En 2013 Drake et The Weeknd sortent un duo intitulé Live for dans l’album Kiss Land. Et c’est bien la date de leur dernière collaboration. Or, en 2023 un ghostwriter, un internaute et faussaire anonyme, engendre abusivement un nouveau duo entre les deux artistes. Ainsi, il trouble et passionne la plupart des internautes puisque la vidéo fait des millions de vues en un temps record. Les voix sont reproduites à la perfection, c’est réellement bluffant !
Un ghostwriter défie l’industrie du disque
Un ghostwriter est une personne qui écrit pour le compte d’une autre. C’est un écrivain de l’ombre, littéralement. Ghostwriter977 a créé le buzz sur les réseaux sociaux, notamment TikTok et les plateformes de téléchargement. Et ce n’est pas étonnant ! L’écrivain fantôme a composé un tube qui a fait plus de quinze millions de vues en s’emparant avec brio des voix de Drake et The Weeknd. Universal s’est insurgé et a demandé le retrait du tube sur Spotify et Apple Music pour des questions de droits d’auteur évidentes. Heart on my sleeve, le titre du faux duo, signifiant « cœur sur la manche », a été élaboré par le biais d’une intelligence artificielle. « J’ai utilisé une IA pour créer une chanson de Drake avec The Weeknd », a déclaré Ghostwriter977 vêtu d’un drap blanc, lui conférant des allures fantomatiques, et portant des lunettes de soleil noires. Et « ce n’est que le début », « l’avenir est là », ajoute-t-il !
Le débat est maintenant ouvert et reste à suivre !
Un ghostwriter bien au fait de l’actualité people
Heart on my sleeve a trompé son monde bien que le compositeur de l’ombre ait ajouté une légende à son clip soulignant qu’il avait créé ce duo grâce à une IA. Les paroles de la chanson, qui a provoqué la panique de l’industrie du disque, qui s’est vue réellement menacée, évoque le triangle amoureux, The Weeknd, Selena Gomez et Justin Bieber, et ceci n’est pas une invention puisqu’en effet The Weeknd a eu une relation durant plusieurs mois qui s’est mal terminée avec la chanteuse et actrice américaine.
Ghostwritter977 s’est donc basé sur les déboires amoureux des artistes qu’il utilise virtuellement pour sa vidéo robotisée. Voici, en version originale, un extrait des paroles de ce fake si réaliste et plausible : « I came in with my ex like Selena to flex, aye, Bumpin’ Justin Bieber the fever ain’t left, aye ». Il prend largement appui sur l’actualité. Il déclare, par ailleurs, qu’il a longtemps été payé une misère en travaillant dans l’ombre pour d’autres artistes. Est-ce donc une revanche contre l’industrie de la musique, un mouvement contestataire ou un simple moyen d’obtenir indûment une notoriété internationale de manière ?
La réaction des deux artistes
Drake s’est manifesté, de façon discrète et lasse, contre le clonage, purement et simplement, de sa voix par des internautes avides de performances technologiques ! En effet, il déclare sur les réseaux sociaux, récemment, concernant ces faux featurings, dont il est la victime impuissante, « c’est la goutte de trop ! »…
Quant à The Weeknd, alias Abel Tesfaye, il choisit de rester silencieux. Les deux artistes, apparemment outrés, se sont pour l’instant peu manifestés… Doit-on s’attendre à des représailles musicales ? Ce qui est vraiment inquiétant, c’est le nombre de vues obtenues, qui dépasse même les vues originales des artistes eux-mêmes, dans le cas de Heart on my sleeve. On peut s’interroger sur ces réactions discrètes, voire sur l’absence totale de riposte des artistes touchés ! Certes, ces fausses productions accroissent sans doute leur popularité, mais jouer sans autorisation avec les voix de célébrités est une violation des droits d’auteur. De plus, les internautes sont souvent trompés par ces faux, pensant qu’il s’agit d’un « vrai » titre. Ainsi, le faux duo Drake et The Weeknd a fait parler de lui. En revanche, les artistes conservent le silence ou du moins se manifestent très peu !
Création artificielle versus création humaine
La jurisprudence, bien que marquée par une ambivalence qui ne laisse présager rien de bon, reste contradictoire selon les pays. Elle indique tantôt que ni l’intelligence artificielle ni l’humain derrière son clavier ne peuvent prétendre à un quelconque droit d’auteur, et tantôt que les utilisateurs d’intelligence artificielle peuvent être protégés par le principe de la propriété intellectuelle. Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, on a pu constater, pour certains avec stupeur et tremblements, pour d’autres avec joie et engouement, que les « créateurs », utilisateurs d’intelligences artificielles, plus ou moins passifs, pouvaient prétendre à des droits d’auteur. La jurisprudence reste indécise sur ce sujet propice à la polémique et soulève des questions éthiques ! Sommes-nous en train de nous diriger vers une collaboration entre l’homme et la machine ? Est-ce la voie du progrès ?
Néanmoins, le code de la propriété intellectuelle soulève dans son premier article le fait suivant : « L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » Or, une intelligence artificielle n’est pas dotée d’un esprit, mais l’utilisateur de l’IA, si ! Comment interpréter cette loi encore ambiguë ? Ainsi, un flou juridique persiste… mais probablement pas pour longtemps ! Néanmoins, en ce qui concerne les faux featurings et autres contrefaçons, le Code de la Propriété Intellectuelle semble explicite en indiquant dans son article L122-4 que : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. ».
Les logiciels d’intelligence artificielle les plus connus, une révolution musicale !
L’entreprise Shutterstock est l’éditeur d’Amper Music. Cette entreprise offre notamment des images et permet de créer des morceaux.
Amper Music, est un logiciel qui permet à tout un chacun, mélomane ou non, de composer par le biais d’une intelligence artificielle hautement développée. Ainsi, c’est une façon de démocratiser la musique, en l’espèce, légalement, puisque les morceaux créés sont libres de droit. D’après le podcast de FranceIntr, l’utilisation du logiciel est simplifiée : « Pour créer une musique avec Amper, il suffit de rentrer l’humeur du morceau (enjoué, triste, tendre), le style (rock, folk, pop), les instruments (guitares, percussions, claviers…), le tempo et la durée. L’intelligence artificielle crée ensuite un morceau unique en quelques minutes. Le résultat ne vous plait pas. Pas de problème ! Amper n’est pas contrariante, elle efface tout et recommence. ».
AIVA, Soundful, Sounddraw, pour n’en citer que quelques-uns, sont d’autres logiciels permettant de créer des morceaux par le truchement de l’intelligence artificielle.
Ils ont aussi utilisé l’intelligence artificielle
David Guetta a créé lors d’une de ses représentations un moment musical dans l’ère du temps en faisant chanter Eminem par l’entremise d’une intelligence artificielle. L’imitation est réellement impressionnante ! Voici l’introduction que les clubbeurs ont pu écouter et même entonner lors de cette soirée :
On peut y entendre les paroles suivantes : This is the Future Rave sound, I’m getting off the underground…
Taryn Southern, plus connue en tant que youtubeuse que chanteuse, sort plusieurs titres totalement conçus par l’intelligence artificielle grâce à Amper Music. Les clips sont disponibles sur YouTube.
David Bowie, dans les années 90, utilisait déjà un générateur de paroles aléatoires pour ses tubes. Aussi, on peut dire qu’il fut l’un des nombreux pionniers du mouvement, visionnaire à ses heures.
Des emplois menacés…
D’autres domaines sont, malheureusement ou heureusement, touchés par les terribles performances des intelligences artificielles. Ne soyons tout de même pas trop pessimistes: l’évolution technologique, critiquée à ses débuts, a finalement contribué à améliorer l’existence humaine dans la plupart des cas.
Cependant, des emplois sont menacés et nous sommes en droit de nous en inquiéter…Romanciers, peintres, musiciens et j’en passe sont perturbés par ces créations hautement technologiques…
Pour le monde du journalisme cela est, de plus, une véritable catastrophe puisque des IA sont capables en quelques secondes de rédiger des articles entiers sur des sujets variés en frôlant la perfection. Est-ce le début de la fin de la création par l’humain, supplanté et surpassé par la machine ?
En 2017, Andres Guadamuz, maître de conférence spécialisé dans la propriété intellectuelle, soulevait déjà dans Ompi Magazine ce problème sociétal. Il nous informait aussi sur le fait que Google a subventionné, au grand dam des journalistes, un « programme d’intelligence artificielle destiné à rédiger des articles sur l’actualité locale ». Il ajoute qu’une nouvelle écrite par un programme japonais ultra performant a presque été primée ! Quel bouleversement ! On note bien d’autres faits inquiétants depuis lors…et « ce n’est que le début »…