Exposition « Extra Muros » aux Guillemins
C’est une exposition hors du commun qui se tient à la gare des Guillemins jusqu’au 5 novembre. Totalement inclassable, elle occasionne un remue-méninges bienvenu, qui ouvre une infinité de perspectives. Personne n’y restera indifférent. L’exposition « Extra Muros » aux Guillemins joue les prolongations jusqu’au 5 novembre et c’est tant mieux !
L’exposition « Extra-Muros », au-delà des murs
Dès qu’on pénètre de quelques pas dans l’espace d’ « Extra-Muros », on comprend que l’on va vivre une expérience tout à fait originale. La conception même de cette exposition est originale. Il s’agit d’un parcours immersif et interactif, source d’émotions, de réflexions pour qui le suit.
Les murs sont une thématique universelle, intemporelle, et polysémique. Si vous vous posez la question « Qu’est-ce qu’un mur ?», vous vous rendrez vite compte qu’énormément d’images vont surgir dans votre esprit. Le mot « mur » exprime une diversité de réalités, et fait exploser un imaginaire pratiquement infini.
Le choix des murs qui figurent dans l’espace de la Gare des Guillemins n’est pas dû au hasard. Il a été le fruit d’une intense réflexion, menée par le professeur d’histoire contemporaine, Philippe Raxhon, commissaire scientifique de l’exposition. C’est à lui que l’on doit les textes de l’audioguide qui accompagne chaque visiteur.
« Les murs ont des oreilles, nous allons leur donner la parole »
A quoi sert un mur ? Il peut protéger, enfermer, accueillir ou rejeter, nous dominer ou nous permettre de nous exprimer. Le mot même recouvre aussi bien un objet concret, qu’une métaphore à large déclinaison.
La polysémie de ce terme nous amène à voyager dans l’espace et dans le temps. Commençons par une simulation du Big Bang, et l’explication du mur de Planck, du nom du physicien allemand qui l’a défini. Celui-ci marque la limite de nos connaissances actuelles de l’origine de l’univers. Nous ne pouvons remonter qu’à 10-43 secondes avant le Big Bang. Mais impossible d’appréhender l’étincelle primale.
Dès cette première étape dans le parcours de l’exposition, on comprend que les murs sont concrets ou virtuels.
On se retrouve confronté à des murs de crânes exprimant la brièveté de la vie, au crâne qui est l’enveloppe protégeant le cerveau. Ensuite vient le labyrinthe qui exprime la souffrance, l’enfermement, l’oppression, tout comme la prison, les cellules capitonnées.
Les murs qui oppressent et enferment
La notion d’enfermement est ambivalente. On peut être enfermé pour être protégé, on peut se retrouver colloqué pour protéger les autres. On peut être reclus volontairement, ou être complètement enfermé par la volonté d’autrui. Avec comme exemple les ghettos.
Les murs peuvent aussi protéger. Des murailles s’élèvent dont l’objectif est la défense collective ou frontalière. C’est tellement inscrit dans l’histoire qu’un mot désigne l’art d’assiéger les villes fortifiées (la poliorcétique). On découvre alors de magnifiques photos de la Grande Muraille de Chine, des reconstitutions des remparts de Babylone et la célèbre porte d’ishtar. Parmi les murs protecteurs, on peut encore citer les limes romains, les murs d’Athènes qui ne résistèrent ni aux Spartiates, ni à la peste. Le Dannervirke, construit par les Vikings, fut consolidé au 12ème siècle, et servit encore à la défense de la région au 19ème. Citons encore les murailles de Lima, les fortifications de Vauban, la ligne Maginot, le mur de l’Atlantique…
Wall Street… pour l’anecdote
Artère mythique de New-York, Wall Street se trouve au cœur de Manhattan.
Mais pourquoi Wall Street ?
On propose deux origines pour ce nom emblématique. Au 17ème siècle, Wall Street est la limite fortifiée de la Nouvelle-Amsterdam. Cette implantation coloniale fut fondée à l’initiative de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Les colons ont érigèrent un mur de bois et de terre afin de se protéger contre les indiens Lenapes, mais aussi contre les incursions anglaises.
La deuxième hypothèse renvoie au premier propriétaire de l’île de Manhattan : Pierre Minuit, qui fut désigné comme gouverneur de la colonie par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Pierre Minuit étant d’origine hennuyère, il fut rejoint par de nombreux émigrants wallons qui s’installèrent là-bas. Wall Street aurait donc été à l’origine « Waal Straat », la rue wallonne.
Les murs qui séparent
Presque tout le monde a entendu parler du mur de Berlin. Mur de la honte pour les Allemands de l’Ouest, mur antifasciste pour les Allemands de l’Est, c’était en réalité une frontière fortifiée et militarisée de plus de 8000 kms courant de la Finlande à la Bulgarie méridionale. La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989 est l’un des événements majeurs du 20ème siècle. Ceux qui ont vécu ces moments sont toujours habités par l’émotion provoquée par les images télévisées de ce mur qui s’ébranle et s’écroule sous la poussée des habitants de l’Est qui se ruaient vers la liberté.
Les murs qui séparent sont aussi ceux qui séparent les riches des pauvres. Ils sont bien plus nombreux que ce qu’on pense habituellement. Il y a également ce « mur de la honte » à Lima, qui n’a rien à voir avec les anciens Incas. Il existe des murs de protection contre la délinquance, le mur anti-drogue à Padoue, les « gated communities » aux USA, qui isolent des habitants qui veulent à toute force vivre dans un environnement hautement sécurisé. Cela concerne plus de 8 millions d’habitants aux States.
Dans le monde, de nombreux murs s’élèvent avec des buts plus ou moins avouables. Plutôt moins d’ailleurs. Il y a un mur entre la Grèce et la Turquie, rempart anti-migrants, celui entre la Norvège et la Russie, le mur entre l’Angleterre et la France, afin de bloquer les migrants à Calais, le mur entre la Pologne et la Lituanie qui les séparent de la menaçante Biélorussie. Et que dire des murs autour des territoires palestiniens de la bande de Gaza.
Les murs de mémoire et ceux qui protègent
Loin de ces sombres desseins, les murs de mémoire témoignent de la présence du passé. Ils transmettent des valeurs humaines et un message historique. Ces murs font référence aux actions des hommes célébrées ou exécrées. Leurs portées sont très souvent extrêmement émouvantes. Qui peut rester insensible devant les ruines d’Oradour-sur-Glane ? Qui peut rester indifférent devant le mur des vétérans où 58.156 noms se succèdent pour illustrer l’horrible gâchis de la guerre du Vietnam. Ces murs gardent précieusement le souvenir de ceux qui, sans eux, n’auraient peut-être été que poussière oubliée.
Les murs libératoires
Les murs qui élèvent, ce sont aussi les murs supports d’expressions artistiques diverses. Les parois des grottes s’ornent parfois de magnifiques figurent venues du fond des âges. L’art pariétal témoigne de ce sens du beau qu’avaient déjà nos lointains ancêtres. Ce fil ténu nous relie à eux en traversant des dizaines de milliers d’années.
Depuis les années 60, les murs deviennent des supports d’initiatives artistiques plus ou moins talentueuses. Dans certaines villes, des fresques absolument magnifiques donnent un cachet tout à fait particulier à certains quartiers. Liège et Bruxelles, pour ne citer qu’elles offrent au regard des passants des œuvres absolument remarquables.
Les murs naturels
La nature aussi peut se montrer une artiste remarquable. Bien qu’elle soit menacée, la Grande barrière de corail est un écosystème époustouflant de beauté que les hommes étudient depuis longtemps. Aujourd’hui protégée des agressions autant que faire se peut, car elle doit être absolument préservée pour les générations futures.
Les hommes peuvent également se servir de la nature pour ériger des murs de protection inventifs et « écolo ». Le mur du piment est une méthode traditionnelle en Zambie qui dissuade les éléphants d’entrer dans les zones cultivées ou habitables. L’odorat sensible des éléphants s’accommodant mal du parfum des piments, ceux-ci se tiennent éloignés des villages et des cultures.
En Australie, une clôture de 5320 km reliant les Darling Downs dans le Queensland et la péninsule d’Eyre, protège les troupeaux de moutons des attaques des dingos. Il s’agit d’ailleurs de la plus longue clôture du monde.
Un support pédagogique incontournable
Vous l’aurez compris, l’exposition « Extra Muros » peut être visitée et appréciée par tout le monde. Chacun y trouvera matière à réflexion, et on en ressort forcément interpellé, remué. Plus qu’une autre, cette présentation du mur dans tous ses états va déclencher des cogitations infinies.
Elle est particulièrement indiquée pour un public scolaire. Les professeurs pourront s’en servir comme support pédagogique à de nombreuses activités. Le mur de Planck séduira les professeurs de physique, sans parler de l’intérêt que cette exposition a pour les professeurs d’histoire, de français, de géographie et bien entendu d’art plastique.
Le catalogue de l’exposition en offre une synthèse parfaite, tout en y ajoutant de nombreux détails. Réalisé avec soin, tant au niveau du texte que des photos, il s’agit d’un livre magnifique et vu son prix démocratique, ce serait vraiment dommage de se priver de cet ouvrage de qualité.
L’association Creahm
« Extra Muros » a permis à plusieurs associations et artistes de s’exprimer. Je m’en voudrais de ne pas terminer par les œuvres des jeunes du Creahm.
Le Créahm est une association dont l’objectif est de révéler et de déployer des formes d’art produites par des personnes souffrant d’un handicap mental. Leurs œuvres sont installées un peu partout sur le parcours de l’exposition, et les artistes ont un talent bien réel et bien personnel … et pour le coup, ils ont abattu, eux, bien des murs !
Tarifs :
Individuel : 17€
Senior (+65) : 15€
(7-18) & Etudiant : 11€
0-6 ans : Gratuit
PMR : 10€
Article 27 : 1.25€
Famille (2Adultes + 2 enfants) : 50€ (+6€/enfant sup.)
Groupe scolaire (>15pers.) : 6€ Réservation obligatoire
Groupe (>15pers.) : 11€ Réservation obligatoire
Escape Game : 15-25€ Réservation obligatoire