Un siècle de peinture chinoise
À deux pas du Parc Monceau, sur la façade d’un ancien hôtel particulier devenu le musée Cernuschi du nom de son ancien propriétaire et donateur, une affiche annonce: L’encre en mouvement, une histoire de la peinture chinoise au XXe siècle. L’élégance de l’encart préfigure celle d’une exposition dont le raffinement rivalise avec la majesté du lieu. La peinture chinoise, en phase avec les profondes mutations qui bouleversent le pays tout au long du siècle, se réinvente en se projetant dans l’avenir mais aussi en redécouvrant son passé.
La libération du trait
La première salle est consacrée au mariage entre les écritures anciennes et la peinture moderne. Eric Lefebvre, commissaire de l’exposition, parle de la calligraphie comme de « la sœur de la peinture » qui avec la fin de l’empire et l’avènement de la république en 1912 participe au renouvellement de l’Art par la libération de son trait.
Des sujets traditionnels sont revisités à l’aide de traits puissants et de couleurs franches, ainsi Wang Zen représente l’un des plus célèbres calligraphes de la tradition chinoise, le moine bouddhiste Haisu alors qu’il prépare son support d’écriture. Mise en abîme de la calligraphie qui permet d’établir un lien entre tradition et modernisation à venir.
2 – Paysage, Huang Binhong (1865-1955), Inspiré du Guizhou et du Sichuan.
Elle s’approprie de nouveaux sujets tant chez les animaux que dans les paysages. Les significations symboliques sont nombreuses. Ainsi, l’association du poisson-chat et de l’omble-chevalier exprime les vœux de longévité et de prospérité.
La peinture de paysage évolue en gardant un lien avec son cadre traditionnel. Le rouleau vertical témoigne de la connaissance d’œuvres anciennes adaptées en fonction des lieux visités par les artistes.
Les artistes en mouvement
2- Rêveur, Fu Baosqhi (1904-1965)
Les voyages en Asie et hors d’Asie permettent aux artistes d’acquérir un nouveau langage. Dans cette ouverture, le Japon joue un rôle essentiel car c’est le premier pays asiatique qui va se mettre à l’école de l’Occident et qui ouvrira la voie de la modernisation de la peinture. Les artistes étudient dans le même temps le Nihonga, peinture japonaise qui fusionne les influences extérieures et l’histoire de la peinture locale.
On retourne en Chine aussi, à la tradition picturale, une attitude renforcée à partir des années 30 dans le contexte de la lutte contre le Japon. Les œuvres témoignent à la fois des imprégnations de la culture passée et des innovations notamment dans l’emploi de la couleur.
Sont exposés au centre du parcours, des œuvres qui sont une manifestation de l’influence occidentale et répondent à un exercice incontournable du cursus académique : le nu. De nombreux étudiants apprennent le dessin et la peinture à l’huile lors de séjours au Japon mais aussi à Paris à partir des années 20. Certains travaillent ce nouveau sujet au pinceau et à l’encre pour garder un lien avec leurs techniques originelles.
L’exotisme de l’intérieur
L’occupation japonaise pousse les artistes à se replier dans les provinces de l’ouest où ils découvrent les populations autochtones. Les portraits des femmes et des hommes Miao, les motifs traditionnels des tissus locaux, les peintures murales de l’ancien site bouddhique de Dunhuang sont autant de nouvelles pistes artistiques à explorer.
De l’idéologie à l’abstraction
La période maoïste (1949-1976) est caractérisée par le contrôle continu du parti au pouvoir sur les productions artistiques vouées à célébrer l’avènement d’une Chine nouvelle. Le modèle à suivre est la peinture réaliste soviétique … à l’huile. Et la peinture à l’encre, vestige d’une époque honnie, est dans un premier temps proscrite. Il faudra la détermination de grands peintres comme Wang Shenglie pour l’introduire de nouveau pour illustrer les sujets imposés.
Pendant ce temps, les artistes chinois installés à l’étranger évoluent avec les plasticiens européens et américains et dialoguent avec l’abstraction. On observe alors des associations entre les courants dominants sur la scène artistique en dehors de la Chine et les traditions picturales et techniques chinoises.
L’Encre contemporaine
Bauté, Waelasse Ting (1928-2010), 1970 – Garçon, Walasse Ting (1928-2010), 1970. Encre sur papier. ©Paris Musées/Musée Cernuschi. Photo Fabrice Gaboriau
Les années 80 permettent l’évolution de la peinture à l’encre dans une Chine désormais ouverte sur le paysage artistique contemporain. Il s’agit comme le dit Wu Guanzhong de « ne pas couper le fil du cerf-volant » tout en renouvelant les codes de la culture classique.
Encore quelques jours pour découvrir cette magnifique exposition qui se termine le 5 mars : www.cernuschi.paris.fr
Si toutefois vous n’avez pas la possibilité de vous y rendre, n’hésitez pas à vous procurer le catalogue qui en est un reflet fidèle avec une iconographie particulièrement riche aux Éditions Paris Musées.
Et si vous avez la chance de vous y rendre, n’oubliez pas de flâner dans les allées du parc, de déguster une crêpe au chalet Monceau en regardant tourner le carrousel, retour en enfance assuré !
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