« Les enfants du Potemkine », une histoire vraie plus belle qu’un roman
Olga, femme libre et indépendante, traversera le XXe siècle avec panache et fantaisie, malgré les difficultés d’une époque terriblement troublée. « Les enfants du Potemkine » est l’histoire vraie d’une vie romanesque.
André Waedemon–Baugniet publie son premier ouvrage « Les enfants du Potemkine, Les chemins de l’exil » et on peut dire que c’est une réussite. Ce livre est une véritable bouffée d’air, d’optimisme et de vivacité dans notre quotidien parfois un peu terne au sortir des fêtes de fin d’années et dans l’attente d’un printemps qu’on espère. D’une plume légère, il retrace l’histoire d’une femme qu’il a profondément aimée et admirée, sa mère. Il y fait dialoguer de façon très touchante les mémoires de celle dont il peint le portrait et son propre ressenti sur sa vie.
Olga, femme fantasque, fantaisiste, indépendante et incroyablement libre grâce à sa vie nomade, permet à l’auteur de se replonger dans le siècle dernier : de la révolution bolchevique de 1917, à la montée en puissance des dictateurs Mussolini et Hitler.
Un XXème siècle qui ressemble étrangement à notre époque mouvementée où la guerre éclate de toutes parts, où l’économie a du mal à rester stable, où le coût de la vie augmente en même temps que l’extrême droite progresse.
Cette femme à l’esprit aventurier, par sa beauté et son intelligence, a participé à l’histoire avec un grand H dans l’ombre des géants de son époque, tombés sous son charme. C’est ainsi que les souvenirs d’Olga mêlent la petite et la grande histoire sans distinction, passant ainsi de l’anecdotique au légendaire.
Née en 1902 dans une riche famille d’Odessa, Olga Stepanovna passe les années de sa petite enfance entourée de sa famille aimante, douce, cultivée et attentive, ainsi qu’avec Adia, sa nourrice avec qui elle restera en contact jusqu’à sa mort. A peine sortie de cette enfance heureuse, les péripéties et les malheurs de la révolution russe s’abatteront sur eux. Sa famille est alors obligée de tout quitter pour rejoindre d’autres cieux, moins hostiles à l’élite d’autrefois.
Première étape : Constantinople, sous le règne de Mehmed VI, dernier sultan de l’Empire Ottoman et de son grand vizir Damat Ferid Pacha qui demandera d’ailleurs la jolie héroïne en mariage. Olga décline poliment cette proposition digne d’un conte des mille et une nuits. Rêvant d’aventures et de nouveaux horizons, elle replie bagage. Bien lui en a pris. . .
Damat Ferid quittera sa charge de grand vizir quelques mois plus tard lorsque les Anglais s’emparèrent de Jérusalem et de Bagdad. L’Empire Ottoman s’écroulera aussitôt emportant les splendeurs des héritiers de Soliman le Magnifique dans sa chute.
C’est à Rome qu’Olga et sa famille déposeront ensuite leurs malles; là ils retrouvent d’autres Russes Blancs. Organisés en un formidable réseau d’entraide précurseur de la futur UNR (Union de la Noblesse Russe, crée en 1925 et qui existe encore actuellement), Olga va collaborer avec un antiquaire afin de revendre à bon prix les icônes, les fourrures et les émeraudes de ces exilés en quête d’argent.
Sous le soleil italien, à l’Hôtel Excelsior et puis dans la Pension Flora, la famille d’Olga renoue avec une vie simple et apaisée. Mais à peine la douceur de vivre retrouvée, il faut déjà repartir sur les chemins de l’exil. La fureur mussolinienne arrive à petit pas. Olga avait perçu les mêmes signes avant-coureurs d’un futur désordre dans le pays des Borgia que ceux qu’elle avait déjà vécus à Odessa, cinq ans plus tôt.
C’est sans trop d’amertume qu’elle se résout à abandonner le ténébreux prince Bentivoglio lequel, tel Philippe de Plessis-Vaudreuil dans « Au Plaisir de Dieu » de Jean d’Ormesson, se laissa tenter par le fascisme et ses promesses d’avenir. C’est à Berlin qu’elle s’installe auprès de son frère qui écrit des articles pour des journaux russes. Là elle devint assistante auprès du consul d’Italie, et elle retrouve sa nourrice Adia, comme une madeleine de Proust de sa vie d’avant.
Direction ensuite Varsovie pour épouser Kazimierz Razcinski, issu d’une longue lignée de banquiers, mais cette brève installation releva plus du séjour que d’autre chose : la rigidité et les nombreux interdits de sa belle-famille n’étaient pas pour plaire à une femme qui place sa liberté aussi haut, on n’enferme pas un oiseau dans une cage. Finalement, après un court retour en Allemagne où l’antisémitisme et le nazisme commencent à se répandre, Olga quittera son poste auprès du consul et déménagera une dernière fois.
C’est dans notre beau royaume qu’Olga trouvera le repos et l’amour d’un fils qui le lui rendra bien en écrivant ce livre 20 ans après la mort de cette dernière. Olga s’est éteinte en l’an 2000, avec le siècle.
Espérons que l’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, et qu’il continuera à partager avec nous son intérêt pour l’histoire intime, sans laquelle la grande histoire ne serait qu’une accumulation de dates et de faits sans profondeur humaine.
Pour vous procurer ce magnifique ouvrage, Les enfants du Potemkine, 262 pages, cliquez ici.
L’ouvrage est aussi disponible à la Librairie de l’Espinette Centrale, 332 Avenue de la Forêt de Soignes, 1640 Rhode St Genèse
La fameuse scène du landau sur les escaliers d’Odessa, tirée du film tourné en 1925, « Le Cuirassé Potemkine » :