L’exposition Shin Hanga présente des exemplaires magnifiques du mouvement « nouvelle estampe », qui regroupe les œuvres modernes du Japon, de 1900 à 1960. Il vous reste quelques jours, jusqu’au 15 janvier 2023, pour en profiter.

Les estampes japonaises sont connues dans le monde occidental depuis la seconde moitié du 19e siècle. Depuis l’ouverture du Japon aux navires américains et occidentaux, les estampes ont séduit les collectionneurs du monde entier, mais essentiellement les Américains et les Occidentaux.

Plusieurs expositions du MRAH avaient déjà présenté des œuvres japonaises uniques, de façon chronologique. L’exposition « Shin Hanga » est donc la suite logique de l’exposition « Ukiyo-e » qui s’est tenue en 2016-2017. Le mouvement Ukiyo-e s’étendait du 17e au 19e siècles, avec un quatuor d’artistes (dessinateur, graveur, imprimeur et éditeur).

Le mouvement Ukiyo-e est un mouvement artistique japonais de l’époque d’Edo (1603-1868) comprenant non seulement une peinture populaire et narrative originale, mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois. La paix régnant grâce au Shogunat Tokugawa,  avait amené au Japon une ère de paix et de prospérité qui se traduisit par la perte d’influence de l’aristocratie militaire des daimyos, et l’émergence d’une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s’accompagne d’un changement des formes artistiques, avec la naissance de l’Ukiyo-e et des techniques d’estampe permettant une reproduction sur papier peu coûteuse, bien loin des peintures de l’aristocratique école Kanō.

Le mouvement Shin Hanga, est, lui, un mouvement de renouveau de l’estampe traditionnelle (Ukiyo-e) au début du 20esiècle pendant les périodes Taisho (1912-1925) et Shōwa (1926-1989). 

Ce mouvement fut florissant entre 1915 et 1942 et il a repris en 1946, après la défaite japonaise lors de la seconde guerre mondiale. Le système est l’hérité de l’Ukiyo-e avec le traditionnel quatuor (dessinateur, graveur, imprimeur, éditeur).

Vers 1900, la production des gravures japonaises traditionnelles sur bois connaît un déclin de plus en plus sensible. Celle-ci est effectivement confrontée à de nouvelles techniques de reproduction qui entrent sur le territoire.  Les techniques de la xylographie et de la photographie sont de plus en plus utilisées pour des productions de moindre qualité, des magazines de « grande consommation ».

L’éditeur Watanabe Shōzaburō (1885-1962), s’est rendu compte de ces changements, mais reste néanmoins fidèle à la production artistique traditionnelle. D’autant plus qu’il se rend compte que l’attrait pour les estampes japonaises ne faiblit pas en Occident. De nombreux marchands en sont toujours friands, et d’ailleurs, nombreux sont les artistes à Montmartre et Montparnasse, qui se sont inspiré de la délicatesse des traits et de la transparence des coloris de ces œuvres venues du Japon, et qui nourrissent d’ailleurs ce courant du début du 20esiècle et que l’on nomme le « Japonisme ». Mais les influences se firent ressentir dans les deux sens.

Grâce aux artisans, les artistes du mouvement Shin Hanga se débarrassent des contraintes techniques, ils peuvent ainsi ne se soucier que de leur propre travail. Inspirés par les impressionnistes, ils intègrent des éléments occidentaux tels que le jeu de lumière et l’expression personnelle tout en se concentrant sur des thèmes traditionnels. Le Shin-Hanga veut faire ressentir l’atmosphère alors que l’Ukiyo-e traitait de thèmes populaires multiples.

Toujours garant des traditions de fabrication du passé, Watanabe Shõzaburõ s’est peu à peu entouré d’artistes de grand talent dont il fait réaliser les dessins selon les techniques d’impression sur bois.

Les débuts sont hésitants, tout en reprenant les thèmes classiques des estampes japonaises comme les paysages, les bijin (jolies femmes), les acteurs de kabuki, les fleurs-et-oiseaux, il choisit aussi le thème du Japon qui se modernise pour les estampes Shin-Hanga. 

Ces estampes séduisent par une nouvelle esthétique et une qualité de production extrêmement soignée. 

Nous retrouverons au fil de cette exposition des artistes extrêmement renommés comme Kawase Hasui (1883-1957), Itō Shinsui (1898-1972), Ohara Koson (1877-1945), Kasamatsu Shirō (1898-1991) et Komura Settai(1887-1940).

Les œuvres que l’on peut admirer viennent des 3 grandes collections Shin Hanga : deux collections privées néerlandaises et la collection de l’éditeur Watanabe Shōzaburō, dont les œuvres ont été prêtées par son petit-fils.

L’estampe japonaise est réalisée au moyen d’un procédé de gravure sur bois (xylographie) à partir d’un dessin d’un artiste. En mariant la finesse de l’exécution des estampes anciennes, avec des thèmes traditionnels, poétiques, mais aussi qui parlent de plus en plus, Watanabe Shōzaburō lance réellement cette nouvelle mode d’expression artistique.

La réussite de Watanabe Shōzaburō inspirera d’autres éditeurs, ce qui aboutira à la production de plus ou moins 3000 œuvres. Ce mouvement se caractérise par une qualité technique exceptionnelle, et par sa nouveauté. L’utilisation de pigments, de types de papier, les effets spéciaux et l’extrême souci du détail de Watanabe Shōzaburō et de ses collègues font de ces nouvelles estampes un produit de luxe très apprécié.

L’exposition présente les œuvres selon un ordre chronologique.

On débute par le temps des premières expérimentations jusqu’en 1916. On trouve ensuite une introduction aux deux principaux genres, à savoir les paysages et les portraits de femmes.

Ces deux genres se sont subdivisés en deux périodes : avant et après le tremblement de terre du Kantō du 1er septembre 1923. Cette catastrophe naturelle est une vraie ligne de rupture car d’importants stocks d’estampes, d’ébauches et de bois d’impression ont été détruits.

Il est difficile de se représenter actuellement l’impact que cette catastrophe naturelle a eu sur la société japonaise. Plus de 105.000 personnes y ont trouvé la mort, ou sont portées disparues. Suite à ce tremblement de terre et aux tsunamis qui ont suivi, un véritable chaos social s’est abattu sur le Japon, facilité par la diffusion de fausses rumeurs, l’action de la police militaire et la police politique ont aussi traumatisé les Japonais déjà fortement choqués.

On découvre également une section consacrée au Kabuki (forme épique du théâtre traditionnel japonais, fortement codifié, caractérisé par le maquillage des acteurs, et les dispositifs scéniques complexes).

Une section sur la nature et ensuite sur la modernité. La dernière section est consacrée à l’aspect technique de la production d’estampes, tout en développant les spécificités de la tradition Shin Hanga.

Watanabe Shōzaburō a su promouvoir l’estampe aux États-Unis permettant ainsi la longévité financière des artistes travaillant avec lui. Il a donc contribué à la prospérité du mouvement mais sa mort en 1962 marqua, hélas, la fin de ce mouvement. 

N’hésitez donc surtout pas à profiter des derniers moments de cette magnifique exposition, offrant au regard des œuvres aux palettes de couleurs incomparables.

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Infos pratiques

Exposition Shin Hanga – les estampes modernes du Japon 1900-1960

Jusqu’au 15 janvier 2023

Au Musée d’Art et d’Histoire – Parc du Cinquantenaire 10, 1000 Bruxelles

Infos via Info@mrha.be ou au +32 (0)2 741 73 31