Victor Julien-Laferrière nous dit son amour du violoncelle
Nous avons eu l’honneur d’interviewer Victor Julien-Laferrière à la veille d’une rencontre qui s’annonce intense pour les mélomanes à Flagey, la célèbre salle de concert bruxelloise.
Illustration : Victor Julien-Laferrière et son violoncelle © photo Jean-Baptiste Millot
C’est la première fois que vous jouez, ensemble, aux côtés de Lucas Debargue. Qu’est ce qui vous a inspiré à « imaginer » ce duo que l’on a hâte de découvrir prochainement ?
C’est assez amusant car nous avons déjà ensemble il y a plus de 10 ans. La première fois ce fut par le hasard de festivals promotionnant de jeunes artistes à Paris en 2014 et en 2015. Nous avions déjà donné un récital ensemble de musique française début 20e siècle donc pas si éloigné du programme que nous allons donner dimanche prochain. Plus généralement, nous sommes de la même année, donc nous nous sommes souvent croisés, soit en jouant, soit en partageant des amis, des admirateurs et des collaborations.

Victor Julien-Laferrière et son violoncelle © photo Jean-Baptiste Millot
D’une certaine manière, nous avons évolué dans des milieux assez proches, mais il est vrai que nous n’avions pas suffisamment joué ensemble donc je fus absolument ravi lorsque Ulrich Hauschild, manager culturel auprès de Flagey, a lui-même pensé à cette association. Je le pris au mot et nous avons imaginé ce programme avec Lucas Debargue.
Vous avez choisi d’interpréter ensemble des œuvres de Gabriel Fauré, Nadia Boulanger et Louis Vierne. Un choix qui semble être mû par des passions, par des inquiétudes communes ?
Nous partageons un goût particulier pour ce répertoire. Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls, c’est un goût assez large. Nous apprécions fortement la musique française de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle. Cette période post romantique- on pourrait presque dire entre le post post romantisme, l’impressionnisme et bientôt déjà le modernisme- est vraiment passionnante et parfois laissée pour compte dans les programmations car quelque fois incomprise et même stéréotypée. Lucas Debargue et moi-même, partageons vraiment un amour pour ces œuvres- là, y compris pour certains compositeurs injustement délaissés.

Le bâtiment emblématique de Flagey © photo Johan Jacobs
J’ai toujours aimé explorer cette période-là. Nous avons du faire des choix dans ce répertoire. Lorsque je joue avec un partenaire avec lequel je n’ai pas encore fait de projet, j’aimé énormément partir d’une page blanche pour construire quelque chose avec fraicheur et sans automatismes construits avec d’autres musiciens. Nous avons choisi un programme qui nous permettait justement une grande fraicheur car nous avons relativement peu joué cette sonate de Gabriel Fauré. La première Sonate de Fauré fut une magnifique occasion de s’y atteler ensemble.
Quant aux pièces de Nadia Boulanger ?
Ce fut différent car je les avais enregistrées dans le cadre de la fondation Bru zane qui a élaboré un coffret dédié aux compositrices de cette période. Elles sont très souvent dans mes programmes car elles sont admirables. D’abord elles sont absolument admirables. L’écriture est d’une pureté absolument extraordinaire. Ce sont des pièces très inspirées, pas de note superflue et profondément originales dans leur expression. Ce sont des pièces très intéressantes car très ambiguës. Il y a aussi un côté très baroque par le côté extrêmement minimaliste de l’écriture avec peu d’indications de tempo et métronomique.


Victor Julien-Laferrière © photos Lyodoh Kaneko
On peut en tirer des interprétations très différentes selon les orientations choisies. Ces pièces coupent le rythme avec les grandes formes des sonates en général que l’on inclut dans les récitals. Quant aux sonates de Louis Vierne, elles sont trop absentes des sales de concert. Vierne qui fait partie de cette école de grands organistes français de cette période et qui a écrit cette sonate très inspirée pour le violoncelle. Cette sonate a toujours été respectée sans devenir le bestseller qu’elle aurait pu devenir.
Vous souvenez-vous d’un moment précis durant lequel est né « cet amour pour le violoncelle » ?
S’il fallait trouver un moment précis, c’est un peu étrange, mais mon amour pour le violoncelle pourrait avoir été conscientisé lors de l’académie organisée par Seiji Ozawa en Suisse, en 2005. C’était la toute première qu’il organisait et je devais avoir à peine 15 ans. Ce fut un choc de côtoyer ce grand musicien mais surtout de me retrouver pour la première fois entouré de jeunes musiciens à peine plus âgés que moi et doués d’un talent incroyable. A ce moment, je commençai à développer ce grand amour du violoncelle en tant que tel.


Lucas Debargue © photos Tim Cavadini
Vous avez reçu, en 2017, le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth. Quels sentiments éveillent en vous ce souvenir ?
On approche doucement des 10 ans de ce Concours. J’en ai encore un bouillonnement de souvenirs incroyables… Se retrouver au cœur d’un événement tel fut absolument unique. J’ai pu percevoir que ce Concours est vraiment ancré dans la ville et dans le pays entier. Il y a quelque chose de très fort qui se passe lors de ce celui-ci et qui dépasse largement les candidats. On voit très rarement cela dans nos milieux.
Quel est votre rapport à la transcendance ?
La transcendance au moment du concert, c’est pour moi définir quelle est la part sur laquelle je peux agir consciemment et celle qu’il faut laisser à l’inspiration…
Le dimanche 28 septembre 2025 à 20h15. Flagey Studio 4/ Tel : 02.641.10 .20
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