La Chute de la Maison Husher : Le coup de tonnerre de Mike Flanagan
Il est de notoriété publique que le réalisateur américain Mike Flanagan est réputé pour faire des mini-séries d’horreur bien ficelées, et bien avec La Chute de la Maison Usher le maître a encore frappé, et pas de main morte…
Le pitch ? Roderick Usher invite un vieil ami à passer quelque temps dans sa maison, se sentant obligé de lui confesser quelque chose de grave, en effet lui et sa sœur jumelle sont fort malade, et cette dernière est au sous-sol déjà décédée. Au fur et à mesure que le temps passe, l’atmosphère devient pesante et l’invité à des doutes quant au dire de Roderick concernant la hantise de la maison, et ce, jusqu’au climax final.
Ça, c’est le synopsis du livre, la question reste, comment adapter une nouvelle et non un roman complet ? Surtout que cette histoire a déjà été adaptée quelques fois, et pas des moindres. En 1960, le mythique réalisateur de film de genre Roger Corman adapte la nouvelle de manière assez prodigieuse, le tout en s’inspirant des travaux de Marie Bonaparte qui a consacré trois volumes sur Edgar Allan Poe à travers le prisme psychanalytique de Sigmund Freud. Engageant Vincent Price dans le rôle principale, l’esthétique de Corman se rapproche fort des films de la Hammer Production et permet au réalisateur d’entamer un cycle de sept films basés sur les œuvres de Poe. Bouclant le tournage en seulement quinze jours avec une efficacité redoutable, le film reçoit un très bon accueil et engrange plus d’un million de dollar de recette. Le duo Roger Corman/Vincent Price reviendra à plusieurs reprise, notamment dans La Chambre des Tortures, et leurs collaborations nourrira beaucoup George Lucas, Guillermo Del Toro, Peter Jackson et bien sûr, Tim Burton.
Conscient du succès de cette adaptation fidèlement scénarisé par l’écrivain Richard Matheson (Je suis une légende, L’Homme qui rétrécit…), Mike Flanagan ne peut que drastiquement s’en éloigner. Flanagan fera quelque subtiles allusions au maître du genre ainsi qu’à sa propre filmographie au détour d’une scène, cependant le choix -judicieux- de diriger Bruce Greenwood, dont la physionomie est fort similaire à celle de feu Vincent Price, n’est pas un hasard.
La Chute de la Maison Usher : une adaptation modernisée
Netflix et Mike Flanagan ayant déjà prouvé par le passé leur capacité de créer des mini-séries croustillantes basé sur des œuvres littéraires classiques revisité avec les enjeux du XXIe siècle, il était évident qu’ils remettent le couvert. Mais moderniser Edgard Allan Poe n’est pas chose aisée, conscient de la difficulté de la tâche, Mike Flanagan décide d’entremêler plusieurs histoires du célèbre écrivain en une série, La Chute de la Maison Husher étant le fil rouge de toute l’histoire. Se succéderons donc, Sur le Minuit Lugubre, Le Masque de la Mort Rouge, Un Assassinat dans la Rue Morgue, Le Chat Noir, Le Cœur Révélateur, Le Scarabée Doré, Le Puit et le Pendule et bien entendu Le Corbeau.
Fort du succès de la mini-série Dopesick (Hulu 2020) sur le scandale pharmaceutique de l’Oxycontin dû au mariage entre Pfister et Purdue Pharma et de son équivalent télévisuel produit par Netflix : PainKiller, Flanagan part de là pour critiquer le pseudo self made man qu’est Roderick Husher assis sur une sacré fortune au détriment d’une montagne de cadavres décédé d’overdose et d’addiction à son médicament.
L’histoire commence par le procès de la famille Usher, à l’instigation du détective Auguste Dupin déclarant avoir une taupe caché dans la famille Usher. De là, s’ensuivent une suspicion sans borne et une suite de morts macabres attendant chacun des membres de la toxique famille. S’ajoute à cela le fameux Arthur Gordon Pym, célèbre aventurier créer par Poe en 1838, retraçant une expédition pseudo-réel aux confins de l’Antarctique, qui influencera fortement H.P Lovecraft et Jules Verne. Il est ici joué par le vénérable Mark Hammil (Luke Skywalker),prenant plaisir à interprété l’avocat tout-puissant et dangereux de la famille Husher.
Quant au célèbre détective Charles August Dupin, premier du genre dans la littérature policière, père de l’inspecteur Lecoq et surtout de Sherlock Holmes, il est interprété ici par l’acteur Afro-américain Carl Lumbly. Là ou un détective raffiné et caucasien semble tout à fait contemporain aux idées et aux mœurs d’Edgar Allan Poe au 19è siècle, un inspecteur noir plein de fougue et d’espoir semble tout à propos dans le 21è siècle actuel. S’ajouterons comme thématique moderne voulue par le réalisateur, la crise climatique, la corruption des patrons d’entreprise, la pauvreté, les cruelles expérience scientifiques sur des animaux vivant, le désir d’immortalité, et bien sûr les médias conservateurs actuels.
En gros, le pari risqué semble payé pour Flanagan qui réussit l’exploit d’habilement entrecroiser les œuvres de Poe, de parler de thématiques actuelles tout en gardant l’essence de l’écrivain et semant l’histoire de références très subtiles et aux livres de Poe.
Le Corbeau : lire entre les plumes
Œuvre central dans la Littérature d’Edgar Allan Poe, le Corbeau reste un poème très célèbre qui a été disséqué en long, en large et en travers et reste aujourd’hui toujours étudié par les aspirants linguistes et étudiants en lettres. Inspiré par Charles Dickens, les écrits bibliques et la mythologie nordique, Le Corbeau est l’œuvre la plus représentative de la vie, des écrits et de la psyché d’Edgar Allan Poe. Il est évident que le poème inspira de nombreux artistes en passant par presque tous les arts. Illustré par Manet, Mallarmé ou Gustave Doré, chanté par Gainsbourg ou déclamé par Sir Christopher Lee adulé par Tim Burton jusque dans sa récente série Mercredi, ou exquise par The Pale Blue Eye, Le Corbeau est atemporel.
Mais qu’en est-il de ce poème dans la version Flanagan, difficile en effet de moderniser un monologue se déroulant à huis clos. Le Corbeau prend ici forme humaine en la personne de Carla Gugino, avec son personnage de Verna (anagramme de Raven), oiseau de mauvais augure présent dans toute la série et instigatrice de chaque mort de la famille Usher, elle prend parfois sa forme initiale et reste par son croassement , là à rappeler que le sablier est presque vide pour Roderick Usher. La fameuse Lenore est, elle campée par Kyliegh Curran en seul personnage intègre et juste dans cette famille de corrompu, au point même que Roderick admire sa personnalité.Quant au fameux vers Nevermore, il est modernisé de manière assez juste quoique perturbante pour les puristes de Poe. À vos plumes…
Flanagan et l’horreur : un très bon mariage
Mike Flanagan est un réalisateur américain né le 20 mai 1978 à Salem (ça ne s’invente pas) dans le Massachusetts. Bien qu’il n’y ai vécu que très peu de temps, il déclare que la présence permanente d’histoire de fantôme et de légende urbaine l’on profondément marqué ainsi que ses recherches sur le tristement célèbre procès des Sorcières de Salem.
Il déménage ensuite dans le Maryland où il intègre un lycée Catholique de l’Archevêque Martin John Spalding avant d’aller à l’Université de Towsond’où il sortira diplômé d’un Bachelier en Arts avec une maîtrise dans la section Media Électronique, Films et Théâtre.
Concentré sur les mélodrames pendant ses études, il reconnaîtra par la suite que ses courts-métrages n’étaient pas suffisamment intéressant pour être commercialisé ou même vu, mais que cette expérience lui a appris beaucoup de choses.
En 2006 il réalise un court-métrage du nom d’Occulus, matériel de base à une série de courts-métrages se suivant les uns les autres tels des chapitres, à l’instar d’une mini-série. Avec ce film, Flanagan prouve sa capacité se plier aux codes des films d’horreur et avec son budget minime de 1 500 $, obtint un certain succès dans différents festivals et aiguise la curiosité de certains producteurs, mais refusent la proposition de Flanagan d’adapter son histoire en long-métrage. Frustré, Flanagan se tourne vers une plateforme de Crowdfunding pour réaliser Abstentia avec seulement 70 000 $, n’ayant droit qu’à une sortie DVD, le film gagne cependant en popularité lorsque le géant Netflix rachète les droits et rencontre l’artiste prometteur. Il sera finalement autorisé à faire d’Occulus un long-métrage en 2013 avec Annalise Basso avec qui il retravaillera deux ans plus tard et le film eu un petit succès.
Après quelques déboires financiers dû à la production du film Before I Wake la même année qu’Oculus, Flanagan retombe brièvement sur ses pattes avec Hush en 2016, thriller assez bien ficelé qui lui permettra de rencontrer sa futur femme Kate Siegel.
Le léger succès de Hush lui ouvre les portes de Netflix qui lui propose d’adapter Gerald Game, nouvelle de Stephen King avec la bénédiction de l’auteur. Suffisamment déroutant et maîtrisé de bout en bout, avec les prestations très juste de Carla Gugino et de Bruce Greenwood le film est plus que bankable pour Netflix.
C’est donc avec l’adaptation moderne du classique d’horreur gothique de Shirley Jackson The Haunting of Hill House sorti en 1959 que Flanagan attire l’attention du public et des studios. Produit par Netflix, la série recevra les louanges de Stephen King en personne, clamant que l’autrice aurait beaucoup aimé cette version, à cela s’ajouterons les félicitations de Quentin Tarantino.
Encensé par le maitre du roman d’horreur contemporain Stephen King, ce dernier lui donne le feu vert pour la difficile adaptation de Docteur Sleep, la suite de Shinning avec Ewan McGregor, Rebecca Ferguson et Kyliegh Curran. Assez bien reçu, mais décevant pour les fans de Kubrick, Flanagan enchaîne une seconde mini-série horrifique (toujours pour Netflix), avec The Haunting of Bly Manor, basé sur le livre d’Henry James Le Trou d’Ecrou, roman gothique paru en 1898. Nouveau hold-up, nouvelles acclamations et retour quasi-identique du casting de Hill House.
Définitivement engagé par un contrat télévisuel avec Netflix, Flanagan empile avec une mini-série (original cette fois) avec Midnight Mass, fable sociétale sur le fanatisme religieux, le deuil, le pardon et la vision de la vie et de la mort sur une île perdue au large des côtes Étatsuniennes. Repoussée dû à la pandémie de Covid-19, la série prévu en 2019 sort finalement en 2021 et reçoit d’excellentes critiques.
Revenant aux adaptations, Flanagan adapte Christopher Pike avec Midnight Club en 2022, avec un casting rafraichi par de nouveaux comédiens et comédienne. L’accueil est cette-fois ci mitigé, ce qui gêne Netflix, car une fois n’est pas coutume, il s’agissait de faire une suite, qui n’aura malheureusement jamais lieu. Qu’à cela ne tienne Flanagan annonce dès le non-renouvèlement de Midnight Club, être déjà en train de plancher sur l’adaptation de La Chute de la Maison Husher, et nous y sommes.
Fidèle à Stephen King, il est annoncé qu’il adaptera plusieurs œuvres du célèbre écrivain, dont The Dark Tower, mais cette fois-ci en contrat avec Universal puis Amazon.
Considérer comme un nouveau maitre de l’horreur, figurant à trois reprise dans la prestigieuse liste de la mini-série 101 Moments les Plus Effrayants du Cinéma d’Horreur, de la production indépendante Shudder. Flanagan a reçu les applaudissements de nombreux maitres y compris le réalisateur du film culte l’Exorciste, William Friedkin et à rencontrer sa star Guillermo Del Toro, promouvant l’un et l’autre leurs mini-séries respective Le Cabinets des Curiosité et Midnight Club.
On ne change pas une équipe qui gagne
Mike Flanagan est réputé pour travailler avec (plus ou moins) la même brochette d’acteurs et d’actrices au fil de ses mini-séries d’horreur jalonnant le catalogue de Netflix. Outre sa femme et la mère de ses enfant Katie Siegel présente à chaque fois, on retrouve ce cher Henry Thomas (E.T L’extraterrestre) qui semble retrouvé sa notoriété passée depuis qu’il collabore avec Flanagan. S’ajoute les habituel Zach Gilford, Raoul Kholi, T’Nia Miller, Samantha Sloyan, et Katie Parker déjà présent à gauche à droite dans les précédentes ouvres de Flanagan.
Les trois jeunes Aya Furukawa, Sauriyan Sapkota et Ruth Codd, rescapés de Midnight Club, viennent compléter le casting accompagné de Kyliegh Curran, qui a bien grandi depuis Docteur Sleep. La Guest-star de la série n’étant autre que Carla Gugino (Spy Kids) dont la présence hante constamment la série, de la même manière qu’un tueur en série genre Silence des Agneaux, Seven ou No Country For Old Man.
Cerise sur le gâteaux, les amateurs de films d’horreur ne bouderont pas l’inventivité et le macabre proche du gore que Flanagan réserve à ses personnages, faisant référence à la quasi-totalité des films d’horreur antérieurs à la sortie de la série.
Bande-annonce en FR :
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