Marseille, « Festival Oh les beaux jours ! », la littérature enchantée
« Frictions littéraires à Marseille » tel est le nom en exergue de « Oh les beaux jours ! » qui se tenait du 22 au 26 mai dernier. C’est qu’il s’agit durant ce festival de se frotter aux livres sous toutes leurs formes sans par exemple tenir la Bande Dessinée à l’écart de cette grande reine qu’est la littérature. Une reine encore trop souvent juchée sur son piédestal mais qui lors de « Oh les beaux jours ! » quitte son trône pour être questionnée, pour se laisser revêtir de musique avec même l’invitation à nous endormir alors qu’elle parle…
Les siestes acoustiques
Entre désacralisation de la littérature et retour à l’enfance, le concept des « siestes acoustiques » remporte un vif succès depuis plusieurs éditions. Un oreiller sous la tête et un coussinet sous le fessier, vous voilà confortablement installé pour vous laisser porter par des voix et des notes délicates propices à des rêves souples…
Un festival au cœur de Marseille © Oh les beaux jours !
A l’honneur cette année, Rémi Baille nous a lu quelques pages de son dernier roman « Les enfants de la crique », accompagné d’Albin de La Simone, Bastien Lallemant, Maeva Le Berre au violoncelle, Mocke à la guitare. Ni auteurs, ni musiciens ne s’offusquent d’entendre les respirations apaisées du sommeil dans une des petites salles du Conservatoire Régional Pierre Barbizet. Au contraire !
Le Conservatoire Régional Pierre Barbizet © Oh les beaux jours !
Une littérature métissée de musique, Dominique Ané
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce Conservatoire a accueilli entre et à l’extérieur de ses murs nombre de lectures musicales. Mais d’autres lieux emblématiques de Marseille se sont prêtés au jeu dont le Théâtre de la Criée qui dans sa salle Ouranos vendredi 24 mai dernier a reçu le musicien-compositeur-chanteur Dominique A entouré de Lou et Mahut pour nous donner à écouter des fragments du recueil de poésie « Présent impossible » que le chanteur a signé de son nom avec toutes ses lettres : DOMINIQUE ANÉ.
Les poésies de Dominique Ané © Oh les beaux jours !
« Le présent impossible », tels sont les mots qui titrent le recueil, mots que l’on retrouve au détour d’une page dans le poème « Ciel d’avant » :
Au-dessus de la cour / un bout de ciel s’accroche / rien à voir, et pourtant /c’est un ciel d’avant qui surgit / ce sont des champs portés haut / des rubans de céréales / une boutique de souvenirs / Là, le présent est impossible / Qui pourrait alors dire : / « J’y suis » ? / Mais comme le ciel est bas… / Ils résonnent comme des mots doux qui s’entrechoquent en apesanteur invoquant des nuages d’images.
« J’écris des poèmes pour prolonger les moments et pensées éphémères » écrit Dominique Ané en lettres manuscrites qui introduisent l’ouvrage illustré par les dessins d’Edmond Baudoin publié chez l’Iconopop.
Dominique A que l’on a retrouvé dimanche 26 mai au Fort Saint-Jean avec son « nouveau groupe de vieux » a-t-il dit en introduisant Memento composé de Sébastien Boisseau, Stephan Oliva, et Sacha Toorop. Le groupe de jazz a mis tout son talent à servir les textes de Jean-François Mondot, inspirés de l’œuvre de Patrick Modiano dont l’univers navigue entre réel et imaginaire aux confins d’un passé aux accents de présent… une tonalité de genre alliée à une plume épurée qui ont sans doute séduit le poète Dominique Ané, le chanteur-compositeur Dominique A, qui dans l’obscurité sertie de faisceaux de lumières du fort Saint-Jean, jouait de la voix qui s’étire jusqu’au bout de ses mains pour dessiner de graciles chansons.
Une littérature métissée de musique, Marie Darieussecq
Mais Dominique A n’a pas clôturé seul le festival « Oh les Beaux jours ! ». Marie Darrieussecq l’avait précédé sur scène avec à ses côtés l’énergique duo Namoro pour faire entendre la bande-son eighties de « Fabriquer une femme ».
Marie Darrieussecq au festival « Oh les beaux jours ! » © Oh les beaux jours !
Avec humour et sensualité, la romancière a éprouvé un plaisir raffiné à nous lire pendant une bonne heure plusieurs des passages de son dernier ouvrage ponctués de répliques offertes par Billi Bellegarde quand la performeuse Mascare s’activait derrière les platines, DJ qui elle aussi soufflait quelques mots par ci par là. Les fragments se sont succédé entre cliquetis de clochette pour nous guider dans la chronologie de ce roman musical et féministe. Un féminisme qui explose avec notamment la lecture d’une scène d’accouchement dans toute son horreur, le lot de beaucoup de femmes dans les années 80, le lot plus désolant encore de sa jeune protagoniste Solange avant que le duo Namoro ne prenne le relais dans un éclaboussement vocal et sonore à l’esthétique électrisante.
« Oh les beaux jours ! » partiellement goûté cette année, présage d’une prochaine édition que je ne manquerai pas de dévorer l’année prochaine !