7 bonnes raisons de lire La Hshouma de Zainab Fasiki
Un ou une anonyme du web magazine Plurielle s’indigne et intitule son article « 7 bonnes raisons de ne pas lire le livre La Hshouma de Zainab Fasiki ». Si cette autrice interpelle, inquiète et dérange, qu’importe, on parle d’elle ! Mystérieusement, une image qui ne fait pas partie de la BD en question, s’est retrouvée dans cet article. Étonnamment, ce même magazine a publié une interview plutôt laudative de l’autrice dans la foulée.
Voici 7 bonnes raisons de lire le livre La Hshouma de Zainab Fasiki
1.Parce qu’elle se met à nu avec objectivité au sens propre comme au sens figuré et qu’elle représente des individus de façon réaliste. Sont représentés dans son album des visages angulaires ou marqués, une pilosité visible, des sourcils très fournis parfois, certains mamelons sont gercés, et sur certains corps des traces de cellulite apparente, sans oublier les rondeurs, bien sûr. On y trouve des femmes voilées ou non voilées…
2. Parce que l’ouvrage est simple et accessible, dans une démarche de vulgarisation de l’Histoire, de l’anatomie, du féminisme. Eh oui, certaines jeunes filles ou jeunes femmes n’ont jamais entendu parler de menstruations avant d’y être confrontées ni même de la notion de puberté qui en découle. Elle rappelle l’histoire de son pays tant aimé, comme elle l’écrit à plusieurs reprises et remonte à l’époque où le Maroc était la terre des Amazighs. Kahina règne glorieusement sur un Maghreb unifié. « Beaucoup ont décrit Kahina comme l’une des premières féministes de l’histoire. »
3. Parce que son œuvre est universelle, elle concerne tout le monde. Qui plus est, elle est bilingue et écrite en arabe mais aussi en français. Elle choisit le français, majoritairement, pour La Hshouma parce que, je la cite : « nous n’avons même plus les mots justes en darija (terme désignant le dialecte marocain) pour parler de sexualité. » Elle insiste en parlant de connotation négative dans les termes désignant le corps et la sexualité. Mais nous retrouvons, sur les illustrations faites par l’autrice, quelques mots d’arabe dialectal pour notre plus grand plaisir. Suite aux demandes insistantes, elle est en cours de préparation d’une version arabe de La Hshouma où elle se lance le défi, à grands coups de néologismes ou en y incluant des termes en français, de parler corps et sexualité dans sa langue maternelle.
4. Parce qu’elle a osé. Ce qui en fait une avant-gardiste qui continue de combattre les injustices malgré les critiques, les insultes, le harcèlement voire les menaces. Altruiste, elle fonde un collectif, le Queer Women Collectif, visant à aider tous ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière artistique ou booster leur notoriété, par le biais d’ateliers divers.
5. Parce qu’elle milite en faveur de la liberté et de l’égalité, deux principes fondamentaux des droits de l’homme qu’elle évoque d’ailleurs au début de son deuxième chapitre, intitulé « la sexualité ». Dans cette optique égalitaire, elle préfère les termes XX et XY aux termes « femme » et « homme », pour expliquer la puberté. Toujours dans cette même optique, elle décrit avec bienveillance tous les individus, mêmes les minorités, habituellement sous représentées. Ce qu’elle entend par « liberté » ce n’est pas l’assouvissement de tous nos fantasmes, ce n’est pas non plus une façon d’universaliser la pratique nudiste. C’est mettre fin à l’hyper-sexualisation du corps féminin, tout simplement ! Tout un programme ! Pour l’artiste, le corps « est une enveloppe matérielle », « un ensemble de mécanismes intelligents ». Elle déplore le constat selon lequel cette association universelle entre le corps et la sexualité est génératrice de violences. Dans une démarche pacifiste, elle revendique la liberté d’expression et insiste sur la diversité au Maroc où l’on retrouve un milieu cosmopolite aux croyances divergentes et souvent même opposées.
6. Parce que son courage et son talent ont été salués par deux fois, d’une part par Amnesty International en 2018, et d’autre part par un prix lors du festival off de la BD à Angoulême en 2022.
7. Parce que l’œuvre est richement informative et bien structurée, subdivisée en deux chapitres, avec plusieurs sous-parties. Elle évoque une grande variété de sujets, n’hésitant pas à passer du spirituel au matériel. Des sujets tels que le consentement, la non-binarité, les stéréotypes, les maladies sexuellement transmissibles, etc… Elle ose, oh, Hshouma ! oh, haram ! décrire méticuleusement le corps, les organes génitaux, les moyens de contraception ou encore l’évolution d’une grossesse.
Zainab Fasiki, La Hshouma, 2019, bande dessinée
La bédéiste marocaine qui soulève les tabous
Née à Fès au Maroc en 1994 au sein d’une famille nombreuse et conservatrice, elle est attirée très précocement par l’art, les sciences et notamment la robotique. À l’âge de vingt-trois ans, elle est brillamment diplômée ingénieur d’Etat en mécanique. Puis, elle finit par se consacrer entièrement à sa carrière d’artiste activiste et engagée. Vivant très mal le cyber-harcèlement qu’elle subit au quotidien, elle traverse une période dépressive, mais c’est en se réfugiant à nouveau dans son art qu’elle poursuit son combat vaillamment avec la même pugnacité. À cette fin, elle n’a pas choisi de s’exiler face à la pression, elle continue à vivre dans son pays natal.
La bande dessinée
Zainab Fasiki se définit comme une « artiviste ». La Hshouma, sa bande dessinée francophone, illustrée par de multiples corps féminins, heurte viscéralement tous les tabous sur la nudité, la sexualité et les violences faites aux femmes, en prenant le Maroc pour exemple, et ce dans une démarche qui se veut pédagogique et universelle. Le corps n’est pas sexuel, il est selon elle artistique et elle en a fait son crédo dès l’adolescence. Son essai graphique, La Hshouma, qui signifie « La Honte » en arabe, plus largement la censure, ce qui est « haram » en arabe dialectal, traite aussi, de façon laïque, des diversités de genres, non hétéro-normatives. Elle définit cet essai comme un guide laïc et queer (défendant la communauté LGBTQ+).
Les sujets abordés y sont universels et prônent la déconstruction collective des biais oppressifs inculqués par les sociétés à l’international. Elle tient à bien marquer la différence entre le corps et la sexualité. Elle divise donc son ouvrage en deux chapitres, l’un intitulé « le corps » et comportant quatre sous-parties, l’autre intitulé « la sexualité » découpée en six points. N’ayant pas trouvé preneur au Maroc (il fallait s’en douter), c’est grâce à l’éditeur parisien Massot qu’elle est publiée.
Vous pouvez vous procurer cette bédé, neuve ou d’occasion, et même en format Kindle sur Amazon ou sur Rakuten.
Interview de Zainab Fasiki sur Matin TV: