Fantine Harduin est la jeune comédienne belge qui monte. Originaire de Mouscron , elle tourne de plus en plus en France. A l’occasion de la sortie du film Retro Therapy elle a donné une interview à Culturius.

Yvonne, septuagénaire au caractère bien trempé, est diagnostiquée de la maladie d’Alzheimer. Sa fille étant décédée en couches, c’est son beau-fils et sa petite-fille Manon qui vont s’occuper d’elle pendant un moment, le temps de trouver une solution. Manon, adolescente introvertie, va découvrir le passé de sa grand-mère et de sa mère grâce aux affaires laissées par cette dernière dans sa maison devenue un véritable capharnaüm.

© Fantine Harduin

Enfilant les vêtements de sa défunte mère, Manon réactive -par erreur- les souvenirs de cette dernière aux yeux d’Yvonne. Grâce à son passée de militante féministe, Yvonne va aider Manon à entrer pleinement dans l’adolescence, à se rebeller face à son père et à accepter la femme qu’elle va devenir, et découvrir sa sexualité.

L’approche «cliché» du film risque de faire lever les yeux au ciel par les conservateurs et réactionnaires de tous bords. Le personnage d’Yvonne, interprété avec beaucoup de justesse et d’émotions par Hélène Vincent ( Enfermé Dehors, Le Sens de la Fête, Samba, Hors Norme, L’Origine du Monde), qui est dans la droite ligne des combats de feu Gisèle Halimi ou Ruth Bader Ginsburg, semble être une sorte d’extraterrestre pour sa petite-fille Manon, qui n’aspire qu’a passer inaperçue, bien qu’elle ne rechigne pas à flirter avec les garçons. Le message du film pointe du doigt le passage de flambeau d’un combat très ancien qui a pour devise : Ce n’est pas parce que nos grand-mères se sont battues pour que nous ayons des droits, que nous ne nous batterons pas pour que nos filles en aient d’avantage.

Retro Therapy, 2024 © Daisy Day Films

Malgré cette approche attendue vue le sujet porté par la réalisatrice Elodie Lélu, le film ne manque pas d’émotions, nous questionnant sur nos rapports avec nos grands-parents, notre adolescence, nos premières relations sexuelles, et surtout notre rapport à la maladie et à la vieillesse qui ne manquera pas d’en émouvoir plus d’un, vu les ravages causés par l’Alzheimer dans notre société.

Quant au père de Manon, joué avec toute la bonhomie d’un Olivier Gourmet, toujours attachant, il nous dévoile un personnage plus faillible que l’on ne voudrait le croire. Cerise sur le gâteau, l’acteur flamand Tom Audenaert montre bel et bien que les productions belges sont de plus en plus mixtes linguistiquement, entre néerlandophones et francophones. Enfin Émilie Dequenne et Pauline Etienne complètent parfaitement ce film majoritairement belge.

© Fantine Harduin

Dernier point, le long-métrage ne manque pas d’humour, parfois attendu. Le mariage entre émotions et blagues en a clairement fait rire plus d’un dans la salle. Bref, un film très agréable qui réussira sans aucun doute à vous décrocher un sourire à la sortie de la salle.

Bonjour Fantine, vous avez déjà une longue carrière derrière vous, j’ai ouï dire que vous aviez commencé avec votre père ?

Oui, c’est exact, mon papa faisait partie d’une troupe d’artistes à Mouscron (ma ville d’origine), je montais souvent sur scène avec lui et je trouvais cela très chouette.

Comment avez-vous entamé votre carrière d’actrice ?

Beaucoup de personnes dans mon entourage et des membres du public mouscronnois nous ont dit que nous avions une très bonne alchimie et que nous devrions montrer notre spectacle à une plus large audience. Nous faisions un numéro de mentalisme à l’époque et nous l’avons présenté à Belgian’s Got Talent. Et c’est là que tout s’est enchaîné…

© Fantine Harduin

Y a-t-il eu une sorte de déclic ?

Pas vraiment, une fois la représentation terminée, le public et les proches ont de nouveau dit qu’il y avait quelque chose, que j’avais un « truc ». J’ai donc passé un casting et j’ai été choisie pour jouer dans le court-métrage Taram Tarambola, c’était une très chouette expérience.

C’était pourtant un rôle difficile, l’histoire est assez sombre ?

Oui, cela parle de deux sœurs qui doivent accepter le divorce de leurs parents et se soutenir l’une l’autre. Mais pour moi, c’était surtout une expérience très enrichissante.

Après cela, vous avez joué dans Le Voyage de Fanny, qui est aussi une histoire très sombre ?

J’avais tellement aimé Taram Tarambola que j’ai voulu continuer avec Le Voyage de Fanny. Cela se passe en France pendant la Seconde Guerre Mondiale, mais pour moi le tournage était comme une grande colonie de vacances qui a duré trois semaines dans une région magnifique. Et le tout était rémunéré, que peut-on rêver de mieux ?

Avec Vincent Lindon au Festival de Cannes 2017 © Fantine Harduin

C’est à ce moment-là que vous avez croisé la route de Michael Haneke ?

C’était partiellement accidentel (rires), Haneke avait écrit le rôle d’un personnage âgé d’une quinzaine d’années, mais j’ai quand même passé le casting alors que j’avais environ 10 ans. Mais Haneke a changé l’histoire, il trouvait que cela dramatiserait encore plus la situation si mon personnage était plus jeune, j’ai donc été choisie.

Saviez-vous déjà à l’époque que vous étiez entourée de personnes très célèbres et très talentueuses ?

Pas vraiment, mon père était tout excité de me voir face à Mathieu Kassovitz, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert et Toby Jones. Moi, c’est en travaillant avec eux que je me suis rendue compte de leur talent, cela vous pousse à améliorer votre jeu.

Le film a été projeté au Festival de Cannes, quel souvenir en gardez-vous ?

C’était très particulier, j’étais encore fort jeune pour comprendre le symbole que représentait le festival, mais j’étais consciente de sa grandeur. Quand vous êtes entourée de photographes qui vous mitraillent, que vous participez à une conférence de presse ou que tout vous est servi sur un plateau d’argent comme si vous étiez déjà une immense star, il y a là de quoi vous déstabiliser.

Avec Emmanuelle Devos dans « Amin », 2018 © Fantine Harduin

Vous y êtes pourtant retournée l’année suivante avec Amin ?

Oui, j’ai cru que j’évoluais sous une bonne étoile (rires). Le Festival de Cannes, c’est comme Disneyland, mais c’est vous la princesse.

Entre-, vous avez tourné dans le film fantastique Dans la Brume. Vous venez également de présenter un court-métrage du même genre au BIFFF, À la Limite. Est-ce un genre que vous affectionnez particulièrement ?

Personnellement je ne suis pas très satisfaite de mon jeu dans le film de Daniel Roby (Dans la Brume). Mais oui, c’est un genre que j’apprécie beaucoup. Ce que j’aime dans le fantastique et la science-fiction, c’est qu’en Belgique et en France il y a beaucoup moins de budget qu’aux Etats-Unis. Vous êtes donc entourée de personnes vraiment passionnées, pas seulement de gens qui font cela uniquement comme métier, mais qui veulent absolument aller jusqu’au bout du projet, et qu’il soit le plus parfait possible. Cette volonté de bien faire  les choses malgré les moyens réduits se retrouve également dans les courts-métrages. Ce n’est pas un projet sur lequel vous misez pour que le résultat ait du succès, vous le faites par détermination. C’est pour cela que j’ai beaucoup aimé mélanger ces deux ambitions dans À la Limite. J’ai d’ailleurs été ravie d’être choisie pour le jury du Corbeaux Blanc, au BIFFF.

© Fantine Harduin

Vous avez ensuite travaillé avec Fabrice Du Weltz, il semblerait que vous aimez vous entourer de réalisateurs exigeants ?

Je déteste quand la réalisation est trop apathique, il n’y a rien de pire en tant que comédienne qu’un réalisateur ou réalisatrice ne dise, soit rien, soit c’est bien. J’aime relever des défis, c’est pour cela que j’apprécie beaucoup faire des rôles complexes, travailler avec des gens talentueux n’en est que plus stimulant. Je pense que pourrais accepter de travailler avec quelqu’un comme David Fincher, voir Abdelatif Keshihe.

Pourtant, le film que vous venez de faire, Retro Therapy, semble beaucoup plus doux ?

Certes, mais l’histoire était très bien écrite. C’était un projet qui me plaisait beaucoup, surtout que cela m’aurait permis de travailler avec Bouli Lanners qui était censé jouer mon père, avant qu’un problème d’agenda ne le fasse remplacer par Olivier Gourmet.

Dans « Prométhée » en 2022 © Umedia

J’ai entendu dire que vous vous étiez très bien entendus sur le plateau ?

Oui ! Nous avons eu une relation quasi père-fille, ce qui nous a beaucoup aidé sur le tournage. Les adieux furent particulièrement difficiles. Olivier est un peu comme moi, il se concentre surtout sur le jeu d’acteur, mais il déteste les interviews et le show-business. Lui il est là pour son travail.

Il y a également une scène de sexe, les rôles de vos personnages commencent de plus en plus à avoir le même âge que vous, ce genre de scènes arrive donc dans une sorte de suite logique des choses ?

Cela dépend de l’intention qu’il y a derrière ces scènes. Heureusement, aujourd’hui il y a le sex coaching qui est là pour s’assurer que tout se passe bien. Pour moi, c’est juste un défi supplémentaire. Ce qui est un peu plus difficile, c’est la chorégraphie. Mais comme pour une scène de bagarre ou de danse, une fois que vous savez ce qui va se passer et que tout a été consenti au préalable, le jeu vient naturellement. Je l’envisage de la même manière qu’une scène de combat.

Avec Thomas Giora dans « Adoration » en 2019 © RTBF

Quels sont vos projets ou desiderata futurs ?

J’aimerais beaucoup entrer dans une école de Théâtre, du style conservatoire. J’espère être prise pour l’école parisienne dans laquelle je viens de postuler (j’habite à Paris depuis quelque temps, c’est plus facile pour les castings). J’adore le théâtre, c’est une prestation continue, et chaque représentation est différente de la veille. C’est une expérience que j’aimerais beaucoup vivre.

Des projets de films en anglais ou en néerlandais ?

Je ne peux pas trop vous en parler pour l’instant, mais oui, j’adorerais jouer en anglais ou en néerlandais. C’était très chouette de travailler avec Tom Audenaert sur Retro Therapy. Pourquoi pas renouveler l’expérience et faire des films belges bilingues.

Rien de prévu cet été ?

Non, je vais probablement renter à Mouscron, je n’ai pas très envie de rester à Paris pendant les Jeux Olympiques. Je passerais peut-être à Bruxelles lors du prochain Brussel Summer Film Festival.

Merci Fantine !

Merci à vous !

Fantine Harduin s’exprime sur Cinevox en 2020 :


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