L’exposition « Champignons » chez Cauchies Sélection au Sablon à Bruxelles réunit les œuvres de l’aquarelliste Robert Humblot et les sculptures de Val Smets dans un joyeux cabinet de curiosités mycologiques. L’automne est la saison des spores. Une charmante chasse aux champignons à ne pas rater!
Nous reproduisons ici un texte de Madame Lydia Harambourg, critique et historienne de l’Art, Membre correspondant de l’Institut Académie des Beaux-Arts.
L’art de Robert Humblot
« De quel ordre est le rêve du jeune Robert Humblot âgé de quatorze ans ? Le peintre sommeille dans sa chrysalide. Rester éveillé, le regard en alerte, prêt à tout absorber, ne rien négliger d’un moment gourmand qu’il porte à tout ce qui vit, tel semble être son injonction, le but secrètement caché de toute une activité active et tellement naturelle.
Celui que l’on surnomme Bob entretient déjà avec la nature une relation complice. Murmure et secret règnent dans ses beautés cachées. Il en pressent l’inconnu et sait intuitivement qu’elles obéissent à la logique des origines.
Elles sollicitent son désir au point de se mesurer à elles, d’en saisir tout l’imperceptible mystère et de s’en emparer à partir de son observation éblouie et infinie. Son regard est avide sinon impudique dans une insistance visuelle rare.
L’artiste s’éveille
Coléoptères, minéraux, champignons, plus tard les papillons, les oiseaux, rien n’échappe à sa fascination pour une création génésique.
Il lui faut décrypter, analyser une complexité anatomique, mettre à vif toute une lecture physiologique. L’œil est vite relayé par la main qui recourt au dessin et à la couleur pour une transcription la plus fidèle à son modèle, jusqu’à l’illusionnisme.
Car il s’agit, dans la posture où il se trouve, de devenir le rival de la nature. En transcrivant son image, il expérimente le rêve de tout artiste, devenir démiurge à son tour. Pense-t-il à l’art ? Pour le présent, son rêve d’adolescent est d’être naturaliste, mycologue ou encore entomologiste.
Au point qu’il ne se contente pas de dessiner habilement ses modèles avec une virtuosité stupéfiante, mais il le complète par un travail de recherche dans les manuels spécialisés qu’il juge indissociable d’un inventaire le plus objectif possible.
Dessin et informations scientifiques sur les variétés de champignons, qui sont l’objets de toute sa ferveur, sont complémentaires d’une étude qui a gardé toutes ses qualités descriptives, analytiques et artistiques. Les savants mycologues y trouvent encore aujourd’hui matière à leurs travaux.
Notre jeune scientifique et notre artiste en herbe ne redoutent aucun obstacle. La certitude de faire œuvre utile à la science lui donne toutes les audaces. A commencer par celle de publier ses travaux et pas dans n’importe quelle édition. Dans le très savant Bulletin trimestriel de la Société mycologique de France, Paris, au siège de la Société.
Fondé en 1885, ce bulletin fait autorité dans le milieu scientifique. Et voilà notre jeune artiste qui s’ignore adoubé par une société savante dont le siège est au numéro 84 de la rue de Grenelle à Paris.
Regardons attentivement
Voilà des feuilles dessinées avec le plus grand soin, avec une minutie extrême qu’il rehausse d’aquarelle. Le tracé sinueux se prête à l’impulsion du premier mouvement du regard, puis au second jusqu’à circonscrire la forme qui offre une vision achevée de son sujet. L’exactitude de sa réplique concentre toute son attention.
Mais la science qui induit une méthodologie se double du plaisir dans lequel le rêve trouve son compte. Il pourvoit à l’essentiel, celui du bonheur d’approcher l’inexplicable beauté offerte par la Nature.
Le jeune naturaliste deviendrait-il artiste ? Le peintre poindrait-il déjà sous le mycologue ?
La science et l’art est un dialogue ancestral qui a porté ses fruits. Et l’art n’est-il pas une ouverture sur la connaissance ? Bob part de la forme qui tout en oeuvrant à sa compréhension ouvre au monde parallèle de la création. La forme établit un lien entre le réel et l’esprit. Préconçue par la pensée, réalisée dans l’expérience et l’exercice de l’art, la forme dans sa plus grande régularité géométrique se laisse transfigurer par l’apparition de la vie.
C’est ce que découvre notre impétrant. La loi de l’intelligence et du savoir se tempère du pouvoir que s’arroge l’esprit de plier à cet ordre celle non moins souveraine de l’esprit, de la beauté sensible.
C’est la révélation pour celui qui s’apprête à entrer dans les champs de l’art, aux multiples flux. Il découvre que la nature de l’art partage avec celle de l’univers une cohésion logique, que les formes offertes par la nature, par la figure humaine, par les objets, se renouvellent d’une matière picturale qui dispense sa propre énergie la plus propre à traduire une vie secrète.
La réalité propose des incarnations diverses du monde dont le peintre transcrit l’équilibre, les vibrations, le rythme perpétuel. Dans un classicisme renouvelé dont il extrait tout l’élan créateur, Robert Humblot construit son œuvre à la lumière des vérités générales. Dessin et couleur, l’invention des valeurs s’allient pour une rigueur qui au-delà de la forme, de la composition, est au service des merveilles visibles de la nature.
Pour Humblot c’est dit, la peinture sera son langage. L’œuvre d’art n’est-elle pas une œuvre naturelle ? C’est ainsi que le peintre prend son bâton de pèlerin sur un chemin initiatique. Conquêtes et doutes l’attendent. Dans le rapport traditionnel de la nature et de l’homme, il y a un espace pour créer un monde qui est le sien.
Regardons maintenant l’œuvre peint de Humblot. Dans son achèvement, on reconnaît un style, une personnalité dont le langage pictural impose quelque chose qui ressemble à un ordre. »
Un texte de Madame Lydia Harambourg.
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L’exposition « Champignons » des œuvres de Robert Humblot et Val Smets se tient chez Cauchies Sélection, 30 Rue des Minimes, 1000 Bruxelles, du jeudi au dimanche de 11h à 18h. Jusqu’au 19 novembre 2023.
