Voici une sélection originale de cinq créations artistiques féministes venant des quatre coins du monde. Partez à la découverte de l’univers féministe au travers de ces cinq descriptions d’œuvres qui se veulent exceptionnelles et originales.

Propped, 1992, © Sotheby’s

1. Jenny Saville, Propped, 1992, huile sur toile

L’artiste féminine aux toiles les plus chères

Née en 1970, l’artiste peintre britannique, membre des Young British Artists, s’intéresse aux corps et plus précisément ceux des femmes qu’elle peint souvent déformés ou disloqués. Dès son jeune âge, elle reproduit, des corps nus féminins sous l’influence de grands peintres. Adulte, elle puisera son inspiration dans les diverses chirurgies auxquelles elle assistera, pour contempler des corps liposucés, scalpés, transformés. Bien que certaines œuvres soient sujettes à controverse, son regard féministe sur les corps hautement réalistes, en fait la femme peintre aux œuvres les plus chères (si l’on excepte les œuvres d’artistes féminines vendues à titre posthume). En 2018, sa toile, intitulée Propped, a été vendue aux enchères 10,81 millions d’euros.

L’œuvre

Autoportrait expressionniste immense réalisé en contre plongée, par lequel l’artiste se représente nue, assise sur un tabouret, fixant le spectateur et s’observant elle-même. Elle montre un corps qui tend à bouleverser les critères de beauté actuels, et c’est tant mieux ! Écrite de droite à gauche et traduite en anglais, on peut lire, en arrière plan de sa toile, une citation de Luce Irigaray, « Si nous continuons à parler de la même manière, comme les hommes l’ont fait pendant des siècles, nous nous décevrons les uns les autres. »

La critique

En octobre 2018, Léa Polverini évoque la maltraitance de la peinture comme celle de la chair dans l’œuvre de Jenny Saville, « des va-et-vient entre la figuration la plus crue et l’abstraction la plus poussée.

Pour François-Xavier Trancart, en 2015, Jenny Saville maîtrise « la technique des grands peintres classiques à la perfection » et « sa représentation des corps n’en est pas moins profondément moderne et se fait le reflet des grandes problématiques de notre époque. »

© Laetitia Ky

2. Laetitia Ky et ses sculptures capillaires, 2016-2023

L’artiste militante à la chevelure sculptée et expressive

Jeune artiste ivoirienne, aux multiples talents, Laetitia Ky s’est fait connaître sur les réseaux sociaux grâce ses sculptures capillaires se voulant « femellistes ». Elle se met d’ailleurs à dos la communauté transgenre. Elle devient mannequin pour Élite par la suite, et écrit un ouvrage, Love and Justice, publié par EPA en 2023 en version française. Elle se lance dans une carrière d’actrice avec La nuit des Rois, drame fantastique de Philippe Lacôte, et d’autres projets.

Ses œuvres capillaires  

Brandissant un mégaphone capillaire pour porter plus haut et plus juste les voix des femmes, l’artiste se sert de ses cheveux pour s’exprimer en réalisant différentes sculptures capillaires, comme une balance, pour symboliser sa volonté d’égalité entre les hommes cis et les femmes cis…

La critique

Dans Harper’s Bazaar : « Troublée par une société qui lui inspire l’injustice, Laetitia Ky inscrit alors dans ses cheveux ses colères et ses revendications grâce à des fils de fer et des extensions. Elle y porte des messages tels que la lutte contre le sexisme ordinaire, le body shaming, les violences faites aux femmes… »

Ou encore dans Télérama: « Pour l’artiste (…), il s’agissait de se réconcilier avec son héritage africain et de combattre l’injonction esthétique du cheveu lisse, venue d’Europe. »

Sheng Keyi

3. Un paradis, Sheng Keyi, 2018, roman

L’écrivaine de l’Empire du Milieu pousse un cri d’alarme

Écrivaine chinoise de cinquante ans, elle publie quelques romans à succès tels que Le Goût sucré des pastèques volées en 2018 ou encore Un paradis, paru en 2016. Elle est traduite dans de nombreuses langues et est plusieurs fois primée (à l’exemple du Prix des 20 meilleurs romanciers du futur, et bien d’autres encore…)

L’œuvre

Un paradis est traduit en français aux éditions Philippe Picquier en 2018. Voici un lien pour se procurer cette œuvre féministe incroyable. On plonge au cœur d’une clinique pour mères porteuses et l’ambiance est franchement à la déshumanisation. Les femmes se voient accoler un numéro. Une histoire touchante contée par un personnage simple, naïf, innocent et dénonciateur de la violence patriarcale. Sheng Keyi nous offre une vision critique, sincère et crue de certains travers de la société chinoise.

La critique

Le journal Libération publie en 2018 un article de Marie-Agnès Blum, qui stipule à propos de « l’héroïne » : « la sensibilité de Pêche est au cœur du livre, si singulier, à la fois candide et perspicace, où l’humour fait souvent la nique au drame de cet univers abject. »

On peut lire dans Le Monde Diplomatique ces mots de Geneviève Clastres : « Un Paradis n’a effectivement rien d’un pamphlet documentaire. Au contraire, avec humour et subtilité, l’auteure nous plonge dans l’ambiance de la clinique, véritable allégorie de l’enfermement, nous livrant une extraordinaire fable satirique sur un monde dans le monde, microcosme dans le macrocosme, reflet d’une société cynique où seule la rentabilité fait loi. »

Grisélidis Réal © Collection particulière / D. R. / Archives littéraires suisses

4. Chair vive, Grisélidis Réal, 2022, recueil de poèmes

L’artiste, la prostituée révolutionnaire

Poétesse, peintre et travailleuse du sexe, Grisélidis Réal décède en 2005 à l’âge de soixante-quinze ans. Cette artiste suisse très controversée a souhaité que soit inscrit sur sa tombe cet épitaphe atypique, à son image : « Grisélidis Réal, écrivaine, peintre et prostituée. » Ainsi, elle repose au Cimetière des Rois à Genève où sa requête a été acceptée malgré les polémiques. Militante et femme de lettres, elle se forme à l’Ecole des Arts et Métiers de Zurich et est une fervente défenseur du féminisme. Elle est contre l’exploitation des femmes évidemment et revendique la prostitution libre comme un choix. Elle se dévoile dans ses œuvres littéraires militantes dans Le noir est une couleur, La passe imaginaire ou encore Chair vive. Elle écrit une chanson qui est interprétée par Jean Guidoni intitulée le carnet de Grisélidis.

Un ouvrage assez volumineux qui rassemble ses collages, dessins, peintures… paraît en 2016.

L’œuvre

Chair vive concentre en un recueil autobiographique des éditions Seghers, qui célèbre la femme libérée, des poèmes que l’artiste a écrits depuis ses jeunes années et ce jusqu’à sa mort. Ce recueil d’une centaine de poèmes, écrits en français et en allemand, est préfacé par Nancy Huston, figure emblématique du féminisme. Très soignée, sa poésie de forme classique contraste avec les thèmes abordés, prostitution, sexualité… Rompant le silence, elle souhaite une vision moins victimaire de la femme publique. C’est l’histoire d’une vie, entre incarcération, prostitution, créations artistiques picturales, graphiques, ode à sa mère et lutte contre le cancer.

Critique et postérité

Voici un lien vers un podcast, sur l’artiste, diffusé sur France Culture avec témoignage à la clé.

Encore sur France Culture, un autre podcast retrace l’œuvre poétique de cette autrice « reine du réel », hors du commun, qui crie tous les tabous. Voici une sélection de poèmes, dévoilés dans Chair vive.

Ana Tijoux

5. Antipatriarca, Ana Tijoux, 2014 (album Vengo)

La rappeuse franco-chilienne féministe aux chants célèbres

Ana Tijoux est une rappeuse d’origine franco-chilienne. Née en 1977, elle a aujourd’hui 46 ans et s’est lancée dès 2006 dans une carrière solo brillante après avoir trouvé le succès au sein d’un groupe, nommé Makiza. Activiste féministe elle est célèbre pour son combat pour les droits des femmes et l’égalité entre les genres.

La chanson

« Tú no me vas a humillar, tú no me vas a gritar

Tú no me vas someter, tú no me vas a golpear

Tú no me vas denigrar, tú no me vas obligar

Tú no me vas a silenciar, tú no me vas a callar ».

« Toi tu ne m’humilieras pas, toi tu ne me crieras pas dessus.

Toi tu ne me soumettras pas, tu ne me frapperas pas.

Toi tu ne me dénigreras pas, toi tu ne me forceras pas,

Toi tu ne me réduiras pas au silence, tu ne me feras pas taire ! »

Véritable hymne anti patriarcat, ce rap raisonnera dans vos oreilles comme un chant de gloire contestataire.

Écrit, entre autres, pour sa fille Emilia, ce rap se veut pédagogique et délivre un message féministe libérateur à destination de toutes les femmes opprimées, conscientes de l’être ou non. Le clip quant à lui est original puisque la chanteuse a sollicité plusieurs activistes en leur demandant de chanter et danser et de lui transmettre les vidéos pour un montage riche en émotions.

La critique

Sur TV5 monde, Laurie Fachaux vante les mérites de la rappeuse :

« Un style unique, qui porte la révolte des opprimés, récompensé par un Latin Grammy Awards, et l’équivalent de 3 Victoires de la Musique au Chili. L’un de ses tubes a même été repris dans la série Breaking Bad. »

François Vescia du magazine de Génération à Générations n’est pas moins enthousiaste :

« Ana Tijoux porte dans sa musique la vitalité et la révolte de l’Amérique latine. Ses textes, ses clips, les images de ses albums forment un défilé incessant. Elle charrie dans ses chansons toute la force des luttes populaires, leurs convergences, la ténacité des femmes, la volonté d’équité des jeunes, l’exigence de mémoire et de transmission des opprimés. »

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