Haralampi G. Oroschakoff, Visages des Frontières
Haralampi G. Oroschakoff décrit avec poésie et en couleurs la diversité des nations qui composent un Orient multiethnique, de l’Europe Orientale aux confins de la Chine, en passant par l’ancien Empire ottoman, créant un pont au-dessus des frontières.
Haralampi G. Oroschakoff connaît bien le sujet qu’il aborde, il est lui-même issu d’un mélange rare de peuples et de nations orientales. En travaillant sur la diversité des peuples c’est un peu de lui-même qu’il nous livre, et avec quel talent ! Dans son bel ouvrage d’art intitulé Visages des Frontières, il nous raconte son enfance bousculée, en raison notamment des ses origines multiples.
Haralampi G. Oroschakoff : « Fils d’émigrés biélorusses installés en Bulgarie, qui durant la prise du pouvoir communiste à Sofia en 1944, avaient été élevés au rang d’ « ennemis du peuple », je grandis jusqu’en 1960 dans la petite maison de mes grands-parents Ugrin à Krasno-Selo, à l’ouest du centre-ville. Dans le petit jardin de l’usine dont mon grand-père avait été exproprié, j’écoutais chanter ma grand-mère macédonienne Milena. Elle me racontait l’histoire de la terrifiante Baba Jaga ou de sa famille aux lointaines ramifications, des églises et des monastères situés entre Égypte et Moldavie dans ce légendaire Empire ottoman, de la façon dont on peignait les icônes sculptait les iconostases, fixait les dorures selon des techniques ancestrales transmises de père en fils. »
« Un jour ma grand-mère me montra l’image jaunie d’un beau jeune homme en costume arnaoute-ottoman et me dit doucement: « C’est Lord Byron. Il était amoureux de mon arrière-arrière-arrière-grande-tante, Teresa Makri. C’était à Athènes, alors qu’il allait à Missolonghi mourir pour la liberté de l’Hellas. »
Ces quelques années passées à Krasno Selo ont laissé dans mon cœur une diversité, une splendeur de couleurs et de sons dont je ressens encore les effets aujourd’hui et qui rendent l’étroitesse, cette forme si intrusive, si rabâchée du contrôle de notre temps, tout juste tolérable. »
« Depuis près de quarante ans je travaille sur l’actualisation de la spiritualité et de la poétique orientales. L’Empire russe multiethnique a été lié à l’autre grande puissance eurasiatique, l’Empire ottoman, dans des discussions autour de l’héritage byzantin comme dans des rivalités vieilles de plusieurs siècles. S’y agrègent les royaumes de Serbie et de Bulgarie, et les principautés danubiennes orthodoxes de Moldavie, Valachie et Bessarabie.
Dans mon oeuvre Dandolo j’ai choisi pour thème la prise ignominieuse de Constantinople en 1204 par les chevaliers vénitiens et français de la Quatrième Croisade. L’abus de la Sainte-Croix et l’attachement hypocrite à la Jérusalem chrétienne, la haine enflammée d’une culture différente et supérieure : cet événement a marqué le triste début de blessures mutuellement infligées dans cet enchevêtrement d’interminables malentendus entre les mondes post-byzantin et post-latin. «
« En 1988 j’ai commencé à constituer une archive des différents peuples du monde oriental sans faire de distinction entre les immensités de l’Empire ottoman et russe. Plus de la moitié des peuples représentés sont présents dans les deux empires et manifestent une sensibilité commune en terme de costumes traditionnels, de lignes ornementales et d’abitus, à l’instar de leurs langues apparentées, même si celles-ci, dans cette origine commune des mots, peuvent exprimer dans le doute des choses opposées. Autrement dit, le langage s’avère un moyen de communication inadapté lorsqu’on ne peut ou ne veut pas se comprendre, tout comme il est indépendant des nationalismes fluctuants. »
« La collection comprend différentes tailles-douces, gravures à la pointe sèche et photos, ainsi que des dessins que j’ai rassemblés lors de mes multiples voyages et projets d’exposition en Europe méridionale, dans la Fédération de Russie et dans le monde trukmène, et que j’ai colorisés, poursuivis ou achevés de la manière la plus appropriée pour ces œuvres. J’ai relevé ces empreintes à la façon d’un ethnographe, à la recherche d’une diversité submergée dans un monde toujours plus opaque et problématique, afin de les ancrer dans l’espace comme réalités objectivables par le langage de l’art. »
Haralampi G. Oroschakoff, Visages des Frontières, Edition Lombard, 2022. Ouvrage quadrilingue, 268 pages.
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Vivez les grands déracinements de l’Europe Orientale dans le livre « Les Enfants du Potemkine ».