Pourquoi l’électro est la musique de l’après Covid
La musique électronique, comme beaucoup d’autres domaines culturels, a subi de plein fouet la crise du Covid, mais grâce à une ingénieuse communication sur les réseaux sociaux, le genre est devenu plus fort et plus populaire qu’auparavant.
2020, l’année de la pandémie
En 2020, les clubs du monde entier ferment après les annonces de quarantaine décrétées par les gouvernements suite à une pandémie. Quelles vidéos et images fortes allons-nous en retenir ? Nous sommes amenés à faire un tri dans toutes les images d’actualités, et ce depuis quelques années, avec l’introduction en force des notifications des réseaux sociaux et la surabondance d’informations que nous subissons. Nous sommes ainsi amenés à oublier les images postées la veille.
Il n’y aura que les cris désespérés des habitants de Hong Kong, assignés de force à domicile et hurlant de faim en pleine nuit, dont les vidéos ont été relayées en masse sur les réseaux sociaux, qui ont réussis à m’imprégner. Avec internet nous sommes devenus très sélectifs par rapport à notre consommation d’informations. Sans doute l’une des pires années pour ce nouveau siècle. Dans la foulée, plus de 350 festivals de musique électronique ont été annulés de par le monde, des milliers de professionnels se retrouvent au chômage technique, voire sans rentrées d’argent du tout. Le secteur connait sa plus grave crise.
Musique de barbares
La musique électronique n’a pas toujours joui d’une bonne réputation, elle est encore très
marginalisée dans certains pays. « Musique barbare, fêtes illégales, prises de drogues, pas de la vraie musique, ni de la vraie culture. » Elle est encore affublée de beaucoup de stigmates, encore répandus même au sein des autorités. Cette réputation de musique de rebelles n’a pas réellement beaucoup aidé le secteur durant ces mois difficiles. Des aides plutôt faibles ont été allouées en Belgique, voire inexistantes dans de nombreux pays afin de sauver ce secteur en détresse.
Un genre de musique pas si récent que cela
Historiquement, ce genre musical remonte à la fin du XIXème siècle avec l’invention
d’instruments comme le piano électronique en 1876, ou bien d’autres instruments tombés dans l’oubli mais dont le plus emblématique reste le thérémine par Lev Theremin ( 1920 ). Nous pouvons citer beaucoup de femmes pionnières comme Johanna Magdalena Beyer, Daphne Oram et aussi Pierre Henry dont je vous laisse l’un de ses meilleurs morceaux (qui servira plus tard de générique pour la série Futurama).
Ce n’est que dans les années 1970 qu’elle va quitter le champ des expérimentations en studio destiné à un public de niche. C’est de Düsseldorf que va arriver un groupe qui va marquer la musique pour les années qui suivront, un groupe de musique uniquement électronique. Cela va passer du rock au hip-hop jusqu’à la pop mainstream où ils sont encore cités comme une référence : Kraftwerk. Premières stars du genre, leur musique est diffusée internationalement. Peu de temps après, à Detroit, ancien fief industriel de l’automobile alors en pleine débâcle économique après la crise de 1973, des sons plus accélérés et industriels font danser les communautés marginalisées. Certains DJ’s seront même invités à jouer à Berlin où ils réussiront à importer le son de Detroit et à propager cette musique ultra dansante. Ils en appellent à l’unité de tous par la fête.
D’Allemagne leur musique se propage dans tout l’Europe qui devient le continent phare pour ce genre de musique. La musique électronique compte désormais plus de 150 sous-genres différents. Il est le troisième genre le plus écouté en streaming derrière le hip hop (premier) et la pop (second). Des festivals importants voient le jour comme Tomorrowland en Belgique, et des DJ’s deviennent des véritables stars, comme Charlotte de Witte qui défend nos couleurs en se hissant à la tête des classements critiques comme meilleure Dj alternative de par le monde. Voilà pour les présentations.
En détresse
Qu’importe le succès populaire, le secteur a subi les mêmes revers que l’ensemble de la culture, si ce n’est peut-être le domaine littéraire qui s’en est mieux sorti avec le soutien aux libraires et la hausse des achats de livres pour égayer les nombreuses heures de quarantaine. Pendant que les gens restaient devant Netflix, découvrant de nouveaux artistes en streaming, d’autres poussaient peut-être pour la première fois de leur vie la porte d’une librairie. Ils étaient parfois munis d’un chèque-culture octroyé en France, surnommé très vite le chèque-mangas par des académiciens voulant critiquer les jeunes.
Souvent les professionnels voyaient leurs revenus fondre. Ils devaient puiser dans leurs économies ou faisaient des prêts juste pour se nourrir. Ils ont été négligés et les maigres aides, lorsqu’elles étaient octroyées, leur permettaient à peine de relever la tête. Ce sont peut-être les Allemands qui seront les plus chanceux, puisque chez eux la vie nocturne est désormais inscrite au patrimoine culturel, comme par exemple le légendaire club berlinois Berghain reconnu comme une institution culturelle depuis 2016. Les boîtes de nuits et professionnels ont eu là un peu plus de chances qu’ailleurs en Europe.
Merci internet
Heureusement Internet était là pour sauver le monde. Beaucoup d’appels à l’aide se firent entendre sur les réseaux sociaux, et les retours ont été plutôt positifs puisque que des cagnottes furent remplies et la culture club fut diffusée en masse sur les réseaux sociaux. Je vais vous parler ici de l’histoire de la chaîne YouTube HÖR qui a permis de transformer votre salon en boîte de nuit, en attendant la réouverture des clubs. A la base c’est une émission d’une station culturelle berlinoise qui a dû fermer ses portes suite aux mesures contre la pandémie. Les producteurs de l’émission consacrée aux musiques électroniques eurent l’idée de créer une chaîne YouTube dans laquelle ils invitent des DJ’s. Pour beaucoup d’entre eux la situation est financièrement très difficile et ils sont heureux de pouvoir diffuser leur musique, non pas dans les clubs mais sur internet, la nouvelle place publique.
Le succès se confirme rapidement et la chaîne voit ses abonnés se multiplier et leur décor, une pièce aux murs pavés et éclairés d’une lumière fluo, est devenue une image culte . D’autres ont eu l’idée d’organiser des raves parties dans le Metaverse, avec des investissements NFT à la clef. Ces fameux NFT dont on vantait tant les mérites mais qui se sont révélés être le plus gros échec de Marc Zuckerberg. Il ignorait sûrement que beaucoup de gens n’ont pas forcément envie de se promener constamment avec des grosses lunettes, et de voir des avatars toute la journée. Même la chaîne Boiler Room, célèbre pour ses diffusions de DJ mix sur YouTube, a organisé ses émissions depuis le domicile des DJ vedettes, avec des appels aux dons pour soutenir le milieu .
Un socle de la culture pop
Suite à ce sursaut des consciences et aux réactions de soutien du public, l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus du milieu de la musique électronique s’est un peu émoussée. Beaucoup de jeunes n’hésitent pas à diffuser cette culture au travers de leurs réseaux sociaux, à intégrer les codes esthétiques de cet univers musical. Les recherches sur Pinterest révèlent même que le mot clé le plus recherché est rave. De même, la haute couture s’empare de ces codes comme Balenciaga chez qui la façon dont défile l’un de ses mannequins est devenu virale puisque sa démarche est réellement digne d’être parodiée. Ou encore Prada dont le DJ canadien Richie Hawtin a composé l’excellente bande-son de son défilé, avide de se faire désirer par la nouvelle génération . Avec le regain d’intérêt et le succès de la réouverture de l’événementiel, beaucoup de villes ont même compris que le fait d’avoir leur propre festival de musiques électroniques est une excellente vitrine pour attirer de nouveaux publics. La fête est loin d’être finie.
Pour en savoir plus sur le rôle des femmes dans la musique électronique: