One, two, three, four -Cars and Rock and Roll à Autoworld
Musique et rock and roll : un long mariage d’amour ! L’expo Cars and Rock and Roll à Autoworld, au Cinquantenaire, en fait foi de pétaradante façon…Cela jusqu’au 26 juin 2022. Un plaisir de choix pour les yeux et les oreilles !
Une superbe exposition, sous le haut et pertinent patronage de Classic 21 notamment, se tient en ce moment au musée dynamique Autoworld. Une présentation à des auditeurs chanceux s’est déroulée le samedi 2 avril avec l’émission hebdomadaire Classic 21 Sports Moteur de Dominique Dricot.
Cela en présence de l’auteur Pieter Rijckaert dont le magnifique travail, accompli durant cinq années, sert de tremplin à cette splendide exposition. Elle est conçue suite à la parution (deux versions : en anglais et en néerlandais) du livre Garage Rock de Rijckaert.
Pour les rares qui ne connaîtraient pas, cet établissement Autoworld est situé au sein du plus magnifique écrin qui soit, à deux pas de très belles arcades : le parc du Cinquantenaire.
L’exposition est présentée sur deux étages.
Deux histoires liées
Le grand mouvement du rock and roll est intimement lié à la fascination pour les voitures. En commençant d’abord par « les belles américaines ».
La première : une Oldsmobile Rocket 88, emblématique d’un titre souvent considéré comme le point de départ de cette musique. Même s’il est illusoire de désigner un morceau unique comme point de départ, mais c’est un autre sujet.
Rocket 88, produit par Ike Turner avec le chanteur Jackie Brenston en 1951 et déjà repris la même année (soit trois ans avant les débuts d’Elvis) par la vraie première future superstar du rock, Bill Haley.
Ce titre est donc symbolique de la grande hybridation noire et blanche, qui caractérise cette musique.
Et outre la reprise immédiate par Haley and the Saddlemen -pas encore de Comets avec lui –Rocket 88 a été enregistré par Brenston et Turner dans le studio que Sam Phillips, Blanc fou de culture noire, tenait à Memphis !
Vendu à Chess Records qui en fit à succès…
Ce qui décida Sam Phillips à produire et à vendre et distribuer lui-même ! Donc un morceau vraiment essentiel à plusieurs titres…
En fait Rocket 88 peut faire penser à un instrument prédominant dans des foultitudes de titres : le piano et ses quatre-vingt-huit touches !
La voiture exposée, une Oldsmobile Rocket 88 de couleur vert-de-gris, appartient au fameux Ever Meulen, qui n’est autre que le très grand dessinateur belge Eddy Vermeulen.
Toutes les années cinquante semblent synthétisées dans cette noble antiquité nantie d’une résonance symbolique incroyable, à couper au couteau…
Vermeulen est connu pour ses innombrables collaborations- dont de nombreuses et mémorables couvertures-avec Humo, pour son travail d’affichiste -notamment pour le festival Nancy Jazz Pulsations, sa collaboration avec la firme de disques WEA etc.
Et même des journaux étrangers dont Libération et bien d’autres.
Pour la bonne bouche, les dessins de voitures de Vermeulen ont déjà fait l’objet de deux expositions bruxelloises dont une à Autoworld en 2018.
Un parcours imaginaire
L’exposition est conçue sous forme d’un parcours imaginaire qui comporte environ une vingtaine de véhicules qui font rêver.
Ceux-ci appartiennent à la collection permanente du musée et ont été évidemment sélectionnés pour leur rapport spécifique avec l’histoire du rock.
À chacun, correspond un panneau explicatif et un QR code permet d’écouter la musique associée à la voiture exposée.
On a inclus en outre sur plusieurs podiums une douzaine de voitures emblématiques du Rock and Roll. Comme l’Oldsmobile Rocket 88 dont question plus haut.
Pour l’auteur de ces lignes, une des pièces les plus impressionnantes, que l’on ne risque pas de voir circuler dans nos rues !
Une Cadillac appartenant au musée, devenue rose pour l’expo, en hommage à Elvis ! Dont ce fut une voiture emblématique.
Divers titres différents -quatre au moins – sont intitulés Pink Cadillac, du rockabilly de Sammy Masters de 1956 au fameux titre homonyme de Springsteen de 1984, repris par des Jerry Lee Lewis et Natalie Cole…
Une autre voiture que conduisit le King : une BMW 507 blanche, durant son service militaire.
L’histoire est cocasse : de retour aux States en 1960, sa voiture fut repeinte en rouge.
Motif : la blancheur originelle était régulièrement souillée par le rouge à lèvre des admiratrices transies qui croyaient utile d’écrire leur numéro de téléphone sur le véhicule de la star ! Cette voiture pourtant prestigieuse fit un bide.
Et sur un podium, une De Tomaso Pantera rouge et noir rappelle le sort peu enviable d’un exemplaire de cette voiture sur laquelle le King, parfois très impulsif, tira un jour !
Une voiture américaine liée au rock est la Corvette, qui ne manque pas au choix offert à Autoworld.
On pense au titre My Little Red Corvette de Prince, 1983…
Et une Corvette Stingray rouge fut la dernière en possession du légendaire Roy Orbison, le chanteur hors pair qui, outre son succès, suscitait l’admiration de ses pairs les plus prestigieux, jusqu’à Elvis soi-même.
La Mercedes Benz visible à l’expo est avant tout, voire exclusivement, associée au monde du rock à cause du tout dernier titre enregistré, le 1er octobre 1970, par Janis Joplin pour son ultime album (posthume) Pearl, sur Columbia.
La Ford Mustang ne pouvait manquer à l’appel ! Célébrée avec tant de succès par Wilson Pickett (Mustang Sally, 1966, créé en 1965 par Sir Mack Rice) ou Gainsbourg (Ford Mustang, 1967)…
Une catégorie de Ford Mustang particulièrement performante, sur le plan de la vitesse selon les spécialistes de voitures (dont je ne suis pas, on l’aura compris !), la Shelby GT 500 est l’objet d’un de ces mystères qui jalonnent l’histoire du rock…
En 1967, le patron d’Elektra Records, enchanté du succès de son groupe the Doors, offrit un cadeau de leur choix aux musiciens.
Et Morrison opta pour une GT500, après avoir vu celle de son coiffeur Jay Sebring.
Le mystère : au printemps 1971, peu avant de s’embarquer pour un voyage final à Paris, le chanteur génial et perturbé perdit carrément sa «Blue Lady», comme il la surnommait, à Los Angeles !
Au moins deux versions existent quant à cette disparition mais la place manque pour les détailler ici.
Après la mort du chanteur à Paris dans des circonstances elles aussi mystérieuses -deux versions quant à ce décès étant en conflit frontal depuis toujours, les amateurs le savent très bien -on a retrouvé sa carte grise.
Pas la voiture…mince consolation mais (un peu) mieux que rien ! Cette carte grise retrouvée à Paris introduit très aimablement le paragraphe qui suit… !
La France aussi !
Cette exposition est surtout consacrée aux voitures américaines et anglo-saxonnes, mais la France n’est pas oubliée. Avec des croisements…
Une Lamborghini Miura, sur un podium, est une allusion à Van Halen et Rod Stewart, qui en ont possédé.
Mais également à un fou français de voitures, Johnny Hallyday…
Sa Lamborghini Miura blanche termina sa course folle dans la nuit du 27 au 28 août 1967, près de Tarbes où l’idole se rendait en compagnie du fameux photographe Jean-Marie Périer !
Les deux hommes se tirèrent par miracle sans trop de dommages d’un accident qui eût pu être mortel.
On a la baraka ou pas !
On pourrait créer une exposition autour de tous les véhicules qui furent conduits par la star française. D’ailleurs, un livre de Jean Basselin existe sur le sujet.
Un épisode de la série Netflix consacrée à Johnny contient une interview où il révèle que le plus beau moment de sa vie advint lorsqu’il put caresser sa toute première voiture, une Triumph, en 1961… !
Et il y eut la participation ultramédiatisée de l’idole au fameux Rallye Monte-Carlo à partir du 14 janvier 1967, avec le pilote Henri Chemin…
Hélas après incident -deux pneus arrière éclatés, et après les changements de pneus…disqualification le 18 janvier pour emploi de pneus non réglementaires-l’aventure s’est vite terminée mais beau souvenir pour Hallyday, qui néanmoins abandonne cette voiture.
La Citroën SM, autre voiture exposée, a été un choix de deux Stones : Bill Wyman et le regretté Charlie Watts, et de Carlos Santana.
On rappelle que Watts n’a en fait jamais conduit, faute de permis. Mais il a accumulé des voitures et il aimait de faire vrombir leur moteur dans son garage !
La passion des voitures peut comporter maintes facettes…
La Citroën SM ne rencontra pas de succès commercial.
Mais les exemplaires existant encore de cette voiture prestigieuse à la courte vie (1970-1975) sont avidement recherchés par des collectionneurs.
Ringo Starr, lui, conduisait bel et bien une Facel Vega, sa première voiture. Qui commercialement n’a pas marché non plus. Il s’en trouve une en Belgique, ayant appartenu à l’illustre musicien. Mais le collectionneur -dont on n’a pas dévoilé l’identité – qui la possède a refusé de la prêter. L’exemplaire visible à Autoworld fait parfaitement l’affaire.
Hot Rod
Il ne faut pas oublier ce véhicule hybride et trafiqué, le Hot Rod !
Dont on peut admirer un bel exemplaire à l’expo.
Une composante intégrale de la vie des teenagers américains dès les années cinquante. Une sorte d’hymne parut dès 1950, prédatant donc d’un an le Rocket 88 de Brenston et Turner…
Hot Rod Race d’un certain Arkie Shibley. Et un autre en 1955 : Hot Rod Lincoln, maintes fois repris, par Charlie Ryan. Des noms bien peu familiers à la grande majorité de vous qui me lisez. Mais tout le monde ou presque connaît Misirlou (Miserlou à l’origine) par Dick Dale and his Del-Tones…
Si pas depuis la première réussite de ce titre, en 1963, du moins pour sa renaissance magnifique grâce à Tarantino, en 1994 dans Pulp Fiction !
Dale fut un des plus grands artistes à célébrer la culture du hot rod et des courses de voitures. Son album de 1964 Mr.Eliminator, sur Capitol, est un classique du genre, avec la pochette le montrant, casque sur la tête, au volant d’un tel engin !
Et outre le titre Mr.Eliminator -qui est également celui de ce 33 tours (une expression qui reviendra peut-être à la mode avec le grand retour du vinyle !), on y trouve d’autres morceaux sur ce thème, tel Hot Rod Alley et d’autres.
En 1983, ZZ Top fit paraître un album mémorable simplement intitulé Eliminator, chez Warner Bros Records…
Ce véhicule en pochette (sans conducteur apparent) appartient au chanteur-guitariste Billy Gibbons et a servi au groupe pour des clips, émissions etc.
Une continuation plus moderne de cette «Kustom Kulture», la passion totale pour la réfection de voitures vintage et la joie d’y rouler, sans commune mesure avec la banale conduite d’un véhicule standard !
Et l’amour de ce qui est rattaché, comme bien évidemment le Rock and Roll.
Cette Kustom Kulture est née -pas encore cette dénomination ultérieure -dans les années cinquante, et après l’un ou l’autre passage à vide fait toujours florès aujourd’hui.
Si la voiture, ainsi que les hot rods et les motos- ces dernières ne figurant pas au programme de One, Two, Three, Four -Cars and Rock and Roll -restent indissolublement liées aux explosives et fondatrices années cinquante et soixante, la grande histoire d’amour entre cette musique et nos véhicules se prolonge bien au-delà de ce Golden Age.
Je propose de laisser une première conclusion à…Queen, pour illustrer ce côté permanent, inoxydable de cette double passion !
Queen est aujourd’hui placé à la même hauteur que les Beatles -carrément -sur le plan de la popularité et du succès commercial, longtemps après leur dissolution.
Pour eux comme pour les Fab Four. Je n’émets aucun jugement personnel à ce sujet : j’énonce un simple fait.
Alors si en 1965 les Beatles chantaient Drive My Car…en 1975, Queen faisait paraître un 45 tours au succès absolument monstrueux.
Dans un style que l’on peut difficilement considérer comme du rock and roll…bien qu’il y soit rattaché par les médias : Bohemian Rhapsody.
Quelle est la face B, connue elle des seuls fans (ce qui représente une foule de monde, certes) ?
Écrite et composée par le vocaliste -derrière Freddie Mercury évidemment ! -et batteur Roger Taylor, elle s’intitule : I’m In Love With My Car.
Eh bien, je ne vais pas me ni vous priver de cette royale première conclusion, sans faire offense à quiconque préfère un régime républicain… !
Une seconde et dernière, peut-être plus pertinente encore… LE film qui symbolise parfaitement la symbiose entre la voiture et le Rock and Roll -celui des années cinquante en l’occurrence -est évidemment Christine de John Carpenter (1983), d’après le roman éponyme de Stephen King !
Un fondu et givré -oui, un petit oxymore pour désigner la même réalité !- de Rock and Roll. Un film à voir ou revoir absolument ! En attendant une nouvelle version annoncée l’an passé.
One, two, three, four – Cars and Rock&Roll – Jusqu’au 26 juin à Autoworld
Ne passez pas à côté d’une telle accumulation de merveilles, dont vous n’avez lu ici qu’un très sommaire résumé, destiné à vous donner envie…
Faites vrombir le puissant moteur de la passion, et rendez-vous à toute allure à cet Autoworld rempli de féérie motorisée et sonore, pour le plus grand plaisir des yeux et des oreilles.