Mafalda l’Insoumise, le premier roman historique de Daniel Thierry. Une ode à la Liberté au temps de la Belle Epoque.

Tout comme les chats, Daniel Thierry a eu plusieurs vies. D’abord dans la haute finance, puis dans l’humanitaire, il est aujourd’hui le président de CARE Belgium, membre du réseau de CARE International, la plus grande ONG apolitique et adogmatique du Monde. C’est un esthète, collectionneur averti de peintures et de dessins anciens, avec une prédilection pour ceux de la Renaissance italienne.

Daniel Thierry est aussi un philanthrope soutenant de nombreuses causes dans lesquelles il s’engage personnellement. Il est associé à la gouvernance de plusieurs musées en France et à l’étranger.

Daniel Thierry © Constance le Hardÿ

Daniel Thierry, d’où vous est venu l’idée de ce roman ?

L’idée est très simple car elle est liée à une partie plus ancienne de l’histoire de ma famille, au début du vingtième siècle, et plus exactement en 1917-1918. A cette époque mon arrière-grand-père, Joseph Thierry, était ambassadeur de France en Espagne, un pays en proie aux traditions mais également épris de libertés. J’ai été fasciné par cet environnement politique très particulier. Dans ce roman j’ai modifié le nom de mon ancêtre et je l’ai appelé Henry de Tiliar, qui est l’anagramme de mon propre nom, Daniel Thierry.

Joseph Thierry a eu une belle carrière politique en France avant la guerre : Ministre des Finances, Ministre de la Guerre, Ministre des Travaux publics. C’est une période compliquée, et l’arrivée des socialistes au pouvoir l’a éloignée du Gouvernement alors qu’il allait être nommé Garde des Sceaux, c’est-à-dire ministre de la Justice. On l’a éloigné de Paris en le nommant malgré tout ambassadeur à Madrid, poste très important à cette époque où l’Espagne était très courtisée. C’était une manière de sortir la tête haute.

Joseph Thierry a présenté ses lettres de créances en septembre 1917, et il est décédé un an plus tard d’une épidémie qui a fait beaucoup de ravages, un peu semblable à ce que nous avons connu récemment, la Grippe Espagnole.

En ce temps-là, le jeune roi Alphonse XIII régnait sur l’Espagne qui était neutre, comme pouvaient l’être la Suède ou la Suisse. Très peu de pays étaient accrédités à la cour du roi d’Espagne, et celui-ci était essentiellement tiraillé entre deux ambassadeurs de poids. D’une part l’ambassadeur prussien qui était le duc de Ratibor, prince de Corvey, qui courtisait l’Espagne dans l’espoir de pouvoir accéder pour son pays aux ressources alimentaires espagnoles, voire celles en provenance du Maroc.

D’autre part, il y avait mon ancêtre Joseph Thierry, qui cherchait à rapprocher le royaume d’Espagne avec la France et ses alliés. Nous étions quelques années après la signature de l’Entente Cordiale en 1904. Lui aussi convoitait les ressources alimentaires de ces pays. D’ailleurs mon arrière-grand-père a rencontré plusieurs fois le maréchal Lyautey, le Résident général de France au Maroc.

Je possède encore les documents relatant les liens très étroits que ces diplomates entretenaient avec le roi. Ces deux ambassadeurs avaient pour mission de faire abandonner sa neutralité au roi Alphonse XIII. L’Allemagne était alors très isolée mais la guerre battait encore son plein.

D’un fait historique au demeurant assez mineur mais très bien documenté dans mes archives familiales, j’ai voulu faire un roman qui retrace la vie très riche et très somptueuse, de cette Espagne. Le roman ne se passe pas seulement à Madrid mais aussi en Andalousie ; il débute en Ecosse, à Naples et à Palerme.

L’Entente Cordiale de 1904, accord d’amitié entre la France et le Royaume-Uni © D.R.

L’année 1917 marque également le début de l’Emigration des Russes Blancs. Mon héroïne Mafalda navigue entre ces cours, entre ces différents lieux et pays, au gré de ses aventures sentimentales. Elle s’est retrouvée au cœur de ce monde politique, artistique et affectif. C’est une période passionnante d’ébullition marquée par un mélange à la fois de traditions séculaires et de bouleversements inouïs.

C’est donc une histoire de famille ?

D’une certaine manière, oui. C’était un temps où les fils mettaient leurs pas dans ceux de leur père, ce qui fait que mon grand-père, Adrien Thierry, est devenu à son tour diplomate, comme son père Joseph qui l’appela à Madrid à ses côtés. Après la mort de son père en 1918, mon grand-père Adrien Thierry épouse Nadine de Rothschild en 1919, la fille du baron Henri de Rothschild.

Chose curieuse, Adrien Thierry  sera alors premier conseiller à l’ambassade de France à Madrid. C’est ainsi que nous avons de très beaux portraits photographiques du roi Alphonse XIII et de son épouse la reine Victoire-Eugénie, dédicacés à mes grands-parents.

Mafalda a-t-elle vraiment existé ?

Autant les personnages historiques comme les deux ambassadeurs et le roi Alphonse XIII sont totalement véridiques et bien documentés, autant je me suis laissé une liberté littéraire pour créer certains personnages comme le conseiller du roi, Don Alfonso. Le jeune roi était entouré de nombreux conseillers. Il en avait besoin face aux exigences des deux puissants ambassadeurs. La cour d’Espagne veillait jalousement à conserver sa neutralité.

L’Ecosse mystérieuse d’où est originaire Mafalda © zigzagvoyages.fr

L’Espagne était alors riche car elle n’avait pas à fournir d’effort de guerre et ne s’était, par conséquent, pas appauvrie. Par contre, après 1918, l’Espagne a beaucoup souffert car, pendant que les alliés se redressaient rapidement des destructions de la Grande Guerre et prenaient de l’avance, les Espagnols, eux, perdaient de leur panache et connaissaient des difficultés financières. L’après-guerre est une période difficile, marquée par des actes  de terrorisme en Europe et aussi en Espagne, qui entraîneront finalement la chute du roi Alphonse XIII en 1931.

Mafalda est un personnage totalement imaginaire, avec une vie déjà bien remplie, voire cocasse, avant que ne commence son histoire en Espagne. Pour résumer, Mafalda est de père écossais et de mère sicilienne, chacun issu d’une grande famille de son pays. Du côté écossais la famille est plus imaginaire. Cela va bien avec les fantômes, les landes battues par les tempêtes ; on sent que le vent balaie cette vie et crée des origines imaginaires.

La Sicile, l’autre patrie de Mafalda © D.R.

Par contre les origines siciliennes de sa mère, malgré l’imagination, laissent pressentir des attaches très ancrées dans l’aristocratie sicilienne. Je cite à un moment Le Guépard parce que cela correspond parfaitement à l’époque. Mafalda est très belle, séduisante et très intelligente. Elle a toutes les qualités dont un homme peut rêver.

Daniel Thierry, Mafalda est votre premier roman historique ?

C’est en effet mon premier roman, mais pas mon premier ouvrage. Après avoir quitté mes autres activités professionnelles je me suis consacré depuis quelques années à l’écriture. J’ai écrit un livre très documenté sur la vie du grand artiste typique du romantisme anglais, William Blake. Ce livre est paru en 2022 et s’intitule William Blake l’artiste prophète. Il a vécu lui aussi à une période très riche en événements artistiques et politiques. J’ai voulu faire une petite coupure dans mes écrits relatant la vie d’artistes et me suis lancé dans l’aventure de ce roman.

Mafalda l’Insoumise. Dessin de Jean-Gabriel Domergue © L’Horizon Chimérique

Le titre, Mafalda l’Insoumise, signifie qu’elle est insoumise aux règles conventionnelles de son temps. Il y a cent ans et plus, le monde était très traditionnel, très conventionnel. Veuve plusieurs fois, on attend d’elle qu’elle se noie dans son chagrin, qu’elle soit inconsolable et confite en dévotion, et prenne un deuil éternel.

Mon personnage ne répond pas du tout à ces attentes et ne sombre pas dans le désespoir. Mafalda aime la vie, elle aime les hommes et tombe amoureuse facilement en étant attirée par des personnages non conventionnels, comme elle. C’est une femme vivante et attachante.

Mafalda L’Insoumise, par Daniel Thierry, aux éditions L’Horizon Chimérique, 2023, 15 €.

Pour commander le livre vous pouvez écrire à cette adresse : angelique.franck@gmail.com

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