-appartenance à la race juive ».
Un authentique « Certificat de non-appartenance à la race juive » © DR
Robert Klein va rendre visite à son père à Strasbourg pour se procurer les papiers qui prouvent qu’il n’est pas juif. Son père va évoquer une branche de la famille hollandaise sur laquelle il préfère garder le silence, mais qu’il suppose avoir peut-être des origines juives. Son fils Robert va commencer à s’inquiéter et il va enquêter pour s’assurer qu’il n’y a rien à craindre de ce côté. En parallèle, il cherche à comprendre qui lui en veut pour le faire passer pour Juif dans le Paris collaborationniste. Son enquête va le mener de plus en plus loin, alors que la police française de Vichy commence à le soupçonner d’être juif. A la différence de la plupart des films français de l’époque, les Allemands qui occupent la France ne sont que des éléments du décor. Les vrais acteurs de la répression sont les policiers français. Ils sont partout dans le film.
Alain Delon au sommet de son art © Lira Films / Adel Productions
Un film sur l’identité
Imaginez-vous le trouble d’avoir un homonyme qui se fait passer pour vous, qui envoit son courrier à votre adresse, qui vous ressemble aussi physiquement. Trouble accentué par le danger d’être arrêté, car l’autre Klein est juif. Le personnage d’Alain Delon va sombrer dans une paranoïa de plus en plus aigüe, allant toujours plus loin dans son enquête pour connaître l’autre Klein, pour essayer de le rencontrer et lui demander pourquoi il a monté cette cabale. Il prendra de plus en plus de risques. Alors que la possibilité d’échapper au sort funeste que lui réservent les nazis et les collaborateurs français lui est offerte, Alain Delon va se jeter à nouveau dans la gueule du loup, avec le désir fou de rencontrer ce mystérieux autre Monsieur Klein qui lui échappe à chaque fois. C’est un film intense et à l’atmosphère pesante, une forme de thriller psychologique, hitchcockien. La vie de Klein bascule dans un cauchemar, comme dans La Métamorphose de Kafka. Il y a plusieurs scènes où Klein se regarde dans un miroir, s’interrogeant sur qui il est, et ce qui lui arrive.
Alain Delon interprète un homme qui cherche à prouver sa véritable identité © Lira Films / Adel Productions
Alain Delon voulait faire ce film à tout prix
Le scénario à l’origine a été commandé par le grand réalisateur Costa Gavras et Franco Solinas qui voulaient tourner avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Monsieur Klein. Le pitch se base sur une histoire vraie : un commerçant clermontois du nom de Marius Klein avait écrit, au cours de la guerre, une annonce dans un journal local pour faire savoir que son nom n’est pas juif et qu’il est de confession catholique. Mais Belmondo se blesse, et Alain Delon est emballé par cette histoire qu’il veut tourner à tout prix. Il produit lui-même le film, preuve de son implication. Costa Gavras se retire du projet et Delon demande au réalisateur Joseph Losey de prendre sa place, avec lequel il avait déjà tourné L’Assassinat de Trotzky en 1972. Le film sera un grand succès. Parmi de nombreux acteurs connus on retrouve au casting Jeanne Moreau, Michael Lonsdale et Gérard Jugnot, pareils à eux-mêmes.
Monsieur Klein et les temps terribles de l’occupation nazie © Lira Films / Adel Productions
Anecdote de tournage
Lors du tournage en 1976, mon grand-père Serge Tolstoï (1904-1999) a participé à ce film en tant que figurant. Entre deux prises aux studios de Boulogne, lui et ses camarades en ont profité pour vite aller au restaurant en face des studios pour manger quelque chose de mieux que les habituels sandwichs de plateau. N’ayant pas le temps de se changer, ils sont sortis dans la rue habillés en officiers nazis. Une dame âgée qui passait sur le trottoir à ce moment s’est écriée en les voyant : « Ah, non ! Ca ne va pas recommencer ! »
Vous pouvez revoir Monsieur Klein par exemple ce vendredi 23 août 2024 à 21h00 sur France 5.
Bande-annonce en FR sous-titrée ANGL :