Saint-Raphaël, Port d’attache de la langue française
La Semaine de la langue française 2025, du 15 au 23 mars, et la Journée internationale de la Francophonie sont déjà derrière nous. Mais cette courte période n’est que le tremplin d’une formidable série d’actions en faveur de notre langue française, notre patrimoine commun, à Saint-Raphaël.
Le maire Frédéric Masquelier (LR) de cette ville côtière du Var en est un fervent défenseur et souhaite inclure tout le monde dans cette dynamique qu’on ne peut que saluer. Et on aimerait tant que nombre d’autres villes de tous les pays francophones -y compris la Belgique -emboitent le pas de cette localité en pointe qui fait rêver ! Tant par son cadre idéal que par sa vie culturelle foisonnante et richissime.

Saint-Raphaël, une ville idyllique au bord de la Méditerranée © Photo Ville de Saint-Raphaël
Et par son patrimoine multiséculaire, comme la Basilique Notre-Dame-de-la-Victoire. Mais le sujet de cette chronique est avant tout le lien privilégié de Saint-Raphaël avec la langue française, et non, ici, son inestimable potentiel touristique bien connu.
Saint-Raphaël lance un plan d’action ambitieux pour la défense de la langue française
Le 20 mars, soit la Journée internationale de la Francophonie, un grand plan d’action a été annoncé par la mairie en faveur de la langue française. On sait qu’elle souffre et même d’autres langues articulées comme l’anglais. Je fais notamment allusion à cette série Netflix à succès Adolescence où on constate que les jeunes se mettent à beaucoup plus communiquer par des emojis qui tendent à remplacer le langage sur les réseaux sociaux. Soit une sorte de novlangue qui quitte la graphosphère, sans mots et inaccessible aux non-initiés plus âgés. Et qui peut entraîner de graves dérives, dénoncées dans cette série-événement…
Donner et redonner le goût du langage articulé et même d’une certaine complexité, qui respecte et exprime l’expression de la pensée, est une préoccupation authentiquement progressiste. Même si la communication par emojis et autres s’y ajoute. Mais elle ne peut remplacer l’écriture. L’amour du français, sans «si» et sans «mais» doit être œcuménique et offert à toutes les catégories de la population, y compris immigrée de longue ou fraîche date, de toutes conditions socioéconomiques, de toutes confessions. Toute question politique et idéologique étant enfin mise à part, pour changer. Pour ne pas instrumentaliser la langue française.

Certes il s’agit d’un très bel idéal qui ne peut jamais se concrétiser totalement. C’est comme un horizon que l’on voit et vers lequel on se dirige sans jamais l’atteindre. L’important est de se rendre dans la bonne direction avec la volonté de n’exclure personne. Et de donner l’exemple…
Les premières manifestations à Saint-Raphaël
Cette année, un grand cador authentique de la vie intellectuelle française, a été convié par la mairie à donner le coup d’envoi de cette célébration permanente de notre langue. Cela le 20 mars, soit la Journée internationale de la Francophonie. Michel Zink, membre de l’Académie française, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur au Collège de France et spécialiste reconnu de la littérature française médiévale, a donné une conférence intitulée « La défense et l’illustration du français » au Palais des Congrès.
Le 29 mars, dans le même lieu, une Dictée pour tous a rassemblé pas moins de quatre cents participants ! Le concept de « La Dictée pour Tous » est intergénérationnel et international. L’action originale de « la dictée pour tous » reste un mouvement précurseur.

Michel Zink, défenseur de la langue française © DR
Cette action, la dictée, est encouragée et parrainée par des personnalités du monde des lettres, des artistes, des sportifs ainsi que des citoyens engagés et sensibles à la conservation de la langue française. Et loin de l’image rébarbative voire effrayante que veulent en donner certains esprits chagrins, cette manifestation est un moment de partage festif et ludique qui agit comme un ciment social. Un défi amical et bienveillant.
Vous pouvez, si vous voulez vous tester, et/ou mettre autrui à l’épreuve -gentiment et avec le sourire -en découvrant celle qui mit aux prises un public de quatre cents personnes dont beaucoup de jeunes élèves qui ne donnaient vraiment pas l’impression d’être en retenue ! (Cela existe-t-il encore aujourd’hui d’ailleurs ?) La voici et selon ce chroniqueur, elle est plutôt douce et assez courte. Une épreuve pas insurmontable !
Le français toujours à la fête !
On trouve ci-dessous le lien pour découvrir l’impressionnant plan d’action détaillé pour remplir ce contrat que la municipalité a institué. Un contrat qui est tout sauf léonin : celui qui concrétise dans les faits une union dynamique autour de notre langage commun.
Un plan d’action structuré et ambitieux
– Mise en place d’un espace dédié sur la plateforme citoyenne.
– Les Raphaëlois pourront y soumettre leurs suggestions et propositions pour enrichir le plan d’action.
– La Ville assurera un suivi pour intégrer les idées les plus pertinentes.
-Distribution d’un livret pédagogique aux jeunes. Un livret contenant chaque jour un mot rare ou complexe, avec son explication, son emploi dans une phrase et des règles d’orthographe et de conjugaison. Objectif : enrichir le vocabulaire et ancrer les fondamentaux de la langue.
-Mise à disposition du Projet Voltaire. Outil numérique reconnu de perfectionnement en orthographe et expression, offert gratuitement aux Raphaëlois et aux agents municipaux .

Palais des Congrès © Photo Ville de Saint-Raphaël
– Intégration de la langue française dans l’espace public.
– Art urbain, street art et fresques : demander aux artistes d’intégrer et de valoriser la langue française dans leurs créations (citations, mots-clés, phrases poétiques à l’autre). Les fresques sur le M.U.R. de la Ville devront respecter ce cahier des charges.
– Entremêler l’art et la langue pour rendre visibles la beauté et la force du français.
-Création d’espaces publics de lecture (aménagements végétalisés propices au confort et à la lecture, installation de boîtes à livres accessibles à tous).
– Lancement d’un défi annuel pour les associations. Chaque association sera invitée à proposer un projet original visant la promotion, la défense ou la valorisation de la langue française. La Ville financera le projet lauréat et mettra en œuvre son déploiement. Un travail de sensibilisation sera mené en lien avec les jeunes conseillers municipaux dans les écoles et collèges avec une réflexion autour de la mise en place « d’ambassadeurs de la langue ».

Le M.U.R. à Saint-Raphaël © Photo Ville de Saint-Raphaël
-Encourager les jeunes à s’engager dans des actions concrètes (dictées, ateliers d’écriture, soutien à la lecture). Mise en place dès la prochaine rentrée scolaire.
– Distribution d’un recueil des plus belles lettres de l’Histoire. Offrir un recueil mettant en avant la force de l’expression écrite à travers des lettres historiques marquantes. Sensibiliser chacun à l’importance de la correspondance épistolaire et du choix des mots.
-Ouverture à divers intervenants (spécialistes, linguistes, journalistes, auteurs) pour éclairer le public sur les enjeux de la langue française.
-Concours d’écriture pour la jeunesse : «La langue française en 2050» ou « La langue française à travers le temps » ou « Un monde sans mots » ou « Lettre à la langue française ». Concours ouvert aux écoliers, collégiens et lycéens, avec un prix par catégorie. Les meilleures productions seront récompensées et mises en avant lors d’un événement municipal.
-Signature d’une «Charte des commerces et entreprises engagés pour le français». Engagement des commerçants et entreprises dans la suppression des anglicismes et la valorisation du français dans leur communication. La Ville mettra en avant les établissements proactifs, via un label, et une mise en avant sur nos supports de communication des établissements pro actifs.
-Renouvellement et installation durable de la dictée géante. Événement participatif ouvert à tous, pour partager un moment de convivialité autour de l’orthographe. Institutionnaliser la dictée géante comme un rendez-vous périodique.
-Soirée en collaboration avec la Conférence du Stage Soirée dédiée à l’éloquence et à la langue française, avec la participation d’avocats du barreau. Mises en situation, procès fictif, joutes verbales et démonstration de plaidoyers pour souligner la force oratoire du français.

Le M.U.R. à Saint-Raphaël © Photo Pascal Borsotto / Ville de Saint-Raphaël
– Développement d’ateliers pour les jeunes au sein de l’espace jeunesse. Accompagnement dans la rédaction de lettres de motivation, CV, dossiers, projets scolaires. Instaurer une dynamique positive autour de l’écrit, avec l’aide de professionnels spécialisés.
– Permanence dans les quartiers (maison France services, bureaux municipaux) de l’écrivain public pour proposer une aide à la rédaction administrative.
– Création d’un service civique linguistique avec inclusion dans le dispositif de bourse au permis.
-Recrutement de jeunes volontaires (16-25 ans) qui interviendront dans les écoles primaires, les EHPADs, les centres sociaux pour animer des ateliers de lecture, dictées, jeux de mots.
-Création d’un concours d’éloquence pour les jeunes Raphaëlois dans le cadre des Rencontres de l’avenir.
L’Avenir et les dictées !
C’est avec ce mot plein d’espoir, l’avenir, que se clôt cette liste abondante mais incomplète de tout ce qui adviendra à Saint-Raphaël autour de la langue. Les dictées étaient autrefois populaires en Belgique. Notamment avec ces Championnats nationaux d’orthographe si renommés au siècle passé, même s’ils existent toujours aujourd’hui.
Les premières années, de grandes sommités comme Joseph Hanse ou Albert Doppagne s’y impliquaient. Les Championnats nationaux d’orthographe, créés en 1971, furent des événements dotés d’un certain retentissement médiatique belge aujourd’hui presque éteint, hélas. Ils existent encore aujourd’hui et continuent néanmoins leur petit bonhomme de chemin discret et reculé. Il nous reste heureusement la fameuse Dictée du Balfroid et quelques dictées épisodiques.

Bernard Pivot lors d’une interview pour la Librairie Mollat au sujet de son ouvrage « La mémoire n’en fait qu’à sa tête » © Wikipedia Commons
Mais on ne constate plus en Belgique le même engouement que celui de naguère ou jadis pour les dictées. Contrairement à la France qui y reste plus attachée que jamais en 2025. Dans les années quatre-vingts, on se souvient des fameuses Dictées télévisées de Bernard Pivot, les fameux Dicos d’or, créés il y a quarante ans, en 1985 et tristement disparus il y a vingt ans, en 2005. Des dictées bien plus redoutables que celle qui entraîna l’amicale confrontation mentionnée plus haut !
Ces joutes passionnantes auxquelles collabora le correcteur le plus célèbre de France : le très prolifique Jean-Pierre Colignon, toujours sur la brèche comme auteur infatigable, responsable d’un blog très populaire et créateur d’innombrables dictées pour des joutes orthographiques qui se perpétuent bien heureusement en France ! On pourra sans doute y revenir. Celle prévue le 11 avril au Festival du Livre de Paris sera diffusée par la suite sur France 5, partenaire de ce Festival !
La Grande Dictée au Petit Palais – Vendredi 11 avril 14h – 18h
La Grande Dictée fait son retour en 2025 pour une nouvelle édition placée sous le signe de la découverte ! Le vendredi 11 avril, au Petit Palais, les passionnés de la langue française sont invités à relever le défi de textes inédits, écrits et lus par trois autrices, sur la thématique de la mer. La Grande Dictée est présentée par Augustin Trapenard et Rachid Santaki. Captée et diffusée prochainement sur France 5.

© La Grande Dictée
Comme quoi, certaines passions heureuses et persistantes ne passent pas. Nous qui aimons notre langue française sans conditions et avec ferveur, nous ne pouvons qu’approuver tout ce que j’ai modestement voulu vous décrire plus haut. Et si certains individus, certaines associations, certaines administrations communales, y compris en Belgique, voulaient s’y mettre à leur tour, gageons que le succès aurait toutes les chances d’être à ce beau rendez-vous !
Ranimer une telle flamme, ce serait un très beau programme… En attendant, que vive très fort et à jamais la langue de trois cents millions de locuteurs -et évidemment locutrices -dans le monde ! La leur, la mienne, la nôtre à nous toutes et tous ! Et bravo à Saint-Raphaël pour donner ce bel exemple de dynamisme et de créativité inclusive !
Immortelle Hélène Carrère d’Encausse, un Pont entre Orient et Occident