Quand l’art rencontre l’histoire industrielle
« Métal brûlant », la nouvelle expérience à 4 mains du plasticien Marc Colonna d’Istria et de sa compagne, la poétesse Lora K. s’est installée dans les murs et les vestiges puissants du « Musée de la métallurgie ardennaise » à Bogny s/Meuse (France). Une synergie parfaite pour un morceau d’histoire.
Tant et tant d’heures
Lora K.
De labeur
Des jours des mois des années
A refaire les mêmes gestes
Dans le monde fermé de l’usine
C’est un grand vide
Quand tout s’arrête
Aux bras la mémoire des gestes
Aux oreilles les bruits des machines
On ne quitte jamais vraiment
L’usine
Après une longue période d’inactivité due au covid, le musée de la métallurgie ardennaise retrouve vie, avec l’accueil d’une exposition en duo des artistes Marc Colonna d’Istria et Lora K. L’un est plasticien, l’une est poétesse. Ancrés dans l’histoire ardennaise et son industrie du métal venant du fond des âges, les œuvres de ces artistes subliment un musée, qui semble modeste par sa simplicité extérieure, mais passionnant à visiter pourtant. Avant de passer les portes, on peut observer dans les jardins, d’anciens engins sidérurgiques imposant de force.
La poétesse Lora K. a vécu une enfance bercée dans la boulonnerie de son grand-père, odeur de terre battue mêlée aux relents métalliques d’une fabrique de ces bouts de métal si soigneusement travaillés. Elle vit maintenant devenue adulte, dans ces bâtiments, où son compagnon a installé son atelier, dans la vallée de la Semois. Il y a trouvé une ambiance, une certaine musique et des papiers, beaucoup de papiers, des plans, des comptes, des factures, qu’il recycle en œuvres d’art à plusieurs niveaux de lecture. Quant à Lora, ce passé issu du sous-sol ardennais, et du lourd travail de son aïeul, l’a magnifiquement inspirée.
Cette exposition est bien sûr sublimée par les lieux qui l’abritent puisqu’il s’agit, comme je l’ai indiqué, d’un musée de la métallurgie ardennaise. Installé à Bogny s/Meuse, ce bâtiment tout en longueur est confié aux bons soins de l’historien René Colinet.
Tout d’abord, installée dans l’usine désaffectée de la Société Ardennaise d’Essieux, une riche collection d’outils, de photos et d’objets manufacturés racontent la longue histoire de la métallurgie ardennaise.
À l’été 1989 ATIMA (association Traditions et Innovations Métallurgiques Ardennaises) accepte de transférer son riche matériel muséographique de Nouzon à Bogny-sur-Meuse dans une travée de la Manufacture Ardennaise désaffectée.
En effet, d’anciens métallurgistes (Marcel Yernaux, Lino Brunetta, Paulin Caniard, George Deflandre, Claude Degrolard, Robert Murguet, Jean Pierrard, Marcel Thomas) y ont rassemblé des machines et des objets afin d’évoquer d’une manière très vivante l’épopée de la clouterie et de la boulonnerie entre Meuse, Goutelle et Semoy.
Ainsi commence une fructueuse collaboration avec les « bricoleux de génie ».
Sous l’action du Président de la Communauté de Communes Meuse et Semoy, Erik PILARDEAU, le musée de la métallurgie ardennaise prend un nouveau départ au début des années 2000. Un comité de pilotage est constitué et comprend des métallurgistes (Paulin Caniard, Jean Pierrard, Jean-Michel Lesire) et un historien (René Colinet).
Agrandi, magnifiquement transformé, doté d’une muséographie renouvelée qui fait appel aux images et aux sons, le MMA ouvre ses portes en mai 2009.
La métallurgie est une longue tradition ardennaise. Les Celtes exploitaient déjà les gisements ferreux de la région. Son exploitation a duré au long des siècles, avec une forte augmentation à partir du 17ème siècle. À l’époque, l’Ardenne et la Gaume n’offraient pas les paysages bucoliques que nous connaissons maintenant. Entre les exploitations des minerais, les charbonniers fabriquaient le charbon de bois qui a joué un rôle économique considérable jusqu’à la moitié du siècle dernier, et de nombreuses forges longeaient la Meuse et ses affluents.
Il existait trois grandes régions cloutières en Wallonie : la région de Charleroi, celle de Liège et la vallée de la Semois/Semoy. Les forges étaient très présentes et les paysans de la Gaume et de l’Ardenne trouvaient dans la clouterie un revenu d’appoint extrêmement bienvenu lors des saisons froides.
L’industrialisation forcenée de la fin du 19ème siècle a provoqué la disparition de ces petits métiers, mais l’Ardenne française a su retrouver une niche de développement avec la fabrication de pièces métalliques perfectionnées, notamment pour le chemin de fer. Ce patrimoine vous est raconté de façon nettement plus complète et attrayante au musée de la métallurgie où une muséographie de grande qualité vous fera plonger dans le passé de la région.
Un film vous présentera des travailleurs qui vous raconteront leurs souvenirs, mais aussi leur vie quotidienne actuelle, passionné par un métier qui se réinvente jour après jour en conservant pourtant des racines bien ancrées dans le sol ardennais.
Alors n’hésitez pas à vous déplacer, que ce soit pour l’exposition de Marc Colonna d’Istria et Lora K., pour le musée de la métallurgie ardennaise ou pour les deux. Chacun y trouvera son plaisir, et y découvrira de nombreuses sources d’inspiration ou de réflexion.